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A Bordeaux, l’Utopia relève enfin le rideau

Le cinéma indépendant de Bordeaux a rouvert ses salles la semaine dernière. Dans des conditions sanitaires toujours délicates, mais avec le soutien de ses spectateurs.

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A Bordeaux, l’Utopia relève enfin le rideau

Les beaux jours reviennent comme les clients qui s’attablent à la terrasse du café de l’Utopia, baignée de soleil. En arrière plan du tintement continu des couverts et de l’agitation du service de midi, les projecteurs se rallument et replongent les salles dans la douce obscurité qu’affectionnent les cinéphiles.

Sous les voûtes de l’ancienne église Saint-Siméon, les spectateurs et spectatrices se succèdent pour prendre leur place. Après plus de trois mois de fermeture, le cinéma indépendant de la place Camille-Jullian a rouvert ses portes mercredi dernier à des habituées impatientes de retrouver leur cinéma de quartier.

« On est vraiment contentes que ça reprenne, on allait principalement à l’Utopia avant le confinement, explique l’une d’elles, venue assister à la première séance de L’Envolée. C’est un tout : la programmation originale, le cadre et l’absence de pub avant le film ! »

Réouverture de l’Utopia après plus de trois mois d’absence (MP/Rue89 Bordeaux)

Les fidèles de retour

Les cinémas avaient été autorisés à rouvrir le 22 juin mais l’Utopia a préféré prendre le temps de peaufiner sa gazette et ne pas se lancer trop tôt en constatant le nombre d’entrées « catastrophique » au niveau national. En attendant, des permanences avaient été assurées les mercredis et dimanches, pour maintenir un lien avec les habitants du coin.

« J’y allais deux fois par semaine, ça a vraiment été un manque après la fermeture provisoire, signale Nicole, retraitée. En attendant, j’ai assisté aux permanences qu’ils ont mises en place et comme vous voyez, je suis là dès le premier jour ! »

L’autorisation de reprendre l’activité dès juin a pris de cours les cinémas. La fréquentation n’étant de manière générale pas à son maximum en période estivale, ajoutée à une méfiance accrue de se retrouver en vase clos, « il aurait été plus prudent de ne reprendre qu’en août » selon Patrick Troudet, gérant de l’Utopia.

D’autant plus que les mesures sanitaires restent contraignantes : masque obligatoire dans le hall d’entrée et les couloirs (mais possibilité de l’enlever une fois installé dans son fauteuil), entrées et sorties aménagées pour restreindre les croisements, films aux horaires décalés pour éviter la foule…

Quatre séances en moins

Ces mesures, plus l’intervalle allongé entre deux films dans la même salle, font perdre environ quatre séances par semaine au cinéma. Hormis « notre modèle économique, c’est normalement des petites salles bien garnies » soupire Patrick Troudet.

Mais il devenait impossible pour le cinéma d’être le seul à laisser rideau baissé à Bordeaux. Très sollicité par le public, mais aussi par les commerçants aux alentours pour qui le « brassage » qu’opère le cinéma est une aubaine, l’Utopia a décidé de rouvrir ses portes. Sa relative stabilité économique a fait pencher la balance, grâce notamment à l’absence de loyer puisqu’il est propriétaire des murs.

C’est également le soutien indéfectible apporté par les habitués qui a permis à l’Utopia de garder la tête hors de l’eau : plus de 150 carnets d’abonnement vendus pendant le confinement, quelques tee-shirts et tote-bags à son effigie, de nombreuses visites pendant les permanences, des messages de réconfort…

« On s’en sort assez bien pour deux raisons : on a une certaine marge de manœuvre puisqu’on n’est pas tributaires des blockbusters et on a une relation très forte avec le public, que n’ont pas les multiplexes, estime le directeur. On voit que les cinés “Art et essai” ne vont pas plus mal que les mastodontes et la fidélité du public y est pour quelque chose. »

Vente de tee-shirts et tote-bags pour soutenir l’Utopia (MP/ Rue89 Bordeaux)

Une « brèche » pour le cinéma

En septembre dernier, alors que l’Utopia fêtait ses vingt ans, Patrick Troudet pestait contre une profession française surattachée à la « chronologie des médias », selon laquelle un film diffusé à la télé ou sur une plateforme de VOD (vidéo à la demande) ne peut plus passer en salle. Un problème pour l’Utopia tandis que des géants comme Netflix s’octroient de plus en plus de « grands films américains alors qu’ils sont destinés à l’écran ! » tempête t-il.

En ce sens, la crise aura peut-être ouvert une brèche face à cette norme bien ancrée : en effet, le film guatémaltèque Nuestras madres de César Diaz, normalement prévu en salle le 8 avril dernier, a entretemps été proposé en VOD par son distributeur, Pyramide, pour éviter la longue attente d’une sortie nationale. Il a décidé d’assouplir les mesures de diffusion, permettant aux cinémas qui le souhaitent de le projeter simultanément en salle. L’Utopia l’a donc mis à l’honneur dans sa programmation de ce début de juillet et en Une de sa Gazette.

La crise sanitaire nous aura-t-elle reconduits vers des services et des loisirs de proximité ? L’Utopia donne l’impression d’être assez confiant, comme en témoigne un extrait de la Gazette :

« Bon nombre de citoyens qui réfléchissent sortent de cette période aussi merdique qu’inédite avec une saine méfiance du gigantisme […] L’avenir est à nous. Ça va le faire ! »


#cinéma

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