Pey Berland – Victoire : 11 minutes. La Médoquine (Talence) – Barrière de Pessac : 18 minutes. Palmer (Cenon) – Parc de l’Ermitage (Lormont) : 20 minutes. Voici quelques exemples des temps de parcours à pied entre certains sites et quartiers de Bordeaux et des environs. Ils sont extraits d’une carte que vient de publier l’a-urba, l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine, pour encourager la pratique de la marche.
« On s’est concentré sur le cœur de la métropole, Bordeaux et ses communes adjacentes, les territoires les plus “marchables”, explique Antonio Gonzalez Alvarez, directeur du pôle Dynamiques territoriales de l’a’urba. Nous voulons montrer qu’on peut finalement aller assez rapidement à pied d’un point à un autre, même quand on l’impression que c’est très loin. L’habitude de signaler les lieux avec les distances en mètres donne une vision qui n’encourage pas la marche. »
On a marché port de la Lune
En 2017, l’a-urba avait déjà proposé des « itinéraires à pied pour compléter le réseau de transports en commun de l’agglomération bordelaise ». Afin de désaturer les lignes bondées en centre-ville, il s’agissait alors de démontrer que certains itinéraires sont plus rapides à pied qu’en tram, notamment lorsqu’il s’agit de prendre des correspondances – par exemple marcher de la place Paul-Doumer aux quais, plutôt que d’aller jusqu’aux Quinconces pour changer de tram et emprunter la ligne B. TBM avait même réalisé un affichage indiquant ces temps de parcours en marchant entre certaines stations.
Ces derniers travaux de l’a-urba s’inscrivent quant à eux dans le cadre des études réalisées en perspective du déconfinement (« et bien après ») pour Bordeaux Métropole. Encourager la marche permet en effet de valoriser sur certains courts trajets une alternative aux trams et aux bus, dans lesquels il peut-être compliqué de respecter la distanciation physique, ou qui peuvent s’avérer anxiogènes. Et c’est un mode doux et actif, éminemment bon pour la santé et l’environnement.
Avec 29% des déplacements effectués dans la métropole, la marche à pied est déjà l’option la plus courue, derrière la voiture. Et encore, estime Antonio Gonzalez Alvarez, sa part est sans doute sous-estimée, notamment parce que les enquêtes ne tiennent compte que du mode de transport principal déclaré par les personnes interrogées – par exemple le tram, même si le voyageur doit marcher 500 mètres pour arriver à la station. Et pourtant, juge l’urbaniste, « il y a encore des marges de progression » :
« Cela suppose de matérialiser davantage les distances dans l’espace public, et que celui-ci soit suffisamment agréable, avec des trottoirs larges, des bancs, des arbres et des passages piétons sûrs. Le besoin d’améliorer l’espace pour les piétons est particulièrement vrai pour de nombreuses rues du centre ville où les trottoirs étroits sont souvent encombrés par des poubelles ou autres obstacles. »
Plan marchable
Dans son étude, l’a-urba fait d’ailleurs plusieurs propositions audacieuses, comme la suppression du stationnement au profit de l’espace piéton dans toutes les rues où celui-ci est d’une largeur inférieure à 2,50 m, dans les rues commerçantes, et devant les équipements scolaires. Un cas d’étude suggère par exemple de supprimer les deux files de stationnement et de passer en zone 30 le cours Portal. Mais donner plus de place aux piétons n’exclut pas les autres modes, précise Antonio Gonzalez :
« Quand on parle de rue piétonne, on pense souvent à la rue Sainte-Catherine. Or cela ne veut pas forcément dire interdire complètement la voiture, mais la ralentir, ce qui se fait à Barcelone dans les super ilots ou à Amsterdam où on a enlevé le stationnement de surface. Quand les voitures roulent entre 10 et 20km/h tout l’environnement devient plus agréable pour le piéton. »
Dans une lettre ouverte adressée peu avant le déconfinement aux élus de Bordeaux et de la métropole, ainsi qu’à la préfecture, 5 associations (Espace 33, Les droits du Piéton Gironde, La Ligue Contre la Violence Routière Gironde, Trans’Cub et Rue de l’Avenir) demandaient le passage en zone 20 de tout l’intra-boulevards :
« Dans la mesure où le port du masque n’est pas obligatoire dans l’espace public, écrivaient-elles, la seule solution qui permette réellement la distanciation physique est la zone 20. Les piétons peuvent marcher sur la chaussée et se croiser, et les cyclistes circuler à double sens. La vitesse limitée à 20 km/h assure la sécurité de tous. »
C’est en effet « la seule donnant la priorité aux piétons, contrairement aux zones 30 », pointe Denis Teisseire de Trans’Cub, soulignant que « deux déplacements sur trois s’effectuent à pied ou à vélo entre les boulevards et le fleuve ». Dans le même esprit, Pierre Hurmic et les élus écologistes qui, pendant la campagne électorale avaient lancé l’idée d’un « plan marchable », ont proposé pour le déconfinement d’instaurer une zone de rencontre à l’intérieur des cours.
Le pied sur le champignon
Mais pour l’heure et contrairement au vélo, qui a fait l’objet d’un plan spécifique grâce à la mobilisation d’élus métropolitains et d’associations, les marcheurs ont été moins choyés. Certains aménagements simples leur simplifierait pourtant grandement la vie. Antonio Gonzalez évoque par exemple des comptes à rebours prévenant les piétons du temps lui permettant de traverser une rue, comme on peut en voir ailleurs en Europe.
Et les infrastructures de la métropole bordelaise pourraient aller selon lui davantage dans le sens de la marche. Alors que la collectivité supprime de plus en plus de carrefours à feux, l’urbaniste préconise de ne pas systématiquement les remplacer par des ronds-points, synonymes d’ « itinéraires plus longs pour le piéton et des conditions de traversée ressenties comme moins sûres par certains publics vulnérables ». Enfin, il faudrait selon lui en finir avec les discontinuités pédestres :
« Toutes les grandes infrastructures de voirie représentent des coupures dans les itinéraires à pied. A Bordeaux, les boulevards sont un exemple de discontinuité, qui sera sans doute résolue en partie par les aménagements prévus. Mais même dans les zones 30 de Bordeaux, les tracés rectilignes sans aménagements permettant de ralentir les voitures – rétrécissements, chicanes, dos d’ânes… – sont potentiellement dangereux pour les piétons. On le voit aussi sur les pénétrantes comme le cours du Médoc ou la rue Lucien-Faure : si une voiture a une longue ligne droite de 300 ou 400 m devant elle, elle a tendance à accélérer. »
Et les piétons à se carapater… D’où la nécessité, même si la Ville de Bordeaux se targue d’avoir passé une grande partie du centre-ville en zone 30, de faire respecter cette limite.
Chargement des commentaires…