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Faut-il brûler la politique déchets de Bordeaux Métropole ?

Bordeaux Métropole a signé ce jeudi un contrat de délégation de service public confiant à Veolia la gestion des usines d’incinération et de recyclage des déchets ménagers de Cenon et Bègles. « L’écologie a été sacrifiée sur l’hôtel de la finance et de l’énergie pas chère », dénonce l’élu métropolitain Gérard Chausset, selon lequel le « tout incinération » obère l’objectif zéro déchet.

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Faut-il brûler la politique déchets de Bordeaux Métropole ?

Il aurait du fermer en 2015. Finalement, l’incinérateur de Cenon pourra continuer à brûler 1100000 tonnes de déchets par an au moins jusqu’à fin 2027. C’est la durée de la nouvelle délégation de service public conclue par Bordeaux Métropole avec Veolia, dont la filiale SOVAL exploite déjà l’usine de la rive droite. Le contrat signé ce jeudi avec la multinationale lui laisse également les clés du site Astria de Bègles (centre de tri et incinérateur), géré jusqu’à présent par Suez, et qui « valorise » 240 000 tonnes par an.

Patrick Bobet, président de la métropole, a salué les « points d’améliorations réelles » que permettra cette DSP, dont l’ anticipation des nouvelles consignes de tri pour 2022 (qui concerneront l’ensemble des emballages en matières plastiques, NDLR), une mise aux normes européennes de pollution de l’air et de l’eau, et l’amélioration des techniques de valorisation énergétique.

Actuellement, l’incinération des déchets permet d’alimenter en chaleur « l’équivalent d’une ville de 34000 habitants et d’une ville de 100000 habitants en électricité », selon les éléments de chiffrage fournis.

L’incinérateur de Cenon (Bordeaux Métropole/DR)

Une « bonne affaire »

Par ailleurs, l’offre de Veolia fera faire de substantielles économies à la métropole : alors que cette dernière payait en moyenne 80€ la tonne à ses deux prestataires, elle s’acquittera désormais de seulement 53€. Somme de laquelle il faut retirer « 35 € par tonne issus du loyer que percevra Bordeaux Métropole pour l’utilisation de ses usines par le délégataire qui tirera des recettes complémentaires liées à la vente de déchets incinérés provenant d’autres collectivités hors Métropole ou d’entreprises, soit près de 8 millions d’euros an. ».

Ce calcul a été réalisé par le conseiller métropolitain (divers gauche) Gérard Chausset, qui a épluché le contrat de DSP, et s’est abstenu (comme Vincent Feltesse) lors du vote de la délibération en conseil de métropole, le 12 juillet dernier. Dans une lettre adressée à Patrick Bobet, et que Rue89 Bordeaux a pu consulter, l’élu – qui s’était abstenu lors du vote de la délibération validant la DSP -, souligne certes la « bonne affaire » réalisée par la collectivité : « au final le coût de la tonne incinérée lui sera facturé 18€, soit une économie de 14 millions d’euros par an par rapport aux anciens contrats ».

Surcapacité

Mais il en tire de sombres conclusions, estimant que « ce prix défiant toute concurrence est en décalage complet avec les prix du marché et la volonté de favoriser les filières de recyclage » :

« L’écologie a été sacrifiée sur l’hôtel de la finance et de l’énergie pas chère ».

L’adjoint au maire de Mérignac, qui soutenait une opération Zéro Déchet dans le quartier d’Arlac dénonce en effet « le primat donné à l’incinération » :

« Depuis les années 90 (après l’ouverture de l’usine de Bègles, NDLR), la Métropole se trouve volontairement en surcapacité d’incinération (de 115000 tonnes par an). La fermeture de l’incinérateur de Cenon avait été envisagée, mais rien n’a été vraiment fait en ce sens, au contraire. Au final, cette surcapacité a toujours rendu difficile la mise en œuvre d’une politique volontariste de réduction des déchets à la source accompagnée d’une politique de prévention des déchets et de développement de filières de recyclage ou de valorisation. »

501 kilos par habitant

Pour Gérard Chausset, ce « surplace » peut s’observer dans la faible réduction de la production de déchets : 501,7 kilos par an et par habitant en 2018, contre 517 en 2010, et loin de l’objectif visé de 465 kilos en 2020. Cette baisse  est « plus le fruit d’initiatives privées ou associatives ou d’évolution du poids des emballages, que le fruit d’une politique ambitieuse », juge Gérard Chausset.

Il pointe aussi le taux de valorisation matière (c’est à dire le taux de recyclage) dans la métropole : 27%.

« Quand on soustrait les 12% de déchets verts et les 4% de la collecte du verre, la valorisation matière du bac vert représente seulement 11 à 12%. C’est vraiment très faible, alors que le tri sélectif a commencé il y a plus de 20 ans ! On est très loin d’un résultat en cohérence avec les annonces faites comme « les territoires zéro déchet », la collecte des bio déchets… »

Inversement, note-t-il, la part de l’incinération avec sa valorisation énergétique est de 52%, plus 9 % de part résiduelle (les déchets ultimes) mise en stockage au centre d’enfouissement à Lapouyade.

« Ce sont plus de 60% de nos déchets qui échappent à la valorisation matière et au recyclage, alors
qu’en moyenne on peut recycler plus de 80 % d’une poubelle. Ainsi on continue à incinérer ce qu’on appelle les « bio déchets » et les efforts faits pour développer le compostage ou leur collecte sont insuffisants au regard des enjeux. »

Le centre de tri et d’incinération des déchets de Bègles (Ville de Bègles/Flickr/CC)

Ça marche moins bien, mais c’est plus cher

Interrogés par Rue89 Bordeaux, les responsables de Veolia confirment que rien n’est prévu dans la DSP pour ces déchets organiques, qui représentent pourtant le tiers de nos poubelles. La société renvoie vers la métropole, dont le programme Zéro Déchet prévoit pour cela de développer le compostage individuel (4500 composteurs distribués) ou partagé (70 sites l’an dernier). Une paille, quand on compare avec les 770000 habitants de la métropole, et qu’ont sait que « tous les particuliers disposent d’une solution pratique de tri à la source de leurs biodéchets avant 2025 », selon la loi.

« Le fondement de notre politique est « l’aspiration des déchets vers l’incinération » plutôt que sa réduction à la source, résume Gérard Chausset. Pour autant cette politique coûte cher, puisque l’analyse financière comparative coûts par habitant ou coûts à la tonne de l’ADEME, dévoile un différentiel de 20% avec les collectivités de même strate. »

Le coût du traitement des déchets est ainsi de 128 € par an et par habitant, contre 106 pour la moyenne des collectivités françaises. La faute notamment au nombre de collectes des bacs noirs, pointe Gérard Chausset :

« La priorité donnée à l’incinération exige notamment des fréquences de collectes importantes qui renchérissent le coût du service. Une grande partie des villes de la Métropole sont en fréquence 3 (2+1), 6 pour certains secteurs de Bordeaux, alors qu’une politique volontariste permettrait aisément de supprimer une fréquence. »

Au centre de tri des déchets de Bègles (SB/Rue89 Bordeaux)

Pollueurs payeurs

Seuls points positifs de la DSP, selon l’élu écologiste : elle ne fixe pas des obligations d’apports de déchets pour alimenter les fours, et donne des marges de manœuvre financières qui peuvent être intelligemment utilisées. Il enjoint ainsi la métropole de consacrer les 14 millions d’euros annuels économisés grâce au contrat à « une politique massive de prévention et de réduction » : éducation au tri et au recyclage auprès des habitants et sur des lieux générateurs de déchets, les centres commerciaux, les entreprises, les manifestations…

« La prévention et la réduction des déchets auront également un effet immédiat sur les incivilités et la propreté en ville. En effet le manque de propreté est le plus souvent le résultat de containers qui débordent sur l’espace public. »

Et il recommande de programmer rapidement « la redevance incitative testée actuellement sur 4 quartiers de façon confidentielle », et à blanc… Donc sans effet mesurable immédiatement sur la facture, comme l’expliquait Rue89 Bordeaux à son démarrage. Or les villes qui font payer plus cher l’enlèvement des ordures aux ménages qui jettent beaucoup ont obtenu des résultats spectaculaire.


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