Interrogé ce lundi en conseil municipal de Bordeaux sur la procédure d’expulsion engagée par Bastide Niel contre Darwin, Alain Juppé a apporté un soutien sans réserve (et sans surprise, après les déclarations d’Elizabeth Touton à Rue89 Bordeaux) à la société d’économie mixte (SEM).
Le maire de Bordeaux estime que celle-ci, pilotée par Bordeaux Métropole Aménagement, est « dans son droit en faisant respecter ses propriétés » et qu’il « revient à Darwin de libérer les terrains » sur lesquels BMA veut engager des travaux.
« Si Darwin signe le protocole d’accord (avec la métropole, NDLR), le référé tombera de lui-même », déclare le président de Bordeaux Métropole.
Ce mercredi lors d’un point presse organisé pour répondre à Alain Juppé, Philippe Barre, fondateur de Darwin, la 58eme, qui fédère les associations de la caserne Niel, et Pascal Lafargue, président d’Emmaüs Gironde, affirment pourtant n’avoir « pas vu la couleur du moindre projet de protocole d’accord ». Or l’audience au tribunal de grande instance de Bordeaux est prévue lundi prochain.
Si c’est flou, y a un loup
Mis en demeure par Bastide Niel d’enlever la dizaine de tétrodons qui gênent les travaux, Philippe Barre réclame une régularisation de l’occupation par les associations du skatepark, de l’entrepôt Emmaüs et de la ferme Niel.
« Nous sommes dans une situation ubuesque où juridiquement nous n’avons pas le droit d’être là alors qu’officiellement on nous reconnait le droit d’y rester et d’accueillir du public. Nous n’aurions pas pu faire Climax avec 35000 personnes sans la reconnaissance des commissions de sécurité. On est dans ce flou permanent. »
Mais aujourd’hui les terrains et hangars situés sur la parcelle que Bastide Niel souhaite évacuer appartiennent à la SEM. Pour respecter la promesse d’Alain Juppé, Bordeaux Métropole va devoir les lui racheter, pour ensuite les revendre ou les louer à Darwin. Cela fera l’objet d’une délibération de la métropole, en cours de réalisation.
« Le prix ne sera pas le même que lorsque la ZAC les a acheté il y a 5 ou 6 ans, râle Jérôme Siri, maire adjoint de la rive droite. Même si conserver le skatepark et l’entrepôt Emmaüs a bien sûr du sens, cela veut dire au final une perte sur le dos du contribuable. Mais aussi un déséquilibre économique potentiel pour l’opération Bastide Niel, où l’on souhaite construire des centaines de logements sociaux. On a 13000 demandes de logement sociaux par an, on ne répond qu’à 2000, il faut qu’on construise. »
Un créneau pour les tétrodons
Philippe Barre réclame un terrain avec une autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour les tétrodons, « rassemblés et prêts à être amenés ailleurs », sur un terrain où aucun travaux n’est prévu avant 2023 ? Jérôme Siri estime qu’il lui suffirait de prendre un chariot élévateur et les mettre sur parking construit expressément pour les darwiniens, en les empilant sur quelques unes des places non utilisées (elles sont louées 60 euros par mois, NDLR). Selon l’élu, Darwin a déjà bénéficié comme aucune autre entreprise de la générosité de la collectivité :
« C’est le seul endroit dans Bordeaux où on a investi 700000 euros pour un parking provisoire de 240 places. Nous avons investi dans la pépinière. Évolution (la société de Philippe Barre, NDLR) a obtenu le premier permis de construire de la ZAC pour les Magasins Généreux. Elle profite d’une AOT très généreuse pour les Chantiers de la Garonne, car le loyer est au niveau d’un chantier naval, pas d’un restaurant avec un tel emplacement. »
Jérôme Siri vise directement Philippe Barre, qui selon lui « instrumentalise les darwiniens » pour « faire du business avec les biens d’autrui » et « subtiliser des m2 de la ZAC à son profit ».
Ni ZAC ni ZAD
Le patron de Darwin dit au contraire que Darwin a perdu du terrain et que les 15 associations délogées depuis le début du chantier de Bastide Niel n’ont pas été relocalisées. Si le tribunal condamne Darwin lors du référé prévu ce lundi, il prédit « l’écroulement de l’écosystème », et la curée pour les promoteurs immobiliers.
Mais pas question en revanche d’appeler à une zone à défendre sur la caserne Niel, à l’instar de l’élu socialiste Matthieu Rouveyre en conseil municipal. « Ni ZAC, ni ZAD », résume Philippe Barre, qui aurait bien trop à perdre.
Pour sortir de la crise, Pascal Lafargue invite à Darwin Alain Juppé. Le maire a réaffirmé lundi sa « bienveillance pour l’écosystème, un endroit tout à fait exceptionnel qui contribue au rayonnement de notre ville », tout en fustigeant « la mauvaise foi » de ses dirigeants.
« J’ai la certitude que quand il en parle, il ne comprend pas ce qu’il dit, estime le président d’Emmaüs Gironde. Parce qu’il n’a pas vu, notamment la ferme urbaine ou l’accueil dans les tétrodons. Ce ne sont pas des cabanes en planches. Qu’il vienne, qu’il voit, et qu’on se mette d’accord. »
Le Magasin Général fera des nouilles, et on pourra causer, aurait-il pu ajouter.
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