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30/04/2024 date de fin
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Les lobbies du béton à l’action avant les élections

Les représentants aquitains des promoteurs immobiliers, des architectes et du BTP font front commun contre certaines propositions avancées par les candidats aux municipales à Bordeaux. Dans leur viseur : l’objectif « zéro artificialisation » souhaité par les écologistes et la pause envisagée des grandes opérations d’aménagement.

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Les lobbies du béton à l’action avant les élections

« Nous sommes extrêmement inquiets », lâche Arnaud Roussel-Prouvost. Le président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers Nouvelle-Aquitaine déplore déjà une baisse de 30% des mises en vente de logements neufs en 2019, « conséquence de la limitation des délivrances de permis de construire ». Et ça risque de ne pas s’arranger après les élections, redoute-t-il :

« Le sentiment général quand on écoute les différents candidats aux municipales à Bordeaux, c’est qu’il faudrait arrêter la construction de logements. C’est un peu déjà le cas ! Ce malthusianisme urbain est à mettre en perspective avec les 10 à 12000 nouveaux habitants qui arrivent chaque année sur la métropole. Où allons nous les loger ? »

Alors qu’il faudrait produire 10.000 nouveaux logements chaque année sur l’agglomération pour faire également face aux décohabitations (séparations de familles), la métropole accuserait « 3000 logements de retard par an ». «La situation va devenir explosive si on arrête de construire », poursuit Arnaud Roussel-Prouvost.

Bouton pause

Aux côtés de la FPI, c’est tout le secteur de l’immobilier qui a donc tapé sur la table ce jeudi au Club de la presse de Bordeaux – étaient ainsi représentés le Conseil de l’ordre des architectes Nouvelle-Aquitaine (2500 architectes, dont 1000 dans la métropole bordelaise, la Fédération française du bâtiment de Gironde (700 entreprises, 12000 salariés) et la Fédération Régionale des Travaux Publics Nouvelle-Aquitaine (720 entreprises, 26000 salariés dans la région).

Bref, du lourd, et qui entend peser sur les élections. Ces corporations s’inquiètent notamment de l’avenir des grandes opérations d’aménagement (Bastide-Niel, Brazza, Euratlantique), qui représentent 40% des logements neufs construits à Bordeaux.

Vincent Feltesse (désormais retiré de la campagne et de la vie politique) suggérait un moratoire sur ces opérations. Thomas Cazenave (République en marche) veut quant à lui réaliser un audit de ces opérations « afin de s’assurer que les équipements (transports, écoles, espaces verts, services publics) seront livrés en même temps, ou les retarder ».

« Il ne faut pas faire de pause mais continuer à construire du logement et parallèlement développer les équipements », assure Arnaud Roussel-Prouvost.

Le président de la FPI se dit en outre « assez circonspect » sur la capacité d’atteindre « dans un délai aussi court » l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols d’ici 2030, même si « on doit accompagner le mouvement et on est obligés de respecter la biodiversité ».

« Faire émerger un modèle bordelais »

S’il fait là référence aux ambitions gouvernementales traduites dans une circulaire de juillet 2019, on comprend que les réserves sont encore plus grandes vis à vis de la promesse des écologistes de « préserver nos derniers espaces naturels en cessant toute artificialisation des sols ». Est-ce pour autant utopique de « construire la ville sur la ville » ?

« Nous sommes partisans de le faire sans délaisser certains territoires périphériques, répond Arnaud Roussel-Prouvost. Mais il va falloir créer et faire émerger un modèle bordelais. Si on veut densifier, on va devoir sortir du modèle de l’échoppe. On ne peut pas construire une ville dense avec des R+1 et des R+2 sur les axes de transports en commun. »

Aux Bassins à flot (SB/Rue89 Bordeaux)

« Si on fait participer les citoyens, il est possible de leur faire accepter la densité, et de créer des villes vivantes », ajoute Virginie Gravière présidente conseil de l’ordre des architectes, rejoignant pour le coup les propos de Bernard Blanc, ex directeur d’Aquitanis et colistier de Pierre Hurmic.

L’heure de l’aggiornamento écolo n’est en revanche pas tout à fait à fait venue pour Christian Surget, le président de la FRTP, favorable à la construction d’un tunnel sous la Garonne en aval de Bordeaux, ou pour Marie-Ange Gay-Ramos :

« Dans leurs programmes, les candidats parlent de vélos et de poids lourds sur la rocade mais quelles mesures vont-ils prendre pour faciliter la circulation et le stationnement ?, interroge la présidente de la Fédération Française du Bâtiment Gironde. Quand une entreprise de couverture vient faire un dépannage, elle ne va pas prendre le tram avec son escabeau et sa caisse à outil. »

Mea culpa

Selon Arnaud Roussel-Prouvost, les professionnels de l’immobilier sont soumis à des « injonctions paradoxales » :

« On veut de plus en plus de qualité d’architecture, plus de stationnement, tout en voulant que les villes soient plus vertes, cela entraine une surenchère sur les prix de sortie, il faut savoir à quel niveau mettre le curseur. »

Le président de la FPI relève que l’envolée des prix du logement ces dernières années est corrélée à celle des prix du foncier, passés de 10% des prix de revient d’une opération à 30% sur Bordeaux. Mais le mea culpa est bien timide quant à la responsabilité des promoteurs dans cette spirale spéculative :

« Je ne contrôle pas l’ensemble des opérateurs privés. Quand vous avez besoin de faire travailler vos équipes, vous préférez acheter une terrain à un pix déraisonnable et participer indirectement à une certaine inflation. C’est compliqué car on affaire là à un droit constitutionnel qu’est la propriété privée. »

Pour contrôler davantage le coût du logement, la FPI n’a « pas de solution miracle » mais mise sur la logique des prix maitrisés, adoptée en juillet dernier en conseil de Bordeaux Métropole. Elle se traduira fin 2020 par l’oblogation de réserver la moitié des logements d’une opération à des prix inférieurs de 20 à 50% aux prix du marché. Indispensable quand des logements se négocient à 5000 euros le m2 à Bordeaux, poiur un salaire médian de 1780 euros.


#L'envers du béton

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