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« Artiste, c’est un métier ? » : la question qui fâche… les artistes

Dans le cadre du forum de la culture initié par la mairie de Bordeaux, une série d’affiches placardées sur des panneaux publicitaires invite à remplir un questionnaire. Le message de l’une d’elles suscite un tollé chez les artistes bordelais et certains demandent son retrait.

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« Artiste, c’est un métier ? » : la question qui fâche… les artistes

« Une bourde de communication », « un suicide avec une banane », « hors-sol »… les messages ironiques fleurissent sur les réseaux sociaux en commentaire à une image : celle d’une affiche sur un panneau publicitaire à Bordeaux qui pose la question « Artiste, c’est un métier ? », invitant ainsi les Bordelais à répondre à un questionnaire.

« C’est un peu comme si on démarrait un forum sur l’égalité homme-femme et que l’on commençait par la question “les femmes devraient-elles voter ?” », ironise Emmanuel Ballangé, artiste plasticien à Bordeaux, dans un message adressé à la rédaction.

« Je crois qu’on doit pouvoir dire que cette accroche de com relève de l’accident industriel, non ? », se demande Blaise Mercier, directeur de la Fabrique Pola, qui resitue la question à une période où « la filière professionnelle est à l’arrêt depuis un an, que les artistes ne peuvent plus travailler (contraints et forcés par des mesures sanitaires à géométrie variable), que l’impact économique sur un secteur qui pèse près de 100 000 000 000 d’euros (tous ces zéros ça fait 100 milliards et 2,3% du PIB) est catastrophique ».

« Ras des pâquerettes »

« Attention, précise Blaise Mercier à Rue89 Bordeaux, je défends absolument le forum culturel, mais un tel message, ça fait juste mal par les temps qui courent. On attend depuis un an un signal fort, et là, on voit une concertation démagogique qui se profile. On a juste envie de savoir quelle sera la politique au service des artistes et des territoires. »

« Nombre d’entre nous, artistes et amateurs, sommes impatients que Bordeaux ait une politique culturelle à la hauteur de la grande métropole qu’elle est », écrit Emmanuel Ballangé dans un courrier adressé au maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, et à son adjoint, Dimitri Boutleux, dans lequel il souhaite interpeller les élus.

« Sommes-nous obligés de partir du “ras des pâquerettes” pour poser les problématiques culturelles ? » demande-t-il.

Une affiche qui peut « même être contre-productive, tant elle sous-entend des lieux communs éculés… » ajoute Emmanuel Ballangé qui s’interroge sur une demande pour retirer cette affiche « inutile et vexante pour toute une profession déjà bien en difficulté ».

L’affiche, avec une croix ajoutée qui transforme la question en affirmation Photo : WS/Rue89 Bordeaux

« Un poignard dans le dos »

Pour Anne-Laure Boyer, artiste plasticienne à Bordeaux, la réponse est sans équivoque : « Nous demandons le retrait immédiat de cette affiche. »

« C’est pire qu’une insulte : un poignard dans le dos ! J’en appelle aux élus, techniciens, et autres gens zélés qui pensaient peut-être faire de la pédagogie et du buzz, sur notre dos. […] Non seulement le procédé est déloyal, mais en plus ça frise le populisme, et c’est pas comme ça qu’on construit une politique publique. »

« Nous ne pouvons pas laisser passer ça » surenchérit Anne-Laure Boyer qui fustige des politiques publiques qui « jettent les artistes en pâture » et évoque une pétition pour le retrait de l’affiche.

A noter que cette communication fait partie d’une série avec d’autres messages : « La cuisine, c’est de la culture ? », ou encore « La culture, ça coûte trop cher ? »

« Battre en brèche les poncifs »

Claire Bouchareissas, directrice de la communication à la mairie de Bordeaux, regrette une polémique qui « décrédibilise le forum voulu comme un formidable outil de participation » :

« Nous avions deux objectifs à travers cette campagne de com : interpeller les Bordelais et les inciter à participer. Sur le premier point, force est de constater que c’est réussi, mais malheureusement pas dans le bon sens ! Il faut comprendre qu’on parle à tout le monde, et pas seulement aux artistes. »

Ainsi les messages, poursuit la directrice, « sont issus des débats qui ont été menés dans la ville avec les porteurs de paroles » :

« Nous avons repris les lieux communs sur la culture pour, en les affichants, battre en brèche les poncifs. L’intention était de poursuivre ces dialogues entamés et surement pas de blesser un milieu fragilisé par la crise. On regrette le résultat évidemment. »

Claire Bouchareissas espère cependant retrouver les artistes « en mai et juin pour débattre sur ces questions » et annonce que les affiches seront retirées comme prévu à la fin de la campagne (ce mercredi). En attendant, les esprits continuent à s’échauffer malgré un détournement amusé, au demeurant dénonciateur.


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