Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
729 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

Pourquoi des députés girondins n’ont pas voté en faveur du CETA

Certains ont voté contre, d’autres se sont abstenus. L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne, présenté et ratifié le 23 juillet à l’Assemblée Nationale, inquiète des députés pour des raisons environnementales et sociales.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Pourquoi des députés girondins n’ont pas voté en faveur du CETA

Voté en majorité le 23 juillet dernier à l’Assemblée nationale, la ratification du CETA est désormais aux mains des sénateurs, qui devront étudier ce projet à la rentrée.

De ce fait, pour Loic Prudhomme, député girondin de la France insoumise, il y a encore un espoir :

« Il y a d’autres pays européens où l’affaire n’est pas gagnée, et comme il faut que ce soit ratifié, me semble-t-il, par tous les parlements européens, espérons que la ratification ne l’emporte pas. »

Avec le député du Parti Socialiste Alain David, ils ont voté contre ces nouvelles mesures. Quant à Véronique Hammerer et Eric Pouillat, tous deux députés girondins de La République en marche, ils se sont abstenus.

Urgence climatique

Pour Loic Prudhomme, « on ne peut pas dire aujourd’hui que le climat est une priorité et voter des accords qui continuent à déménager le monde ». Le député insoumis explique les raisons de son votre contre la ratification du traité, en partie pour des raisons environnementales.

« Quand on parle d’environnement et de libre-échange, aujourd’hui avec l’urgence écologique et environnementale qui nous saute au visage, il faut qu’on arrête d’accepter, alors qu’on les fabrique ici, des produits qui traversent la moitié de la planète jusque chez nous pour des histoires de marché. […] Même si l’on admettait que toutes les productions canadiennes se faisaient avec des normes environnementales plus vertueuses que les nôtres, ça n’empêche qu’ils traversent l’atlantique pour arriver jusqu’ici. Ce qui a un coût climatique sans précédent. »

Le député exprime en effet un vif désaccord, que l’ensemble de son parti partage sans détour. Il ajoute que le CETA est déjà appliqué, posant d’ores et déjà des problématiques environnementales majeures, et imposant « des critères de production et de protection de l’environnement tirés à la baisse ».

Un argument que ne partage pourtant pas Véronique Hammerer, député de La République en marche, qui s’est abstenue lors du vote du 23 juillet.

« Il y a déjà des échanges avec le CETA qui sont très positifs et qui existent depuis 2 ans. J’aurais préféré peut-être un peu plus de recul pour que l’on voit si ces échanges sont à la hauteur de nos engagements écologiques. »

Mais outre cette question environnementale, la ratification soulève également des problématiques de traçabilité importantes, que dénoncent d’autres députés girondins.

Une traçabilité douteuse

Pour Véronique Hammerer, la traçabilité reste une interrogation majeure dans l’hésitation qui l’a gagné lors du vote. L’élue raconte, « lorsque j’ai autant de certitudes que de doutes sur un dispositif tel que le CETA et que je n’arrive pas à me positionner, je m’abstiens. Je crois que c’est la première fois que je le fais au sein de la majorité » :

« Là où j’ai des doutes, ajoute-t-elle, c’est sur la traçabilité, sur le suivi de l’origine des produits. Je pense notamment aux lasagnes de Pologne avec la viande de cheval, déjà qu’entre nous on a quelques soucis de traçabilité, je suis un peu plus sceptique par rapport à ça. »

Elle souligne l’importance d’accords multilatéraux de ce type – ce qui l’a également fait hésiter à voter pour –, « car il faut développer notre économie sur un plan mondial mais pas à n’importe quel prix. A un moment donné aussi, rester replié en Europe et sur nos nations n’est pas bon non plus. Il faut aussi valoriser le savoir-faire de nos agriculteurs car il n’y a pas que le bovin, il y a aussi le vin, le fromage, les filières de foie gras qui peuvent aussi rayonner ».

« Se donner bonne conscience »

Pourtant, Véronique Hammerer concède que le sujet « est très compliqué », et qu’il y a eu « beaucoup de débats » dans sa majorité.

Pour Alain David du groupe socialiste « la majorité se donne bonne conscience » :

« Ils savent qu’ils sont dans l’erreur, mais comme un seul homme ils votent tous les projets initiés par le Président de la République, qui a donné son accord au Canada, et derrière ils rament pour arriver à trouver des arguments pour justifier cet accord. On fait les choses à l’envers, et après on s’explique, au lieu de le faire d’abord et de convaincre que ce n’est pas une bonne formule. »

Pourtant, tous deux s’entendent sur la problématique de la traçabilité.

« En Europe par exemple, un veau va naître en Italie, engraissé en Allemagne et commercialisé en France. Au niveau du Canada, on est pas sûrs qu’un veau brésilien ne puisse pas être élevé au Canada, on n’a pas de garantie de traçabilité. Et surtout, on n’a pas la garantie qu’à l’intérieur des farines animales le sang de celui-ci ne soit pas par exemple intégré. Alors que l’on a lutté pendant longtemps contre la vache folle et ses dangers. »

Concurrence déloyale

Alain David ajoute que

« Les exploitations sont super importantes au Canada, ce ne sont pas des exploitations familiales comme chez nous. Il va y avoir un problème de rentabilité pour nous. Le prix de revient pour un éleveur français sera nettement supérieur au prix de revient pour un éleveur canadien. Sur la mise sur le marché, des différences de prix vont poser d’énormes problèmes à nos éleveurs bovins. Notre agriculture va mal, on a pas non plus la garantie sur le plan européen, qui est la poursuite d’une politique agricole qui descend les agriculteurs français. Et on va encore les accabler par des mesures supplémentaires qui vont, à terme, leur faire une concurrence déloyale. On doit anticiper, et non pas les exposer à ce genre de risques. »

Une compétition que dénonce également Loic Prudhomme :

« Par exemple, sur le marché agricole où il faudrait que l’on revoit entièrement les choses, on s’enferme dans cette logique, et même les agriculteurs les plus libéraux de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) se rendent compte qu’à ce jeu de la compétition, il y a toujours moins cher que nous. Ces marchés de libre-échange en font un marché de dumping environnemental et social à l’échelle de la planète. »

Le CETA n’a pas fini de faire débat au sein de l’hémicycle. En attendant, ceux qui ont voté contre, y compris les députés Républicains, gardent espoir que la nouvelle version du traité ne soit finalement que de l’histoire ancienne.


#Ceta

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options