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Week-end bateaux, entre deux expos, dans l’Entre-deux-Mers

Un tour à Malromé pour l’excellente installation de Tadashi Kawamata, en passant par l’exposition de Bettina Rheims au château de Cadillac, et fraîcheur toute en bords de Garonne aux Chantiers Tramasset au Tourne, ce week-end, l’Entre-deux-Mers est incontournable.

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Week-end bateaux, entre deux expos, dans l’Entre-deux-Mers

C’est le dernier week-end de juillet. Que vous soyez juillettiste sur le retour, ou aoûtien sur le départ, ou estivant bordelais, il sonne la mi-temps de la saison estivale avec, en prime, une petite pause pour les températures caniculaires (26 °C ce samedi). Les conditions idéales pour une escapade dans l’Entre-deux-Mers, élu the place to be par nos soins pour une journée chronométrée, options incluses.

A la baguette : château Malromé

Départ de Bordeaux vers château Malromé (Saint-André-du-Bois) : 57 km en 40 minutes
Samedi – heure de départ : 10h00 – heure d’arrivée : 11h
(l’exposition ouvre à 10h la semaine et à 11h le dimanche)

Il y a des idées qui viennent de nulle part et qui tombent au bon moment, au bon endroit. L’œuvre de Tadashi Kawamata au château Malromé à Saint-André-du-Bois en est une. Comme toutes les créations in situ de l’artiste japonais, « Nuageux (Requiem for Toulouse-Lautrec) » est une œuvre éphémère. D’une rare délicatesse, elle prend la forme d’un long nuage flottant, composé de milliers de baguettes japonaises.

L’idée est née avec un rāmen raconte l’artiste dans une vidéo visible sur les lieux. Les rāmen sont des mets japonais constitués de pâtes dans un bouillon, et servis dans un bol.

« J’ai eu l’idée de faire un bol avec les baguettes qui me servaient à manger ce qu’il y a dedans. Ce qui a donné l’aspect d’un nid. »

Le nid devient « parasite » et se retrouve perché à des endroits inattendus « comme un chewing gum qu’on colle quelque part pour s’en débarrasser » ! Le visiteur en découvrira plusieurs lors de sa déambulation autour de l’œuvre principale.

« Nuageux » de Tadashi Kawamata au château Malromé (WS/Rue89 Bordeaux)

Les derniers jours de Toulouse-Lautrec

Avec cette technique d’assemblage de baguettes, Nuageux a nécessité plus de deux semaines de réalisation. L’œuvre évoque, selon l’artiste, les derniers jours d’Henri de Toulouse-Lautrec. Pour se reposer de ces excès parisiens et d’une maladie osseuse, celui-ci passait ses étés à Malromé, propriété acquise par sa mère Adèle. En 1901, il y décédera le 9 septembre à l’âge de 36 ans.

« Nuageux apparaît ainsi comme une métaphore de ces jours funestes en invoquant l’esprit flottant d’un Lautrec qui fait face à la mort. Un nuage pour un dernier souffle… »

Un souffle éternel. « C’est une installation sans fin, interminable » dira l’artiste. La métaphore d’un souvenir traversant les temps, celui d’un génie du XIXe siècle à qui un hommage est rendu par un artiste du XXIe siècle attentif à la fragilité de la condition humaine, comme en témoigne son œuvre, Under the Water, réalisée suite au tsunami qui ravagea les côtes japonaises en 2011.

Cette exposition est la quatrième conçue dans le nouvel espace créé dans le château Malromé, après les importants travaux engagés par le nouveau propriétaire des lieux, le groupe de distribution franco-asiatique DC&BV, chapeauté par le Cambodgien Kim Huynh. Sa fille, Mélanie Huynh, gère le château et ses 42 hectares de vigne en production.

Accès gratuit. Exposition jusqu’au 23 septembre. Site internet du Château Malromé.
Des dégustations et autres visites payantes sont proposées, notamment la salle consacrée à Toulouse-Lautrec.
Le parcours de l’installation de Tadashi Kawamata se termine au restaurant Adèle x Maison Darroze. Le cadre pour y déjeuner est très agréable. Le menu complet de la carte d’été est de 25€.
Par ailleurs, le coin ne manque pas de (super) plans pique-niques, aussi bien à Saint-Macaire (en contrebas au bord de la Garonne), Sainte-Croix-du-Mont (avec sa vue panoramique sur le fleuve), ou Castets-en-Dorthe (dans le cadre champêtre du canal).

Derrière les barreaux : château de Cadillac

Départ du château Malromé vers le château de Cadillac : 13 km en 17 minutes
Samedi – heure de départ après déjeuner (selon où vous serez) : 14h30 – heure d’arrivée : 15h
Vous avez tout le temps d’arriver au Château de Cadillac car un petit tour de la bastide en vaut la chandelle.
Fermeture à 18h et dernier accès 40 mn avant.

Quarante-quatre femmes. Une de dos (l’affiche), une accompagnée, toutes les autres sont seules face à l’objectif. Des Thérèse, Vanessa, Nina, Déborah, Soizic… Des prénoms pour certaines. Des prénoms et des noms pour d’autres. Des jeunes, des âgées. Elles sont photographiées dans quatre centres de détention : Rennes, Potiers, Roanne et Lyon.

Dans les sous-sols du château de Cadillac, se déploie l’exposition « Détenues » de Bettina Rheims. Cette série de portraits n’est pas nouvelle, elle date de 2014. Le Centre des monuments nationaux a attendu 2018 pour la présenter dans deux lieux dont il a la charge, le château de Vincennes et ensuite celui de Cadillac. Les deux monuments affichent un passé carcéral. Le château de Cadillac, construit au début du XVIIe siècle, a été converti en prison pour femmes en 1818.

Chaque photographie de l’exposition est logée dans une alcôve au sein d’une grande structure métallique et éclairée par une lumière blanche et froide. Les visages des détenues défilent dans les alcôves alignées comme les cellules d’une prison. Un dispositif qui a tendance à forcer le trait.

« Détenues » de Bettina Rheims au château de Cadillac (WS/Rue89 Bordeaux)

« Visibles »

A Lyon, une détenue porte le nom de Marie-Pierre Grobon. La soixantaine, une allure de directrice d’école ou de secrétaire de direction. Son histoire est dans les journaux. En septembre 2014, souffrant d’un alcoolisme chronique, et contrôlée « au volant de sa voiturette, avec un taux de 2,42 grammes d’alcool », elle écope de 14 mois dont 8 mois ferme. De la même manière, d’autres détenues sont « visibles » ; certaines recherches sur internet aboutissent jusqu’à leurs profils Facebook.

Dans une vidéo, Bettina Rheims explique sa démarche entrecoupée de scènes des premières réunions avec les détenues. L’une d’elles pose la question primordiale : « Vous faites ça pourquoi ? » Au hasard du montage, la photographe répondra sans surprise : « J’ai voulu qu’on regarde ces femmes, j’ai voulu les rendre visibles. » La subtilité viendra d’ailleurs, de la bouche d’une détenue :

« Moi, si je me maquille, ça veut dire que je suis heureuse. Depuis que je suis ici, je ne me suis pas maquillée. Je veux sentir que j’existe, que je suis debout encore. »

Les portraits sont à taille réelle et à hauteur d’homme. Le visiteur se retrouve les yeux dans les yeux de ces femmes happées par la détention au gré des événements d’une vie. Le capital du sujet est fort. Son résultat porte une seule signature, celle de l’auteur. Une signature collective, restitution d’un atelier photo dans un milieu carcéral par exemple, aurait été de bon augure.

Entrée 6€, gratuit pour -18 ans et -25 ans selon conditions.
Exposition jusqu’au 4 novembre. Site internet du Château de Cadillac.
L’entrée est incluse dans la visite de l’ensemble du château qui nécessite une bonne heure. 

A la barre : Les Chantiers de Tramasset

Départ de Cadillac vers Le Tourne : 11 km en 16 minutes
Samedi – heure de départ : 17h – heure d’arrivée : 17h30
Prix libre – Restauration sur place

Pour être complet, la 21e Rencontre des Bateaux en Bois organisée par Les Chantiers Tramasset au Tourne commence bien plus tôt, dès 14h, avec des visites guidées du site, des animations familiales, des expositions, et des démonstrations. A 16h, aura lieu l’inauguration du nouveau carrelet avec la présentation d’un cyanotype géant réalisé par les artistes Justine Saur et Marine le Guen, et, à 16h30, la déambulation de la Fanfare en Chantier, celle de Tramasset.

A 17h, la compagnie circassienne Née d’un doute présente « Orikaï », « pêle-mêle de corps et de cordes » où trois acrobates aériennes évoluent « dans les gréements d’un trois mats au milieu d’un océan de poésie ». La soirée continue en musique avec le collectif la Tente à Sons ; avec Aywa revisitant les sonorités venues d’Afrique du nord (gnawa, raï, musique berbère…) et bien d’autres ; avec Lord Rectangle et son répertoire de standards des années 30/40/50 auxquels sont mélangés des influences Rock, indus, et noise ; et avec le Collectif La Veilleuse-Tevva et Julien Bruneteau pour « un mix deephouse ».

Dimanche, la rencontre des Bateaux en bois continue avec la chorale des Chantiers Tramasset Le cri sans nom et la fanfare Fan’Fatales, une course de yoles sur la Garonne, une nouvelle carte blanche au collectif la Tente à Sons, et enfin la présentation de « L’arbre intégrale » avec Donation Garnier, Patricia Chatelain et José le Piez, une performance poétique et musicale.

L’arrivée des bateaux aux Chantiers Tramasset (DR)

Version biennale

Nouveauté de l’édition 2018 : passage de la gratuité au prix libre. « Le but est de stabiliser l’économie de l’événement », déclare les responsables de l’association.

« Nous avons également en projet le passage en biennale pour permettre de changer la dynamique et de trouver des partenaires territoriaux afin de construire la navigation spectaculaire avec eux, ajoute Paul Dupouy, programmateur de la Rencontre. L’année intermédiaire sera consacrée au retour d’un événement “Fleuve nomade” où nous invitons une rivière étrangère et sa culture. En 2019, nous invitons le “danube roumain” pour la construction d’un bateau local et une programmation autour de jeunes artistes roumains. »

L’association Les Chantiers Tramasset, créée en 1997, occupe la friche industrielle sur les bords de Garonne où elle a entrepris de restaurer les bâtiments en collaboration avec la commune du Tourne et de relancer l’activité de construction navale. Le site est inscrit au titre des Monuments Historiques depuis 2008.


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