La période de confinement destinée à enrayer l’épidémie de coronavirus était redoutée par les acteurs mobilisés contre les violences faites aux femmes. Depuis les interventions liées à des violences intrafamiliales ont augmenté de 18% en zone gendarmerie, et celles pour violences conjugales de 25% en zone police, a indiqué ce vendredi le parquet de Bordeaux.
Les gendarmes du département sont ainsi intervenus 105 fois entre le 16 et le 22 mars, et 89 fois la semaine précédente, observant également un nombre plus important de communes, et donc de foyers concernés par ces rixes.
Dans la métropole bordelaise et l’agglomération d’Arcachon, la police est elle intervenue à 55 reprises pour des différents conjugaux lors de la première semaine de confinement, contre 44 par semaine en moyenne depuis le 1er janvier, soit une hausse d’un quart des violences présumées.
Réponses fermes
Néanmoins, Frédérique Porterie, procureure du tribunal de grande instance, estime que « le ressort judiciaire de Bordeaux n’enregistre pas une hausse alarmante » des affaires, en dessous du moins de ceux constatés au plan national.
« Nous étions tous très inquiets par ce phénomène, explique la procureure. Aussi, les forces de l’ordre sont extrêmement réactives quand elles sont prévenues par des membres des foyers ou des voisins. La plupart de ces différents n’ont pas forcément eu de traduction judiciaire, mais ils ont été traités immédiatement dès que des violences ont été constatées, avec des garde à vue. »
Des « réponses fermes » ont été apportées, dans la ligne politique suivie par l’Etat notamment depuis le Grenelle des violences conjugales, souligne la magistrate. Celles-ci se sont traduites par 10 défèrements devant la justice, et d’audiences en comparition immédiates. 5 ont fait l’objet de peines d’emprisonnement, et les autres de mise sous contrôle judiciaire des auteurs et d’interdictions pour ces dernier de rencontrer la victime.
Exfiltrer les hommes
« Mais nous restons en difficulté pour procéder à l’éloignement du conjoint violent », reconnait Frédérique Porterie.
La préfecture de la Gironde souhaite donc expérimenter avec la Ville de Bordeaux un dispositif pour proposer des nuitées aux auteurs des violences.
« On préfèrerait « sortir » les hommes de manière à ce que ce ne soit pas toujours les femmes qui doivent quitter leur domicile, et provoque un bouleversement pour les enfants, justifie la préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio. Mais c’est un véritable problème de trouver un hébergement pour les conjoints violents. On peut difficilement les éloigner dans un autre département quand ils ont un travail, et quand ils n’en on pas ils ne peuvent souvent pas se payer un logement. »
Avec le confinement, les centres d’hébergement continuent donc à accueillir les femmes victimes, voire comme à l’Apafed, proposent des solutions pour les aider à assurer le suivi scolaire de leurs enfants quand elles en ont.
Les autorités veulent ouvrir davantage de places, notamment dans les hôtels, « afin que les femmes ne soient pas condamnées à attendre la fin du confinement pour pouvoir quitter leur domicile », souligne Sophie Buffeteau, déléguée régionale aux droits des femmes.
Privilégier internet au 3919
Cette dernière juge par ailleurs « plutôt inquiétante » la baisse du nombre d’appels constaté nationalement au 3919, passé depuis le début du confinement de 400 à 100 par jour. Il montre que les victimes de violence, confinées avec leur agresseur, n’osent pas décrocher leur téléphone.
« Ce n’est pas une bonne nouvelle, et les associations n’ont pas les moyens de joindre des femmes qu’elles suivaient depuis un moment », pointe Sophie Buffeteau.
Aussi, les autorités invitent les victimes à passer de préférence par la plateforme internet arretonslesviolences.gouv.fr, « active 24h/24 pour dialoguer avec les forces de l’ordre de façon anonyme et sécurisée ». Le nombre de connexions à ce site aurait quant à lui grimpé de 40% ces derniers jours.
« Si elles ne peuvent pas parler, elles peuvent tchatter sur la plateforme en se cachant dans les toilettes ou la salle de bain », rappelle la déléguée régionale aux droits des femmes. « Elles ont aussi la possibilité de déposer plainte en ligne. »
Les pouvoirs publics appellent en outre à « la vigilance citoyenne des voisins qui peuvent sauver des vies en tapant le 17 en cas de grave danger ».
Ils indiquent que les violences intrafamiliales ne concernent pas que les conflits conjugaux : la police girondine a ainsi effectué 27 interventions, soit 63% de plus que d’habitude, essentiellement suite à des disputes entre des jeunes majeurs ayant des problèmes psychiatrique et leurs parents chez lesquels ils sont confinés. Le parquet signale en revanche « ne pas avoir de remontées particulières » sur des cas de maltraitance d’enfants.
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