102,5 euros la tonne cette année, 107 l’année prochaine, contre 91€ en 2019 : voila les tarifs, en hausse de 17,6% sur deux ans, auxquels vont devoir se plier 171 communes girondines, dont Langon, Beychac & Cailleau et Saint-Loubès, pour incinérer les déchets de leurs concitoyens à compter du 20 février prochain.
Plus de 170000 Girondins impactés
Le Syndicat de l’Entre-deux-Mers-Ouest pour la Collecte et le Traitement des Ordures Ménagères (Semoctom) réunit 86 communes, dont Saint-Loubès, Beychac et Saint-Sulpice, soit 107 228 habitants.
85 communes, dont Langon et Bazas, forment le Sictom Sud Gironde, représentant 65275 habitants.
Leurs deux syndicats de collecte et de traitement des ordures ménagères, le Semoctom et le Sictom (voir ci-contre), ont eu beau constituer un groupement de commande pour renouveler leur marché, elles n’ont pas eu le choix, explique Jean-Luc Lamaison, maire de Nérigean et président du Semoctom :
« La réponse de Veolia à notre appel d’offre était la seule acceptable, car il n’y a pas d’autre opérateur ayant la capacité de traiter les 40000 tonnes d’ordures que nous produisons chaque année. Et les unités d’incinération en dehors du territoire girondin sont trop éloignées, il n’est pas possible d’y recourir, tant pour des raisons réglementaires que pour des raisons environnementales. »
DSP m’a tuer
A l’arrivée, le surcoût pour les deux syndicats représentera 1,5 million d’euros en deux ans. Cette flambée des prix découle de la nouvelle délégation de service public (DSP) par laquelle Bordeaux Métropole a confié la gestion de ses deux incinérateurs, Cenon et Bègles, au même opérateur, Veolia, qui exploitait déjà l’usine de la rive droite, Suez gérant l’usine Astria.
« Veolia se trouve en situation de quasi-monopole sur la Gironde », estiment donc les collectivités de l’Entre Deux Mers et du Sud Gironde. Elles s’en émeuvent dans un courrier envoyé le 6 janvier dernier à la préfète, Fabienne Buccio, et présenté ce vendredi à la presse à Saint-Léon.
« La conséquence inédite et problématique de cette DSP, c’est que cette même entreprise exploite aussi l’installation de stockage des déchets non dangereux de Lapouyade (ISDN, enfouissement des ordures ménagères et du tout-venant), relève Jean-Luc Lamaison. Cette situation permet désormais à Veolia de répondre aux marchés publics en orientant les ordures ménagères sur l’unité qui lui convient le mieux et avec une hausse considérable du prix. »
Un prix canon
Veolia a pu décrocher le contrat avec la métropole bordelaise en lui proposant un prix de traitement « très inférieur au prix antérieur, et inférieur au coût réel », soulignent les élus dans leur lettre à la préfète : 18€ la tonne incinérée pour la Métropole, contre 80€ auparavant, et 100 à 120 euros pour les tarifs généralement pratiqués en France.
Plus précisément, la métropole paiera 53€ la tonne, moins 35€ par tonne issus du loyer que lui versera Veolia pour l’utilisation de ses fours au profit d’autres collectivités.
« La capacité des deux usines excède d’environ 50 % les besoins de la seule métropole, rappellent le Semoctom et le Sictom. Cela permet à Veolia de proposer le traitement dans ses capacités excédentaires aux autres collectivités, moyennant un tarif beaucoup plus élevé et lui permettant ainsi d’équilibrer, avec une rentabilité convenable, la gestion de ces deux unités. »
Position dominante
Aussi, la plupart des communes du département, qui dans les prochains mois vont à leur tour contracter avec Veolia, s’inquiètent pour les deniers publics. Les maires présidant 11 établissements en charge de la gestion des déchets, et représentant un peu moins de la moitié des habitants de la Gironde, dont tous ceux du Bassin d’Arcachon et du Médoc, ont signé le courrier alertant Fabienne Buccio.
Ils lui rappellent que le prix dont ils devront s’acquitter « va de fait se répercuter sur les 700 000 habitants de nos territoires dans un contexte social déjà très difficile ». Les élus locaux s’interrogent sur « l’abus de position dominante » que pourrait représenter cette politique tarifaire, et sur la rupture d’égalité devant le service public provoquée par le contrat de DSP et la distorsion tarifaire au profit de la métropole.
Jointe par Rue89 Bordeaux, la préfecture de la Gironde recevra prochainement les maires girondins, mais n’a à ce stade pas commenté l’affaire.
Vers une conférence sur l’incinération ?
En charge du Plan de prévention et de gestion des déchets, la Région Nouvelle-Aquitaine a également été sollicitée par les collectivités girondines, ainsi que par Gérard Chausset, seul conseiller métropolitain (avec Vincent Feltesse) à avoir critiqué la DSP en raison notamment des tensions qu’elle pourrait provoquer entre la métropole bordelaise et les autres territoires.
L’élu suggère qu’une conférence réunisse les présidents de syndicats de traitement des déchets de Gironde et la Métropole « afin d’envisager une réponse solidaire à la situation actuelle au niveau du traitement, de la prévention mais également financière ».
Réponse polie mais ferme de la Région, contactée par Rue89 Bordeaux : elle « indique qu’elle n’a pas compétence sur la tarification du traitement des déchets et ne peut intervenir dans la libre administration des communes. Le schéma régional de traitement des déchets ne dispose que des objectifs quantitatifs des capacités de traitement sur le territoire afin de réduire les sites de dépôt, mais n’a pas compétence sur les tarifs. »
Et « la réponse de la préfecture risque d’être la même », glisse une source à la Région, selon laquelle seul le tribunal administratif pourrait trancher sur l’éventuel abus de position dominante ou l’inégalité devant le service public.
Le zéro déchet à la fête
La brutale augmentation du coût de l’incinération peut-elle être un mal pour un bien, en poussant les mairies girondines vers le zéro déchet ? Compliqué dans une zone d’accueil qui reçoit 1 à 2% de nouveaux habitants par an, selon Elodie Bittard, directrice du Semoctom :
« Malgré toutes nos actions engagées en matière de prévention, notamment l’expérimentation de la redevance incitative (paiement du service de collecte des ordures ménagères en fonction de leur quantité, NDLR), la production par habitant est en légère augmentation depuis 3 ans. On s’attend à une baisse à partir du 20 janvier car nous allons collecter les biodéchets en porte-à-porte (à Saint-Loubès, Beychac et Saint-Sulpice) ou en apport volontaire. Mais si cette politique permettra de réduire le tonnage des ordures incinérées (les déchets organiques représentent 30% du poids d’une poubelle, NDLR), elle a aussi un coût. Et avec le temps nécessaire à déployer cette stratégie, elle ne permettra pas d’absorber toute l’augmentation qu’on est en train de subir pour incinérer nos ordures. »
Alors que les taxes sur l’enfouissement vont s’envoler, enterrant définitivement l’option de la mise en décharge, la réduction des déchets s’avère néanmoins la seule issue pour ne pas consumer les impôts des Girondins dans les incinérateurs bordelais.
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