4 ans après le scandale de Villeneuve-de-Blaye, l’intoxication d’écoliers suite à un épandage de fongicides, que s’est-il passé ? « Rien ou pas grand-chose », dénoncent les collectifs de lutte contre les pesticides. Pour Marie-Lys Bibeyran, d’Info Médoc Pesticides, la découverte par l’enquête Happi de 15 résidus de produits chimiques dans une école « prouve l’insuffisance de l’arrêté préfectoral du 22 avril 2016 », qui impose en Gironde une distance de 50 mètres entre les écoles (et autres lieux accueillant des publics fragiles) et les parcelles à pulvériser.
En outre, des chartes de bonne conduite, par lesquelles les viticulteurs s’engageaient à ne pas traiter sur temps scolaire, ou moins de 48h avant le retour des élèves en classe, on récemment été violées à Saint-Estèphe et Saint-Genès-de-Lombaud, poursuit Marie-Lys Bibeyran.
« La seule solution, c’est de légiférer et de porter le débat sur la nature des produits plutôt que sur des parades qui ne rassurent que ceux qui les défendent ».
Comme plusieurs associations environnementale (Générations Futures, qui receuille des témoignages de riverains victimes des pesticides, Alerte aux toxiques, de Valérie Murat, Alerte Pesticides Haute Gironde…) réunies vendredi dernier au Club de la presse de Bordeaux, la militante anti-pesticides soutient donc la proposition de loi défendue par le député (France insoumise) de Gironde, Loïc Prud’homme.
Zone tampon
Ce texte réclame la création d’une « zone tampon » de 200 mètres exempte de pesticides CMR (cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques) ou PE (perturbateurs endocriniens) autour des habitations, des lieux accueillant des personnes vulnérables (crèches, écoles, hôpitaux…) et de tout autre lieu recevant du public.
« Il y a une urgence absolue à protéger car la loi ne le fait pas, plaide Loïc Prud’homme. Un lieu de vie peut être soumis à des pulvérisations assez forte, avec pour seule limitation la vitesse de vent. Le cadre est à peine plus protecteur pour les écoles, selon qu’elles sont ou non munies de haies ou de filets. Mais ces dispositifs sont inefficaces : l’étude Happi a montré qu’on retrouve des CMR ou des PE dans les maisons. De plus, les protections ne sont pas les mêmes que vous soyez en Champagne ou en Gironde », dont le préfet a adopté un arrêté plus restrictif.
Cette disparité territoriale a été pointée dans un rapport récent de l’Igas (inspection générale des affaires sociales), souligne le député insoumis (de métier technicien à l’INRA, l’institut national de recherche agronomique). Ce dernier rappelle que les recherches scientifiques font de plus en plus le lien entre l’utilisation des produits phytosanitaires et le développement de certaines maladies, comme Parkinson, chez les agriculteurs ou les riverains.
« Pas un truc de gauchiste radicalisé »
Si la limite de 200 mètres peut se révéler très contraignante, « fait le pari » qu’une telle obligation pousserait les agriculteurs à revoir entièrement leur modèle pour se passer des pesticides les plus dangereux, voire se convertir à l’agriculture bio. Il veut croire en la bonne volonté des viticulteurs, la chambre d’agriculture de Gironde multipliant les stages pour traiter sans CMR ou PE :
« Ce n’est donc pas une mesure d’écolo bobo ou de gauchiste radicalisé, elle est pragmatique, réalisable et portée par des professionnels. »
Avant, espère Loïc Prud’homme, une interdiction pure et simple de ces produits, qui ne peut toutefois être décrétée qu’à l’échelle européenne.
« Des amendements à la loi agriculture et alimentation avaient été fait pour permettre aux préfets de pouvoir ségréguer les produits, mais ils n’ont malheureusement pas eu l’approbation du gouvernement », rappelle Cyril Giraud, de Générations Futures Bordeaux.
Juste une illusion ?
Cette proposition de loi subira-t-elle le même sort ? Si elle a été cosignée par 15 élus du groupe France insoumise à l’Assemblée nationale, deux communistes, mais aussi deux députés de La République en marche et un non-inscrit, Loïc Prud’homme ne se fait « pas d’illusion sur le fait qu’elle soit reprise par la majorité » :
« Je le regrette car c’est un sujet trans-partisan. Moi je ne m’interdis pas de voter des propositions de loi si elles vont dans le sens de l’intérêt général. Mais c’est une brique que je pose. Et je constate qu’en commission du développement durable, des deputés LREM et Les Républicains, rapporteurs d’une mission d’information sur la loi biodiversité, font une recommandation, la N°25, de renforcer les zones de non traitement… »
Preuve que si l’idée n’est pas encore majoritaire, elle gagne rapidement du terrain.
Chargement des commentaires…