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La pêche a tué des milliers de dauphins en deux mois dans le Golfe de Gascogne

600 dauphins se sont échoués sur les côtes néo-aquitaines depuis le début de l’année, et 4 fois plus sont probablement morts en mer, des suites d’une capture par les filets des pêcheurs. Ce phénomène alarme les scientifiques, et l’ONG Sea Shepherd veut alerter le grand public.

Vidéo

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La pêche a tué des milliers de dauphins en deux mois dans le Golfe de Gascogne

C’est au large de Lacanau que Sea Shepherd a pris sur le fait deux navires. Dans la nuit de mardi à mercredi, l’un de ces chalutiers immatriculés aux Sables d’Olonne a remonté à bord un dauphin mort asphyxié dans son filet, comme le montre la vidéo ci-dessous.

 

La capture, non intentionnelle, est la conséquence du chalutage pélagique – un filet en forme d’énorme entonnoir est tiré dans l’eau, « connu pour être peu sélectif et particulièrement destructeur sur les frayères de bar où évoluent les dauphins », dénonce l’ONG. Après avoir suivi le chalutier, celle-ci a récupéré le corps d’un autre de ces mammifères marins, plus petit et portant des traces de filets et de crochets.

« Nous avons décidé de ramener ce dauphin à terre et de l’exposer aux yeux des passants, sur le port de La Rochelle, pour les alerter sur ce carnage qui se passe en mer », déclare Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France.

Depuis le début de l’année, l’Observatoire Pelagis (unité mixte de recherche CNRS/Université de la Rochelle), qui recense les échouages d’animaux marins, a en effet dénombré 600 dauphins retrouvés sur les plages du littoral, des Landes à la Vendée, avec des pics en Gironde et en Charente-Maritime. La quasi totalité d’entre eux sont morts des suites d’une capture accidentelle par des pêcheurs.

Hécatombe

Or selon les chercheurs, si 20% des dauphins ainsi tués échouent sur la côte, 80% coulent et se décomposent en mer. Cela porterait à 3000 le nombre de ces mammifères morts en 2019. Une véritable hécatombe pour une population de dauphins estimée à 180000 individus dans le Golfe de Gascogne, et qui se renouvelle peu et lentement.

« Depuis trois ans, on connaît des années record d’échouages de dauphins, mais malgré tout on en a jamais eu autant pendant l’hiver », pointe Hélène Peltier, biologiste à l’Observatoire Pelagis.

Comment l’expliquer ?

« Il y a beaucoup de suppositions, mais on sait que des changements sont intervenus dans les pratiques de pêche, répond l’ingénieure. Après des années d’interdiction ou de restrictions de la pêche au merlu pour cause d’effondrement de l’espèce, les quotas ont été relevés car la population s’est bien rétablie. Or les dauphins viennent chasser le merlu ou le bar dans les mêmes zones, et sont touchés par la pêche au chalut, qui peut déployer des filets de plusieurs kilomètres. »

Un dauphin pris dans le filet d’un chalutier des Sables d’Olonne (Tara Lambourne/Sea Shepherd)

« Frustrant »

Sea Shepherd pointe aussi d’autres méthodes de pêche, comme les senneurs ou les navires usines qui pêchent plus au large et fabriquent de la farine de poisson ou du surimi.

« On sait que des navires étrangers – espagnols, allemands, hollandais – viennent pêcher dans le Golfe de Gascogne, et on aimerait avoir plus d’information sur ce qui se passe à bord, souligne Hélène Peltier. Évaluer l’évolution des pratiques fait partie de notre travail des prochains mois. »

Suffisant ?

« Quand on enregistre 600 dauphins échoués en deux mois, c’est frustrant, mais on ne peut pas dire que la France ne fait rien, plaide la biologiste. Nous sommes en contact en temps réel avec les ministères de l’agriculture et de l’écologie, et on va démarrer au printemps un travail avec les industriels pour améliorer les technologies de pêche. »

Pêcher mignon ?

Lamya Essemlali souhaite quant à elle que la France et l’Europe agissent plus vite et plus fort pour sauver ses dauphins, en interdisant les méthodes non sélectives dans les zones sensibles comme le Golfe de Gascogne.

« On en est encore à trouver des moyens de continuer à pêcher de façon non durable, en installant par exemple sur les filets des “pinger”, répulsifs acoustiques qui ne marchent pas à tous les coups et chassent les dauphins de leurs lieux de vie. Il faut être plus drastiques et fermer certaines pêcheries comme le font les Etats-Unis. »

La présidente de Sea Shepherd met aussi les consommateurs face à leurs responsabilités :

« Mercredi à la criée de La Rochelle, on trouvait du bar à 8 euros le kilo. A ce prix là, on se rend complice d’un carnage. Encore trop peu de gens font le lien entre leur consommation de poisson et le fait que nous sommes en train de massacrer la mer, sans aucun respect pour la vie marine dans son ensemble et sans aucune considération pour les générations futures. »

Certes brutal, le rappel est nécessaire quand d’autres cherchent à noyer le poisson.


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