Le signal d’alarme tiré par l’ensemble des organisations syndicales n’aura pas suffi : la loi dite de transformation de la fonction publique est parue au journal officiel le 6 aout dernier. « Un mauvais coup porté à la fonction publique, aux Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) et donc aux services rendus à la population » dénonce le syndicat majoritaire Unsa – SDIS de France dans son communiqué de presse du 7 aout dernier. Ce grief vient s’ajouter aux revendications qui agitent les casernes ces dernières semaines.
En effet le texte réduirait les capacités des organisations syndicales à défendre les droits des agents du service publics en affaiblissant les commissions administratives paritaires (CAP) et en fusionnant les comités techniques aux comités d’hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT). Il facilite de plus l’embauche en contrat à durée déterminée.
« Pas en grève mais en colère »
En Gironde le recours aux contrats courts est fréquent. Ainsi selon la préfecture, 82 pompiers saisonniers interviennent en supplément des équipes, sur la frange littorale, pendant l’été. » Ce qui réduit la gréve à néant » explique Bruno Emry, pompier professionnel et secrétaire départemental CGT SDIS 33.
« S’il veulent être renouvelés, les collègues en CDD ne peuvent pas se permettre de faire grève. Un renfort de quatre personnes sur un centre et c’est toute la mobilisation qui devient inutile. »
Sur la métropole le nombre d’interventions baisse durant les mois d’été avec l’habituel départ en vacances des Bordelais.
« Cela atténue une situation qui devient intenable en raison de la pression démographique, insiste le représentant syndical. Au mois de juin, le nombre d’interventions a augmenté de 10% par rapport à l’année dernière. En 2018 c’était 8% ce qui fait près de 30 000 interventions supplémentaires par an en 4 ans. »
Cette saturation ne se cantonne pas à l’agglomération bordelaise, confirme le capitaine Matthieu Jomin, chargé de communication pour le SDIS de la Gironde :
« Nous sommes confrontés à une explosion de l’activité sur l’ensemble du département. Les 68 centres voient tous leur activité en hausse. »
« Allez voir ce qui se passe à Vendays ou à Grignols… » poursuit Bruno Emry: « la situation est généralisée et révélatrice d’une dégradation de l’ensemble du service public. » Il dénonce ainsi un effet de désertification en milieu rural où le fonctionnement des plus petits centres de secours reposerait en grande partie sur la présence de pompiers volontaires.
« Les agents perdent le sens de leur mission »
Pour le représentant syndical, « le personnel fait les frais d’un désengagement de l’État » :
« Les médecins généralistes ne travaillent plus la nuit, on nous appelle pour pallier le manque d’ambulances privées, on fait face à l’attente croissante dans les services d’urgences saturés… »
Quant aux agents « ils perdent le sens de leur travail » dénonçait à son tour Jérôme François, secrétaire général UNSA SDIS de France, sur les ondes de France Culture, le 7 aout dernier.
Les secours à personnes représentent 70% de l’activité des pompiers et les revendications autour du « recentrement » des missions sur les interventions de secours en témoignent.
« Un accident de la voie publique, une chute, un incendie, c’est ok, mais les cas d’ivresse sur la voie publique, une téléalarme qui se déclenche intempestivement, ce n’est pas notre métier », illustre quant à lui, Bruno Emry.
« Les insultes, les crachats, on n’est pas formés pour ça ! »
Comme pour leurs collègues hospitaliers, la tension est palpable dans un contexte d’augmentation du nombre d’agressions.
« Les insultes, les crachats, la violence, on n’est pas formés pour ça ! »
En deux ans plus d’une cinquantaine de plaintes pour actes de violence et d’outrage ont été déposées en Gironde. « Il y a un dispositif de remontée d’information et un protocole de coordination avec la police sur les interventions à risque mais rien pour prévenir ces situations », regrette le délégué CGT.
« Actuellement chacun gère ses appels mais les pompiers doivent pallier à tout ce que les autres services ne veulent pas ou ne peuvent plus faire. » explique Charles Cosse, caporal-chef au Centre de secours d’Ornano et chargé de communication pour le syndicat Unsa SDISS 33.
« Il est urgent de redonner aux pompiers la maitrise du périmètre de leurs fonctions ». Dans certains départements, comme en Haute-Garone un plateau d’appel regroupe les services d’urgences du Samu de la police et des pompiers. Ce n’est pas le cas en Gironde. « Ça ne fait pas de miracle mais ce serait déjà un bout de solution. »
« On attend de la rentrée quelle soit sociale »
Pour Charles Cosse, « la mobilisation est très compliquée mais le bilan, en particulier pour la manifestation de juillet est malgré tout très positif. » Suite au premières négociations au début de l’été, le président du département, Jean-Luc Gleyze, a promis 25 embauches structurelles sur près de 1800 pompiers professionnels.
Depuis 2 ans le SDIS a aussi recours à des CDD de 4 à 6 mois afin de pallier la carence de poste en titulaires. Selon les syndicats, une quarantaine d’embauches seraient ainsi envisagées pour l’automne avec un déploiement sur les gros centres tels que Libourne ou les casernes de la métropole. Une estimation que la préfecture et la direction du SDIS ne sont pas en mesure de confirmer pour le moment.
Du côte de l’Unsa, ce personnel « soulage à minima les effectifs » mais le syndicat « ne peut se satisfaire de ces renforts précaires ». : « On espère toujours que le gouvernement va entendre nos revendications ».
Même son de cloche à la CGT SDIS 33 où « on attend de la rentrée quelle soit sociale ». L’intersyndicale se réunira la dernière semaine d’aout et des actions départementales voir régionales sont en cours de réflexion. Le 5 septembre prochain, les syndicats seront également présents à la réunion de présentation de l’agenda social présidée par le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, Olivier Dussopt. Une manifestation nationale à Paris n’est pas exclue.
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