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Christophe Deloire de Reporters sans frontières : « les journalistes doivent être des tiers de confiance »

Secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire répond sur les différentes affaires qui ont récemment porté atteintes au droit de la presse. Entretien, dans le cadre de notre festival off « Liberté(s) ça presse ».

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Christophe Deloire de Reporters sans frontières : « les journalistes doivent être des tiers de confiance »

Rue89 Bordeaux : Un qualificatif pour définir la liberté ?

Christophe Deloire : Je viens de lire un ouvrage d’Hannah Arendt qui s’intitule « La liberté d’être libre ». Donc je dirai libre.

Pensez-vous que tous les citoyens français bénéficient de cette liberté ?

Si on se compare aux pays despotiques, évidemment. Et ça, il ne faut pas l’oublier. Mais pour reprendre à nouveau Hannah Arendt, tout le monde n’a pas la liberté d’être libre, c’est-à-dire la capacité à mettre en œuvre tous ses droits.

Donnez-vous raison à Emmanuel Macron lorsqu’il déclare « La presse ne recherche plus la vérité » ?

De manière générale, les journalistes ont un idéal de vérité très fort, quelque soit la critique qu’on peut légitimement adresser.

Est-ce que vous pensez qu’il y a « un pouvoir médiatique » comme le prétend le président de la République ? 

Personnellement, je ne crois pas à la thèse du 4e pouvoir, je pense que ce n’est pas le rôle des journalistes. Ils doivent être des tiers de confiance pour les sociétés.

Les convocations par la DGSI ces dernières semaines de neuf professionnels des médias inquiètent les journalistes. Est-ce que vous êtes vous-même inquiet ?

Quelque soit la légalité de ces convocations, toute intimidation susceptible de fragiliser le droit au secret des sources est évidemment nuisible à la liberté de la presse car les journalistes, au fond, ont les mêmes droits que tous les citoyens. Mais ils en ont un en plus, qui est précisément le droit au secret des sources. Et dans ce droit là, il y a peu d’informations officielles.

Christophe Deloire (AFP/Thomas Samson)

Ces convocations ont-elles porté atteinte à ce droit ?

Une vague comme celle-là, et j’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière à Monsieur Castaner, on peut évidemment l’interpréter comme une forme d’intimidation. Le ministre de l’intérieur voit l’aspect légal.

Mais au-delà de la question de la légalité, si on regarde bien, il y a quand même des convocations qui n’ont pas tellement de sens. Il y a un mélange entre des logiques de droit de la presse et des logiques de droit classique. Notre position, c’est qu’il fallait vraiment que ces vagues de convocation cessent.

Le New York Times a supprimé les dessins de presse. Est-ce que cette décision se justifie pour éviter toute polémique ?

En tant que secrétaire général de Reporters sans frontières, je n’ai rien à en dire car c’est la liberté éditoriale d’un média. Mais je l’ai personnellement regretté, car je crois que l’humour est un élément essentiel de la mise en œuvre de la liberté de la presse.

Si on regarde bien, les pays dans lesquels l’humour est restreint sont aussi des pays dans lesquels la liberté de connaître la vérité est restreinte. On a tous besoin de recentrement par le journalisme, c’est-à-dire de voir les choses soudain autrement. Par les libertés factuelles, l’humour est toujours un moyen de se décentrer, et c’est toujours dommage.

Il y a des sociétés, façon Orwell avec Big Brother, qui nous surveillent et nous privent de nos libertés, et d’autres, façon Huxley, dans lesquelles le conformisme nous oblige tous à penser de la même manière sans qu’il y ait besoin d’un despote. Et je crois que nous, dans les démocraties, devons vraiment faire attention à cela.


#Liberté(s) ça presse

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