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Valentina Iorio, une pirate sur les Bassins à flot

Arrivée à Bordeaux, l’Italienne Valentina Iorio achète une péniche et la transforme en bateau-ciné. Elle montre des films emportée par les courants, jusqu’à Nérac, Agen et Toulouse. Troisième portrait de notre série « Rencontres Bordelaises », publiée chaque mardi de cet été.

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Valentina Iorio, une pirate sur les Bassins à flot

Un jour de 2014, quand le Klipper Aak de 1912 amarré au n° 1 des Bassins à flot change de propriétaire, les occupants des bateaux voisins n’ont pas bronché plus que ça. Seulement quand ils ont vu apparaître Valentina Iorio sur le pont de cet ancien navire de pêche hollandais de 18m60, certains ont eu le regard noir y voyant la lubie d’une Napolitaine, taille mannequin, débarquée de Paris pour vivre à Bordeaux, dans une péniche sédentaire à quai.

« Mon voisin à côté, quand il m’a vu sortir le bateau, naviguer et revenir, il s’est mis à me dire bonjour. C’est devenu quelqu’un d’autre ! »

A 32 ans, après avoir vécu dans des grandes métropoles européennes – Rome, Bruxelles, ou Paris –, Valentina Iorio voulait « avoir un bateau, un symbole associé aux légendes des libertés et des pirates ».

Valentina Iorio à bord de sa péniche sur les Bassins à flot (WS/Rue89 Bordeaux)

Kaizoku

De père italien, avocat en droit international, et de mère belge, géographe, installés à Rome, Valentina Iorio choisit après son bac d’apprendre l’histoire de l’art à Bruxelles parce qu’elle ne savait « pas trop quoi faire ». Elle arrête ses premières études pour se tourner vers l’histoire du cinéma.

Elle travaille ensuite sur les tournages de films à Paris, comme machiniste, avant de venir poser ses valises à Bordeaux « par hasard ». Elle a « un coup de cœur » pour Rita, une péniche. « Sur un coup de tête », elle passe le permis fluvial, acquière l’embarcation pour y vivre et s’installe sur les Bassins à flot, au pied du futur musée de la mer et de la marine.

« Je n’avais pas fait attention que le quartier allait changer. C’était abandonné avant et très industriel, et d’un coup, ils ont construit une ville monopoly ! »

Fidèle à ses premiers amours, le cinéma, elle a le projet de transformer son embarcation en bateau-ciné nomade. Très vite, elle lance un financement participatif pour l’achat du matériel, rameute quelques mécènes de sa famille, et crée une association qu’elle appellera Kaïzoku, terme japonais qui désigne les… pirates.

« Je cherchais un nom pour l’héroïne d’une bande dessinée sur laquelle je travaillais. J’ai trouvé Kaïzoku qui collait bien. La BD n’est jamais finie et le nom est devenu celui de mon asso. »

Itinérance

Le 5 juillet 2016, une première projection sur les Bassins à flot inaugure l’initiative. Une structure métallique est installée sur la péniche pour accueillir un écran et, du côté du hangar G2, des chaises sont installées à quai pour visionner, à la nuit tombée, « La Isla minima » d’Alberto Rodriguez.

« Nous avons contacté toutes les communes où passe un canal, un fleuve, ou une rivière dans la région. Nous avons eu des retours positifs mais aussi des retours négatifs, et parfois rien ! »

Un site internet présente le projet : « L’idée d’itinérance vient des débuts du cinéma, lorsque le cinéma faisait partie du monde des forains. […] L’itinérance permet d’amener le cinéma là où il n’y a pas de salles, pour les gens qui ne peuvent pas se déplacer, et en utilisant cette voie d’eau qui fait partie de leur vie de tous les jours. »

Le mois qui a suivi la première projection, s’empilent les rendez-vous de cinéma itinérant en plein air. La péniche navigue entre 6 communes : Bordeaux, Meilhan-sur-Garonne, Toulouse, Agen, Buzet, Nérac. En tout, 120 écluses, 538 km de navigation, 7 films, 9 étapes… et 1 capitaine.

Le ciné-bateau Rita à Meilhan-sur-Garonne (© Kaïzoku)

A venir

Pour cette année 2018, une dernière projection est prévue le 15 septembre pour les journées du patrimoine avec le film : « L’étrange créature du Lac Noir ». Un histoire d’eau, tout comme les films déjà programmés, « Rivière sans retour », « African Queen », « Fitzcaraldo », « L’Atalante », « Mud, sur les rives du Mississippi »… un crédo que l’association détaille :

« Contrairement à la mer et aux océans, qui s’apparentent à un désert d’eau, où les bateaux sont traversant, où le rêve d’un marin est toujours d’arriver au port ; contrairement à l’eau salée, à ses monstres, tempêtes et ennemis… une rivière d’eau douce est comme une veine de la terre, on ne s’en éloigne jamais bien loin… »

Quand à l’avenir, Valentina Iorio se donne des limites :

« Il ne faut pas qu’on voit trop grand. J’apprécie le côté léger de cette entreprise. La projection n’est qu’un prétexte pour créer des liens entre les publics et entre les acteurs d’un territoire. Avant chaque projection, nous invitons des artistes, des auteurs, des producteurs locaux, pour présenter leurs productions… A cette échelle humaine, j’espère faire plus d’itinérance, aller vers les villages plus que les grandes villes. »

Une aventure à suivre, au fil de l’eau, menée par une pirate d’eau douce.


#Rencontres Bordelaises

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