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Darwin et BMA condamnés à s’entendre, Alain Juppé pose ses conditions

Ce lundi, suite à la demande de l’aménageur de la ZAC Bastide-Niel d’expulser les associations de Darwin de la parcelle AZ37, le tribunal de Bordeaux a décidé d’une médiation. Le conseil municipal de Bordeaux a salué cette décision, et Alain Juppé a exposé sa position.

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Darwin et BMA condamnés à s’entendre, Alain Juppé pose ses conditions

Après la médiation politique, la médiation juridique. Le juge Bernard Taillebot chargé de l’assignation en référé de Darwin par le promoteur immobilier Bordeaux Métropole Aménagement (BMA) pour évacuer la parcelle AZ37 a préféré jouer l’apaisement : il a décidé de confier l’affaire à un médiateur qui sera nommé le 29 octobre.

Les deux parties sont finalement condamnées à trouver un terrain d’entente. L’une comme l’autre, semble satisfaite.

Tous d’accord

Le procès très attendu n’a donc pas livré un jugement tranchant. Il a pourtant démarré avec une arrivée, sous les applaudissements de sa cinquantaine de soutiens réunis sur le parvis des Droits de l’homme, de Philippe Barre, de ses fidèles acolytes et de son avocat William Bourdon, star du barreau parisien (et fondateur de l’association anti-corruption Sherpa).

L’avocat de l’aménageur s’est dit « content de pouvoir plaider aujourd’hui » après deux reports successifs du référé. Il a rappelé avec une certaine ironie les tenants et les aboutissants d’ « un dossier d’une simplicité absolue » :

 « Après l’assignation datant du 15 août, la partie adverse s’était engagée à conclure dans les 10 jours. Nous avons été jusqu’à proposer une médiation. C’est vous dire la position de la partie adverse pour qui le dialogue n’est finalement pas si ouvert. »

Insensible aux références aux « logements sociaux à hauteur de 55% sur les 3400 logements promis », aux « difficultés pour les étudiants et les plus démunis de trouver un logement », et « aux terrains envahis en dépit de la loi sur la propriété », le président de la séance a saisi la balle de la médiation au bond :

« Si vous êtes tous d’accord sur le principe de médiation, le débat s’arrête là, non ? » demande-t-il.

En effet. Sur ce point, Darwin comme BMA étaient preneurs.

Cohabiter et coexister

« Il faut que les masques tombent », déclare à la presse maître William Bourdon, plutôt discret à la barre, et plus disert devant les journalistes. Il dit « être fier de défendre un espace alternatif, généreux et inventif » pour lui éviter « la suffocation ».

Philippe Barre, quant à lui, se réjouit de voir se « rompre la digue d’une expulsion immédiate » :

« Beaucoup disaient que nous n’étions pas dans notre droit. Je me réjouis que le magistrat ait bien saisi toute la complexité de la situation et de la renvoyer vers une dynamique plus paisible et plus posée. Nous n’avons jamais refusé le dialogue sauf quand il était à sens unique. Dans une médiation encadrée, peut-être qu’on trouvera les oreilles nécessaires pour sortir de ce qui devenu une mascarade et avancer vers des alternatives qui existent pour pouvoir cohabiter et coexister. »

Pascal Gerasimo, directeur de BMA et président de Bastide Niel, se réjouit d’une médiation, demandée à son initiative. Car selon lui, BMA n’a « jamais [été] reconnue comme interlocuteur valable par Darwin et Philippe Barre et que, à aucun moment ils n’ont accepté de discuter avec nous » :

« Là, ça va se faire dans un cadre judiciaire et j’espère qu’on va s’en sortir puisque nous l’avons dit, nous avons des travaux d’aménagement à réaliser, qui vont nous permettre de viabiliser l’ensemble de l’opération, notamment l’école Niel qui doit ouvrir ses portes en septembre 2019. »

Parallèlement, le débat sur l’avenir de Darwin s’est imposé au conseil municipal de Bordeaux, où la majorité comme l’opposition se sont réjouies de l’annonce d’une médiation, qui laisse trois mois aux deux parties.

Manche à balai

Si la métropole et la mairie sont les actionnaires principaux de BMA (dont le conseil examinait le rapport d’activités), Alain Juppé défend officiellement une position plus accommodante que Pascal Gerasimo – dont « la souplesse est égale à celle d’un manche à balai », selon le maire.

Ce dernier s’est dit prêt à l’abandon des démarches judiciaires, et à laisser à Darwin la parcelle du skatepark, de l’entrepôt Emmaüs, mais aussi la ferme Niel. Ces terrains pourraient être cédés ou loués à l’écosystème, « à deux conditions », expose le maire :

« D’abord, vous vous engagez à ne pas déborder sur un périmètre qui n’est pas le vôtre, et vous évacuez ces fameux tétrodons, qui peuvent être déplacés dans les Magasins généreux sud. Ensuite, il n’est pas question de privatiser l’allée cavalière (entrée principale de Darwin, NDLR) entre les quais et le reste de la ZAC. Mais je n’ai pas de réponse et c’est décevant car je suis allé au maximum des concessions auxquelles je peux consentir. »

Chefs à plume

Globalement, le maire s’est lâché, se disant « très déçu par le comportement des Darwiniens ». Il s’est ainsi irrité de la tribune signée par 100 personnalités en faveur de l’écosystème, dont Edgar Morin, Marion Cotillard ou Nicolas Hulot. Des « chefs à plumes parisiens », raille Alain Juppé :

« Combien de signataires on déjà visité Darwin sur leur chemin vers leur belle maison au Cap Ferret ? Parlons de ça entre Bordelais, ça vaut mieux. »

Courroucé notamment par le terme de « consortium immobilier » utilisé dans cet appel, Alain Juppé rappelle en séance que Bordeaux Métropole Aménagement est une société d’économie mixte, et que Bastide Niel est également composée de Domofrance et Aquitanis, deux bailleurs sociaux.

Alors que le maire est attaqué par l’opposition sur ce premier recours en justice contre Darwin, malgré l’apport de l’écosystème au rayonnement et à l’emploi sur Bordeaux, il assure avoir « tout fait depuis 10 ans pour que Darwin existe et se développe ». Alain Juppé cite la vente des Magasins généraux, et les investissements de la ville dans la pépinière du Campement (1,4 million d’euros de subventions) : « Si il y a des centaines d’emplois à Darwin nous n’y sommes pas pour rien. »

Fragile Darwin

Alain Juppé évoque également le fait que « Darwin développe ses activités commerciales sur des terrains qui ne lui appartiennent pas », comme la brasserie et le restaurant des Chantiers de la Garonne, qui bénéficient d’autorisations d’occupation temporaires.

« Il faut arrêter avec la mauvaise foi, poursuit le maire, intarissable sur ce sujet ce lundi. Je n’ai pas cessé de dire que Darwin était formidable pour Bordeaux mais on ne peut pas aller jusqu’au bout de leur logique. Ils n’aiment pas Bastide Niel, cela ne correspond pas à leur vision de l’urbanisme, et ils veulent paralyser une ZAC où 10 000 personnes logeront un jour, dont un tiers dans du logement locatif social. »

Le conseiller municipal socialiste Vincent Feltesse a lui tenté de justifier la position de Darwin par une situation « extrêmement fragile » :

« C’était un couple qui portait ce projet, et un des deux (Jean-Marc Gancille, parti à La Réunion, NDLR) n’est plus là. Le modèle économique reposait sur un espace de coworking, or il y en a aujourd’hui partout à travers la ville, à des prix moins importants. Parce que toutes les activités associatives sont aujourd’hui plutôt déficitaires, notamment Climax, Darwin trouve son équilibre sur cette partie commerciale. On sera tous bien embêté si les choses évoluent mal, et vous le premier », lance l’ancien président de la CUB à Alain Juppé.

Il estime cependant que les positions des uns et des autres pouvaient se rejoindre :

« On a trois mois pour faire que cette espèce de bijou, d’oasis, soit préservé, à condition que les uns et les autres arrivent à faire des pas. On n’est pas si loin que ça d’une sortie par le haut. »

Réponse en janvier 2019.


#Cauchemar de Darwin

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