Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
719 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

Manon Valentino, la boss bordelaise du BMX

Depuis l’âge de 10 ans, Manon Valentino pratique le BMX et multiplie les titres de championne de France, d’Europe voire du Monde (junior). Affiliée au Stade Bordelais-ASPTT, elle vient de participer aux Championnats européens où elle a échoué, comme toutes les Françaises engagées, aux portes de la finale. Cinquième et dernier portrait de notre série « Rencontres Bordelaises ».

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Manon Valentino, la boss bordelaise du BMX

Malgré les nombreuses blessures de ces dernières années, Manon Valentino a atteint, cette semaine, les demi-finales BMX des Championnats sportifs européens de Glasgow-Berlin, pour échouer finalement aux portes de la finale.

« Persévérance, discipline, courage », sont les maîtres mots de cette sportive de haut-niveau hors normes, particulièrement face à l’adversité. Il lui a fallu un peu de tout cela pour parvenir à son niveau actuel et s’imposer dans un univers masculin – où les primes de victoire des femmes sont inférieures à celles des hommes.

Rigueur et hygiène de vie

Manon Valentino, championne de France à Vesoul en 2014 (Christophe Delorme/Wikipedia)

Née à Valréas (Vaucluse) en 1990, elle s’essaye d’abord au tennis, à l’athlétisme et à l’équitation. C’est à l’âge de dix ans, qu’elle goûte pour la première fois au bicycle motocross (BMX), après avoir chipé celui de son frère.

« Ma mère n’était pas d’accord car elle trouvait cela dangereux, se souvient la désormais Bordelaise de 27 ans. Puis, quand mon frère s’est mis au BMX freestyle (NDLR : discipline où le cycliste fait des acrobaties dans les rues, parcs…), elle a finalement accepté ».

Elle rejoint le club de BMX de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) avant celui de Saint-Etienne (Loire). Elle participe à des petites compétitions, puis à ses premiers championnats de France en 2001, avec un succès grandissant et cinq victoires (en 2011, 2013, 2014, 2016 et 2018). Qui la propulsent vers les championnats d’Europe (2 manches remportées en 2011 et 2013), du monde et, en 2016, les Jeux olympiques de Rio (où elle arrive 8e en finale).

Pour parvenir à un tel niveau, elle s’entraîne une à deux fois par jour, six jours par semaine, soit 30 heures hebdomadaires de sport. Elle se plie aussi à une hygiène de vie quasi irréprochable : manger des plats diététiques concoctés par ses soins, se coucher avec les poules (vers 21h, 22h au plus tard), se lever aux aurores pour filer faire du vélo… Sans parler de la période d’affûtage avant la saison, des séances quasi quotidiennes d’étirements, de musculation, de gainage, d’home-trainer et de préparation mentale, chronophages.

Les jambes et la tête

Manon Valentino n’a pas pour autant délaissé les bancs de l’école au fil de son ascension sportive : interne au lycée à Avignon, elle a passé avec succès un baccalauréat S (option physique-chimie) la même année que sa première participation aux Championnats du monde, à Talyuan (Chine), en 2008, où elle a décroché le titre mondial en catégorie junior.

Elle a ensuite intégré le pôle France à Aix-en-Provence et le Pôle France olympique au centre national du cyclisme à Saint-Quentin-en-Yvelines (de 2014 à 2016).

« A chaque fois, je suis partie car on m’imposait des choses. Je souhaite pouvoir m’entraîner seule », confie l’athlète.

Parallèlement, la jeune femme a débuté un BTS en communication qu’elle n’a pu valider en raison du calendrier de compétitions chevauchant celui des examens.

« Par chance, en 2013, j’ai pu décrocher un CDI chez Eiffage Construction, grosse entreprise de bâtiment et travaux publics, à Montrouge (Hauts-de-Seine), grâce à un ancien judoka qui est devenu mon agent, raconte la championne. Mais j’en ai eu assez de Paris. »

Nouveau coup de bol : Philippe Moulia, directeur général d’Eiffage Construction Nord Aquitaine, ex-président du Stade Bordelais et vice-président de l’Union Bordeaux Bègles, lui propose un poste d’assistante commerciale à Bordeaux. Grâce à une convention d’insertion professionnelle, des aides apportées par la Région Nouvelle Aquitaine et par la Fédération française de cyclisme à mon employeur, elle a des horaires réduits, « 25 heures par semaine, quelques mois par an, peux m’entraîner matin et soir et me rendre aux compétitions ».

Entre Alicante et Lacanau

Elle a intégré la section BMX du Stade Bordelais-ASPTT, où elle a retrouvé son tout premier entraineur : Jean-Christophe Tricard, en qui elle avait « entière confiance » :

« Nous nous respectons mutuellement. Il m’envoie mes programmes d’entraînement et je les suis à la lettre, été comme hiver. »

Car l’hiver, la jeune femme aux origines guadeloupéennes – territoire d’outre-mer dont on retrouve le code départemental 971 tatoué sur un annulaire de la sportive et qui est aussi son numéro de carrière et de dossard – émigre à Alicante, ville portuaire du sud-est de l’Espagne. Elle y fait du dénivelé et parcourt les 4-5 belles pistes de BMX de la région tout en profitant de la douceur du climat.

A Bordeaux, il lui arrive de s’entraîner sur les pistes cyclables, vers Lacanau ou Créon.

971, le code du département de la Guadeloupe, le chiffre fétiche de Manon Valentino, ici en finale du championnat de France 2014 (Christophe Delorme/Wikipedia)

Des bosses et des bleus

Ses meilleurs souvenirs de compétition ? Quand elle a remporté son titre de championne du monde junior en Chine, une compétition à Sao Paulo (Brésil), une autre au Canada, toujours en famille. « On partait parfois avec mon frère et ma sœur. On en profitait bien, on rigolait beaucoup, j’en garde d’excellents souvenirs », se remémore-t-elle.

Ses pires moments ?

« Une manche de coupe du monde à Rock Hill (Caroline du Sud), aux Etats-Unis, en 2015. J’avais fait une très grosse prépa, une bonne année 2014 et je visais une médaille aux J.O. de Rio. Lors de cette compétition, où l’on enchaîne comme partout buttes (de 8m de haut), bosses, virages relevés, obstacles techniques, je suis rentrée en contact avec une concurrente. J’ai voulu me redresser, j’avais le pied complètement de travers. Bilan : luxation de la cheville vers l’extérieur, ligaments rompus, fracture de l’astragale (un os du pied)… On m’a fait une première opération aux États-Unis avant de me renvoyer en France en avion, en première classe. Les médecins m’ont mise sous morphine car je souffrais trop. J’ai découvert que j’y étais intolérante : j’ai vomi pendant tout le trajet. Tandis que mon rêve de médaille olympique s’effondrait. Arrivée en France, le chirurgien de l’équipe de France m’a opérée avec succès. »

Manon Valentino parvient toutefois à se rétablir à temps pour les Jeux au Brésil, en 2016 :

« Après deux mois d’immobilité, j’ai pu reprendre le vélo. Malgré ma blessure, j’ai été sélectionnée pour les J.O. Ma mère essayait de me préparer psychologiquement à une défaite. Le jour J, à Rio, j’ai fait une chute monstrueuse – que mes parents ont vue à la télévision – qui a provoqué d’énormes hématomes sur mes jambes. Je suis arrivée 8e. Impossible de marcher ensuite, mais j’ai quand même fait la fête… en fauteuil roulant ! »

Des blessures, la néo-Bordelaise les collectionne : deux traumatismes crâniens, une hémorragie au foie, une clavicule cassée, une fracture de la tête du radius et deux autres de la cheville, luxation ouverte d’un index, arrachement osseux au niveau du bras, ligaments distendus…

La Guadeloupe chevillée au corps

« Ma mère n’attend qu’une chose : que j’arrête car elle a peur pour moi à chaque bosse ! », dit celle dont le corps est tatoué – entre autres – d’une tête de mort, jouxtant une femme africaine, un hibiscus et un colibri.

« La femme africaine, c’est pour représenter mes origines, le crâne car je défie la mort tous les jours, l’hibiscus pour la féminité et le colibri pour la joie. »

Sur l’un de ses bras, on peut lire « Act like it’s impossible to fail » (Agis comme si tu ne pouvais échouer), preuve de sa détermination. Son premier tatouage fut un BMX. Elle souhaiterait en faire d’autres, réalisés par le même tatoueur, ami de son frère : une femme guerrière avec un lion ou un éléphant, un phénix qui renaît de ses cendres et d’autres en lien avec le vélo…

La jeune femme a plus d’une corde à son arc : en 2017, elle a obtenu le diplôme d’entraîneur et organise désormais des stages partout en France. Elle a créé dans la foulée l’association « Champions à louer » qui offre à des athlètes de haut niveau la possibilité d’intervenir auprès de clubs, entreprises et collectivités locales. C’est ainsi qu’elle a récemment initié au BMX 80 habitants de Valréas.

« Les jeunes adorent faire du vélo et sauter des bosses. Le BMX peut même canaliser ceux qui ont besoin de sensations fortes. »

En France, le BMX représente désormais 19 % des licenciés à la Fédération française de cyclisme (FFC). Il est le seul sport de la fédé dont la pratique était en hausse en 2017. En digne représentante de la discipline, l’athlète à la tignasse impressionnante se fixe un objectif de taille : se qualifier pour les J.O. de Tokyo en 2020. Et effacer alors la chute de Rio.


#Rencontres Bordelaises

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options