Média local avec zéro milliardaire dedans

Ces zones 30 où on lève peu le pied dans la métropole bordelaise

La mairie de Bègles l’a fait, avant de revenir en arrière pour certaines artères. Alain Juppé avait lui promis de passer à 30 km/h tout l’intra-boulevards de Bordeaux d’ici 2020, un objectif qui sera atteint en 2021. Mais des comptages réalisés dans certains rues théâtres de graves accidents démontrent que cette limitation est peu respectée. La vitesse excessive est pourtant la première cause de mortalité ou de blessures graves sur les voies de Bordeaux Métropole.

Édition abonnés
Ces zones 30 où on lève peu le pied dans la métropole bordelaise

Des fleurs fanent sur le trottoir de la rue Camille-Godard. Un bouquet reste accroché au panneau de limitation à 30 km/h. Un an après l’accident mortel, des proches se recueillent sur ce trottoir où Thomas Pocero a lourdement chuté de sa moto, le 27 septembre 2018.

Alors qu’il arrivait à son travail, ce chef pâtissier de La Grande Maison, restaurant étoilé bordelais, a été percuté par une voiture sortant de sa place de stationnement. Propulsé de l’autre côté de la voie, le jeune homme a perdu la vie. Il avait 29 ans.

En juin dernier, l’automobiliste impliquée dans l’accident a été condamné pour homicide involontaire. Dévastée, cette dernière affirmait ne pas avoir vu débouler le motard en effectuant sa manœuvre. L’expertise a établi qu’il roulait à 53 km/h, au lieu des 30 autorisées à cet endroit, sans dédouaner pour autant de sa responsabilité la conductrice, tenue de maîtriser son véhicule.   

Chicane

L’accident a déclenché une vive émotion dans le quartier, secoué quelques années auparavant par un autre grave accident de motard. Une amicale des riverains voisins du parc Rivière et de la rue Camille-Godard s’est constituée pour alerter la mairie de Bordeaux.

Elle réclamait des aménagements pour pacifier cet axe routier, très fréquenté aux heures de pointe – c’est devenu un itinéraire « malin » permettant d’éviter les boulevards surchargés. Car ses longues lignes droites sont propices aux accélérations, mais sont dépourvues tant d’aménagements cyclables que de ralentisseurs dignes de ce nom (quelques coussins berlinois et légères chicanes). 

En retour, la mairie promettait de réaliser des comptages pour prendre la mesure des besoins. Ses conclusions communiquées le 4 septembre dernier au collectif de riverains par Anne-Marie Cazalet, maire du quartier Chartrons-Grand Parc, sont édifiantes :

« La vitesse en dessous de laquelle circule 85 % des usagers (V85) est en moyenne de 36 km/h sur l’ensemble des tronçons concernés par l’étude, ce qui est satisfaisant sauf sur un point entre la rue du Paveil et la rue Tivoli (celui où s’est produit l’accident, NDLR) où l’on constate notamment des usagers entre 70 et 80 km/h » – et une V85 estimée dans un sens à 47km/h pour les véhicules légers.

La moyenne « satisfaisante » conclut pourtant que la majorité des véhicules, qu’il s’agisse de voitures, de deux-roues motorisés ou de poids lourds, ne respectent pas les limites de vitesse dans cette rue.

La vitesse est limitée à 30km/h rue Camille-Godard, où Thomas Pocero a perdu la vie (SB/Rue89 Bordeaux)

A 30 à l’heure en 2021

Qu’en est-il ailleurs ? Difficile d’y voir clair dans les comptages réalisés à Bordeaux et d’autres points de la métropole, même si la réduction de la vitesse est un objectif politique clairement affiché. En 2014, Alain Juppé promettait ainsi, s’il était réélu, de faire passer pendant sa mandature toute l’intra-boulevards de Bordeaux de 50 à 30 km/h.

« Nous devons être à 80% de la zone concernée passée à 30 à l’heure, et on aura un an de retard par rapport à l’échéance de 2020, indique Jean-Louis David, adjoint au maire en charge de la sécurité. C’est une performance car il ne suffit pas de prendre un arrêté de limitation, il faut organiser physiquement la voirie et les espaces publics pour contraindre l’automobiliste ou le motard à la respecter. »

Rue Camille-Godard, devant le parc Rivière, la mairie envisage par exemple de créer un plateau, une surélévation de la voirie contraignant les véhicules à ralentir franchement, et marquant physiquement une zone de partage de l’espace avec les piétons.

Gendarmes couchés

De quoi pallier le manque de contrôles et de sanction ? Jean-Louis David reconnait que les polices nationale ou municipale en font peu, et de façon ciblée ; mais il assure que cela sera un des objectifs de la nouvelle brigade de circulation de la Ville.

Quoi qu’il en soit, la multiplication de ces zones 20 ou 30 aurait selon lui permis de faire baisser sensiblement le nombre d’accidents à Bordeaux. Cela peut sembler logique, quand on sait qu’un tiers des accidents de la circulation dans la métropole sont dus à une vitesse excessive ou inadaptée, soit la première cause d’insécurité routière – en 2018, ils ont fait 19 morts (dont 6 à Bordeaux), 122 blessés graves et 607 légers. Mais le changement de méthodologie de la police, qui depuis 2017 n’enregistre plus systématiquement les accidents corporels, rend délicat une lecture fine de l’évolution.  

De même, après avoir expérimenté la généralisation des 30 à l’heure sur son territoire, la mairie de Bègles ne disposait pas de statistiques fines sur l’impact de cette décision, outre une baisse de la vitesse moyenne, de 44 à 40 km/h. La Ville a toutefois choisi de faire machine arrière sur certains axes, notamment l’accès au centre commercial des Rives d’Arcins, où la police nationale avait dressé 1200 procès-verbaux pour des dépassements de vitesse…

Mystifier Waze

« Un loupé », selon Clément Rossignol-Puech, le maire de la ville qui avait promis que les excès de vitesse entre 30 et 50 km/h ne seraient pas verbalisés pendant l’expérimentation, et a obtenu l’annulation de ces prunes. Il est toutefois persuadé de l’utilité du dispositif, ainsi présentée à 20 Minutes : 

« Cela permet de diminuer l’accidentologie, puisque les distances de freinage sont divisées par deux (de 28 m à 50 km/h à 14 m à 30 km/h), de diminuer la gravité des blessures, ou encore de réduire la circulation de transit liée aux calculateurs de circulation de type Waze. Le passage à 30 km/h augmentant ainsi le temps de trajet de 10 %, cela peut suffire pour que le calculateur choisisse un autre itinéraire. » 

A Bègles comme à Bordeaux, on espère aussi que la « pacification » des rues conduise les citoyens à utiliser davantage le vélo, la peur de l’accident étant la raison la plus souvent invoquée pour ne pas monter en selle. 

« C’est un changement de culture qui nécessite de la pédagogie, mais les zones 30 doivent permettre d’aider nos concitoyens à changer de comportement, et à vivre et à se déplacer différemment », estime Jean-Louis David.

Bref, à les remettre dans le droit chemin. 

Abonnez-vous

Cet article fait partie de l’édition abonnés. Pour lire la suite, profitez d’une offre découverte à 1€.

Contribuez à consolider un média indépendant à Bordeaux, en capacité d’enquêter sur les enjeux locaux.

  • Paiement sécurisé
  • Sans engagement
Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

#accidents de la route

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

À lire ensuite


Les fans de « run » réclament une piste à Bordeaux qui tienne la route
Partager
Plus d'options