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Nous avons croisé Hélène des Ligneris avant la soirée d’anniversaire de La Machine à Lire

Ce jeudi, La Machine à Lire fête ses 40 ans sur la place du Parlement. Rue89 Bordeaux a croisé sa directrice, Hélène des Ligneris, sur une terrasse voisine. Elle nous a raconté ses premiers souvenirs de cette librairie unique et comment, pour clore les festivités, elle y invite un monument du polar, James Ellroy.

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Nous avons croisé Hélène des Ligneris avant la soirée d’anniversaire de La Machine à Lire

Le 3 octobre approche et Hélène des Ligneris cogite toujours sur son discours pour la soirée des 40 ans de La Machine à Lire.

« Je n’y arrive pas, lâche-t-elle dépitée. Le livre est tellement de choses : un confident, un ami, un partenaire, un enseignant… J’ai peur d’oublier quelque chose. Il faut que je réussisse à parler de tout ; la littérature bien sûr, mais aussi la BD, les beaux-arts, les sciences humaines… »

Et le polar ! Surtout ne pas oublier le polar. La patronne de la librairie a tout de même réussi un joli coup en obtenant, parmi les événements au programme de cet anniversaire, la venue de James Ellroy le vendredi 15 novembre pour présenter son dernier livre, « La tempête qui vient ». Le géant américain du policier conversera avec un autre maître du genre, Hervé Le Corre.

« Il faut que je lise ses livres ! », avoue-t-elle. Ah ! Et elle enchaîne : « Ça m’a pris le matin en me levant et je me suis dit qu’il fallait faire venir le plus grand auteur de polar au monde. Je voulais remettre en avant un genre qu’on n’associe pas forcément avec La Machine à lire. En arrivant à la libraire, je demande qui est le plus grand auteur policier. On me dit Ellroy. Je passe un coup de fil à sa maison d’édition, j’apprends qu’il vient en France. Tout s’est calé en une journée. Si j’avais appelé le lendemain, je ne l’aurais pas eu. C’est mon kairos ! »

Comme le dit Wikipedia de ce « petit dieu ailé de l’opportunité, qu’il faut saisir quand il passe », « le kairos est le temps du moment opportun ». Et à entendre la libraire, le kairos y est pour beaucoup dans son parcours.

Croisée sur la terrasse du café Le Parlement, son fief pour une pause non loin de la librairie, Hélène des Ligneris sirote un rooïbos ; « une infusion qu’on appelle aussi Carpe diem ». Décidément !

Une « amitié »

Dans le quartier Saint-Pierre, et même si elle n’y habite plus, Hélène des Ligneris se sent comme chez elle. De 1983 à 2009, elle a vécu rue des Faussets, « en face de chez Molinier ». Elle s’y installe, ses études d’océanographie et de géologie tout juste terminées.

« Quand je suis rentrée dans La Machine la première fois, rue de la Devise (première adresse de la librairie, NDLR), j’ai apprécié le cadre, l’ambiance, l’accueil et aussi la proximité. Une librairie à côté de chez soi où on découvre tant de livres est une chance. Pourtant, ce n’est pas les librairies qui manquaient à l’époque ; il y avait Bulles sur la place, une autre dont j’ai oublié le nom un peu plus loin. Mais à La Machine, j’ai aussitôt trouvé quelque chose qui me convenait, je ne voyais pas pourquoi j’allais chercher ailleurs. C’est une chose qui fait fondamentalement partie du psychisme, je ne sais pas… »

Cette fidélité qui ne dit pas son nom, Hélène des Ligneris préfère la qualifier d’amitié.

« Je porte le même parfum depuis quarante ans, depuis le jour où il m’a plu. Je fréquente un restaurant depuis des années, parce qu’il m’a plu. La Machine à Lire m’a plu, alors je n’ai jamais changé de librairie. » 

Cette « amitié » se développe d’abord avec le lieu, et ensuite avec ses fondateurs : Danielle Depierre et Henri Martin.

« J’ai vu le local s’agrandir, petit à petit. Il y avait une petite pièce vitrée au fond ou Henri était toujours installé avec juste la place pour lui et un ordinateur. »

Ce ne sont pas les souvenirs qui manquent. Hélène des Ligneris évoque les rencontres avec les auteurs qu’organisait, et qu’organise toujours, la librairie ; l’anniversaire des 20 ans ; et ce soir où Henri Martin lui propose, en fin de rencontre, de diner avec les auteurs, elle accepte, « très honorée et très émue ».

La Machine à Lire fête ses 40 ans (ES/Rue89 Bordeaux)

Nouvelle vie

Si « être dans l’histoire de La Machine » est selon elle « un privilège », Hélène des Ligneris n’imaginait pas en écrire, plus tard, une partie. En 2008, ses propriétaires ayant décidé de vendre, elle se porte acquéreuse. Après avoir été directrice d’une entreprise d’insertion, l’EIPF (Entreprise d’insertion, de production et de formation), une nouvelle vie s’annonce.

« Je venais d’avoir un héritage de la vente d’une propriété viticole familiale. Sur un éclair, lors d’un déjeuner avec Henri, je propose d’acheter. J’avais  conscience de l’importance de ce lieu. […] La Machine à Lire était pour moi comme une famille. »

La transition connaît quelques rebondissements, une directrice employée fait un court passage. Hélène des Ligneris décide de prendre les rênes et imprime sa touche, notamment en mettant en place des interventions d’auteurs en milieu carcéral.  

Est-ce que La Machine à Lire a changé depuis ? Hélène des Ligneris reconnaît que « chaque propriétaire forge la librairie à son image et c’est normal, à commencer par l’équipe ». 

40 ans plus tard, cette adresse symbole d’indépendance dans le milieu du livre continue de s’imposer dans un paysage économique difficile, portée par une clientèle qui s’attache à l’histoire du lieu et à ce qu’il est devenu, mais aussi par la volonté obstinée d’une libraire et son kairos.


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