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Vers une première victoire d’une ouvrière viticole contre les pesticides ?

A seulement 47 ans, Sylvie Berger souffre de la maladie de Parkinson. Ce lundi, son audience a enfin eu lieu au tribunal de Bordeaux. Elle cherche à faire reconnaître la responsabilité de son employeur, un château Cru Bourgeois dans le Médoc.

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Vers une première victoire d’une ouvrière viticole contre les pesticides ?

« Le dossier est retenu. » Quatre mots prononcés par la présidente du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui sonnent déjà comme une victoire. Sylvie Berger a déjà un sourire de satisfaction sur son visage. Après huit reports depuis début 2018, son audience va avoir lieu.

A l’entrée du tribunal, elle se dit « angoissée », elle, qui avait plus l’habitude de travailler dans ses vignes plutôt que de s’adresser aux micros et caméras des journalistes. Mais désormais elle raconte :

« Tous les ouvriers viticoles ressentent des brulures aux yeux, dermatologiques, l’estomac qui brûle ou vont vomir mais on n’a pas conscience de ces maladies neurodégénératives comme j’ai aujourd’hui. »

Douleurs et nausées

Le 8 juin 2012, précisément, elle reçoit des éclaboussures au visage alors qu’elle travaille dans les vignes. Deux jours avant deux herbicides venaient d’être épandus. S’en suivent des brûlures sur le visage, irritation des yeux, douleurs à l’estomac avec nausées, aphtes. Aucune déclaration d’accident du travail n’est faite raconte-t-elle. Les mois suivants, son état se dégrade : fatigue, difficulté à marcher, à faire ses courses, à s’orienter.

Quatre ans plus tard, les pathologies sont clairement identifiées. Elle souffre d’une maladie auto-immune, l’anémie de Biermer, mais également de Parkinson qui sera reconnue maladie professionnelle par la Mutuelle Sociale Agricole (MSA). Elle est en arrêt de travail. Son témoignage s’inscrit alors dans l’enquête de Cash Impact, émission d’Elise Lucet produite pour France 2, en février 2018.

Depuis, le témoignage s’est mué en action judiciaire. L’objectif est de prouver la responsabilité de son employeur, le Château Vernous logé dans le Nord-Médoc. Sylvie y travaille depuis le 5 mai 2003. Ces CDDs sont devenus un CDI. Elle y travaille avec son mari.

Manque d’informations

Mais ses conditions de travail restent difficiles raconte son avocate, Maitre Hermine Baron, lors de sa plaidoirie ce lundi au tribunal de Bordeaux :

« L’ancien local de stockage des produits phytosanitaires est une ancienne écurie fermée par une palette qui servait aussi de vestiaires […] avec une absence de douches pour se laver. »

L’intervention de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et de l’époux de Sylvie Berger amélioreront ses conditions de travail en 2015. Des équipements protection individuelle seront également achetés pour tous les salariés travailleurs des vignes et du vin. Jusqu’alors, « seuls les travailleurs de chai et les applicateurs » des pesticides en avaient selon l’avocate, membre du cabinet de Maitre Lafforgue en charge aussi des dossiers girondins Denis Bibeyran et James-Bernard Murat.

Elle poursuit en fustigeant le manque d’informations et de formations pour les salariés sur les dangers d’utilisation ou de proximité avec ces produits. Pour elle, il ne fait aucun doute que la faute inexcusable s’applique au château.

Jurisprudence

Pour Maitre Eric Mandin, avocat de la partie adverse, des documents attestent la qualité d’une partie des conditions de travail notamment que les durées de ré-entrée (temps d’impossibilité d’accès aux vignes après épandages de produits) sur la parcelle « étaient parfaitement respectées ». Aussi, selon lui, la faute inexcusable n’est pas recevable :

« Le point fondamental est la date à laquelle le décret est paru (reconnaissant Parkinson comme maladie professionnelle, ndlr). C’est en 2012. Avant l’employeur ne pouvait pas avoir conscience d’un lien entre Parkinson et l’utilisation de pesticides alors même qu’il utilise des pesticides fabriqués avec des fiches de données qui ne rappellent pas cette possibilité de danger. »

Une argumentation balayée d’un revers de main par l’avocate de Sylvie Berger citant une jurisprudence dans un cas similaire à Bourges en 2016 :

« C’est trop facile pour l’employeur de dire “on savait que c’était dangereux mais pas que ça pouvait provoquer cette maladie”. L’employeur est tenu de protéger ses salariés des risques. Il y a des risques avec les produits phytosanitaires. Et donc l’employeur sait que les pesticides sont dangereux à partir du fait qu’il y a une réglementation. »

Elle dénonce aussi la stratégie de l’avocat du Château de « faire passer le couple Berger pour des menteurs quasi-pathologiques ». Une attitude dénoncée par leurs soutiens dont Marie-Lys Bibeyran du Collectif Info Médoc Pesticides qui regrette « les pressions, les isolements » et l’impossibilité « d’obtenir des témoignages d’autres personnes présentes ».

« Certain tabou »

De son employeur, Sylvie Berger ne dit plus rien attendre :

« C’est très violent. On donne 13 ans de sa vie à travailler comme si c’était votre propre exploitation. On venait le samedi, le dimanche s’il y avait le moindre problème. On s’est beaucoup donné. Alors entendre de tels propos, c’est violent. »

De son procès, elle espère une condamnation. Une faute inexcusable prononcée par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pourrait notamment lui ouvrir des droits à des dommages pour les torts causés. Mais son combat va au-delà :

« Quand on est ouvrier, on est très solitaire. On ne peut pas parler. Il y a un certain tabou. Quand on commence à parler, on nous fait comprendre qu’il y a une porte à prendre là bas et que d’autres sont prêts à nous remplacer. Si je suis là c’est pour me battre et pour dire que ça ne recommence pas pour moi mais surtout pour les autres. »

Avant le délibéré qui sera rendu le 26 mars, elle repart main dans la main avec son mari mais aussi très liée à ses traitements lourds.


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