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Des micropolluants gavé résistants dans les eaux de Bordeaux Métropole

Après 4 années d’enquête, Bordeaux Métropole présentait mardi les résultats de l’analyse de son réseau d’assainissement. A la lumière des différentes études réalisées auparavant, le projet, intitulé REGARD, portait l’ambition d’identifier l’origine des micropolluants dans les eaux usées, pluviales, et dans les milieux naturels de la métropole. Parmi eux, la présence persistante de pesticides, et notamment du glyphosate, qui résiste aux traitements des stations d’épuration.

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Des micropolluants gavé résistants dans les eaux de  Bordeaux Métropole

Face aux scientifiques qui, ce mardi, font salle comble dans l’auditorium Thomas Jefferson de la Cité du vin, Hélène Budzinski, chercheuse au CNRS qui a fait de la lutte contre les micropolluants son cheval de bataille, préfère prévenir son auditoire.

« Le propre de l’étude qui a été menée, c’est, qu’avec les éléments que nous allons vous présenter aujourd’hui, vous repartirez peut-être ce soir avec d’autant plus de questions que de réponses que vous auriez souhaité obtenir ce matin. »

Après 4 ans d’étude et d’analyse, le projet REGARD, comprenez REduction et Gestion des micropolluAnts sur la métRopole borDelaise, présentait hier les résultats de son enquête. En 2014, le projet ETIAGE mettait déjà en évidence la présence de micropolluants dans la Garonne. Près de 5 ans plus tard, l’enjeu pour les scientifiques et la métropole résidait dans l’identification des sources des micropolluants dans l’eau de l’agglomération bordelaise.

Le but : aider la collectivité à déterminer la meilleure stratégie de lutte contre la pollution pour atteindre les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau adoptée par le Parlement Européen en 2000.

20 molécules préoccupantes

Milieu naturel, stations de traitement des eaux usées, eaux usées, eaux pluviales et eaux usées d’origines industrielles, hospitalières et domestiques… En tout, 492 échantillons d’eau et de boue ont été collectés sur près de 80 sites de prélèvements différents. Parmi la liste des 20 molécules jugées préoccupantes par les organismes de recherche, les pesticides sont majoritairement représentés par le glyphosate et son composé principal une fois dilué dans l’eau, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA).

Le paracétamol, l’acide salicylique, l’ibuprofène, la caféine et la théophylline sont quand à elles les principales molécules retrouvées dans les eaux usées brutes de la métropole. Si les taux relevés, y compris pour le glyphosate, ne dépassent pas une concentration en mg/L -« l’équivalent d’une cuillère à café dans une piscine »- , il restent toutefois significatifs et préoccupant pour la biodiversité.

« On est sur des concentrations extrêmement faibles mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas s’y intéresser et essayer de réduire la pollution au maximum », admet Mélodie Chambolle, coordinatrice scientifique du consortium REGARD pour le centre de recherche et d’innovation de Suez à Bordeaux.

Cocktail à l’eau

D’autant que l’on sait désormais que la dose ne fait pas le poison, et que les effets cocktail demeurent une grande inconnue. Or dans les eaux de la métropole, on en trouve pour tous les gouts. Les effluents des zones industrielles sont ainsi marqués par la présence de composés pharmaceutiques.

A cela s’ajoute une contamination en métaux des eaux pluviales. Les proportions de zinc, de cuivre et de plomb présentes sont particulièrement liées aux typologies des bassins de collecte qui subissent l’impact de la voirie et des activités agricoles aux alentours.

Explication de la présence accrue de certaines molécules dans les eaux de la métropole : certaines d’entre elles, dont l’AMPA et l’ibuprofène, sont réfractaires aux traitements des stations d’épuration :

« Chaque molécule a ses propriétés intrinsèques. Il y en a certaines que l’on abat très bien par traitement tertiaire (en dépolluant avec de l’ozone ou des charbons actifs), mais toutes les stations classique n’abattent que très peu de ces molécules, prévient Mélodie Chambolle. Les collectivités ne peuvent pas toutes mettre en place un traitement tertiaire, il n’y a qu’une station en France qui traite les micropolluants (à Sophia-Antipolis, NDLR). »

La station d’épuration du Clos de Hilde, à Bègles (DR)

Un savon passé aux produits d’hygiène

REGARD a aussi jeté un œil sur les sources domestiques des micropolluants. Avec le dispositif Famille EAU défi, la métropole a mis 43 foyers volontaires différents à contribution pour les accompagner au changement de leurs pratiques de consommation.

En moyenne, 12,4 produits d’entretien nocifs pour l’environnement auxquels il faut ajouter 7,4 produits d’hygiène corporelle avaient été recensés dans les armoires des participants. Parmi eux, la lessive, les produits utilisés pour laver le sol et faire la vaisselle mais également du dentifrice et des cosmétiques.

« REGARD veut montrer que chacun a un rôle à jouer, poursuit la scientifique. En Suisse, les micropolluants sont traités par les stations d’épuration, mais le prix de l’eau a augmenté. En France l’option privilégiée est la mise en place des stratégies pour limiter les rejets de micropolluants. »

Moustique et digestat

Bordeaux Métropole mise sur la prévention, en encourageant le changement des pratiques domestiques et dans les hôpitaux. Cela tarde en revanche à s’appliquer au niveau industriel.

« C’est un travail que l’on va mener », affirme Anne-Lise Jacquet, vice-présidente en charge de l’Eau et de l’Assainissement pour Bordeaux Métropole, sans plus de précisions.

Les pratiques environnementales de certaines activités sont pourtant très controversées. Le 23 mai dernier, des maires de Gironde s’inquiétaient d’un plan d’épandage de digestats – des résidus du processus de méthanisation, fabrication de biogaz à partir de boues des stations d’épuration de la future usine de Suez, à Saint-Selve. Ils ont demandé à l’État « l’arrêt du projet. »

L’an passé, des élus locaux et la préfecture s’opposaient sur la question de l’épandage aérien pour lutter contre la prolifération du moustique tigre. « Ça serait bien d’éviter l’épandage mais ça n’est pas sûr qu’on y arrive », admet Anne-Lise Jacquet.


#Bordeaux métropole

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