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Confiné ou en congé, une sélection de trois livres à lire et à regarder

Des morts enterrés dans la solitude et l’écart imposé ou revendiqué, des gestes et savoir-faire des petites mains qui font la grandeur du vin, des villes métropoles mortes d’une expansion à outrance… Cette sélection de trois livres propose des hommages et des réflexions, avec textes et photos.

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Confiné ou en congé, une sélection de trois livres à lire et à regarder

Oublier la crise sanitaire, le confinement, les restrictions de déplacement, la mauvaise météo, la pression familiale et ses organisations chamboulées… oui c’est possible. Comment ? En ouvrant un livre, voire des livres. Rue89 Bordeaux vous propose une sélection de trois livres à regarder et à lire, d’auteurs régionaux en lien affectif avec leurs sujets.

Spiritualité, savoir-faire, urbanisme : des sujets où texte et photographie offrent deux lectures parallèles à la fois subtiles et complémentaires.

Paysages avec tombes

« Une tombe, de pierre grise, entourée
d’une haie de buis
ou de lauriers, peut-être.
Posée là, loin de toute habitation.
Un peu en surplomb de la route. »

« Surprise », ou « curieuse rencontre », c’est en tout cas le point de départ de ce travail photographique de Victor Cornec, ces tombes isolées, d’origine protestante pour la plupart, qui parsèment les vignes et les champs de Gironde et de Dordogne. Il ne s’agit pas d’un recensement exhaustive préviennent les auteurs, « mais d’ouvrir un espace de contemplation et de méditation en une époque qui en manque cruellement ».

Tout le long de cette promenade photographique dans l’Entre-deux-Mers, territoire cerné par la Garonne et la Dordogne, le travail de Victor Cornec fait ressurgir des tombes que le paysage a parfois englouties. Reposent là des corps que la religion catholique ne voulait pas voir dans son jardin – « Le cimetière leur est interdit ». Sur ces images, le repos éternel est saisissant, et la nouvelle vie promise par une tradition protestante qui se refuse de sacraliser le corps est saisissable.

« Inconcevable que des hérétiques
puissent être enterrés dans la terre bénie,
la terre sainte,
réservée aux seuls catholiques romains.
On les enterre de nuit,
à la sauvette,
comme les prostituées,
les fous,
les comédiens –
ô Molière ! »

Ne vous fiez pas à la forme écrite, et ne cherchez pas le livre dans le rayon poésie. L’auteur a voulu un rythme et banni les blocs-textes. Le texte de Patrick Rödel se veut léger et compagnon de déambulation discret, pour accompagner le regard du photographe.

Ses légendes en drapeau proposent de nombreuses références historiques et invite « à réfléchir sur ce qui se joue dans le choix d’une dernière demeure ».

Paysages avec Tombes, textes : Patrick Rödel, photos : Victor Cornec
Site de l’éditeur

Les petites mains de l’ombre

Marie-Lys Bibeyrans n’a pas mis le nez dans ce sujet par hasard. Née à Bordeaux dans une famille de vignerons, elle travaille comme salariée agricole dans le Médoc après des études de droit. Elle est devenue lanceuse d’alerte sur les dangers des pesticides suite au décès, d’un cancer, de son frère vigneron à qui elle dédie notamment le livre.

C’est donc tout naturellement qu’elle s’est penchée sur les mains des hommes et des femmes qui travaillent les vignobles du Médoc, qui « y vouent un attachement viscéral » et qui portent « toute la dignité des vins du Médoc ».

De la taille aux vendanges, le livre donne à voir tous les gestes du métier de la vigne. Les nombreuses photographies en noir et blanc sont accompagnées de textes explicatifs et didactiques. Ces gestes, Marie-Lys Bibeyran les connaît pour les pratiquer au quotidien. Elle confie :

« Je suis saisonnière dans les vignes Bio du Médoc. Il y a des gestes que j’ai accomplis mais pas tous. Je pratique l’ébourgeonnage, ou l’espourgage en dialecte viticole médocain, mais pas la taille. Je suis plutôt cantonnée aux travaux laissés aux saisonniers tels que l’acanage, le pliage, l’épamprage,  le relevage et autres tâches estivales. Et bien sûr les vendanges. »

Au-delà des nombreuses informations techniques, on accompagne le quotidien d’ouvrières et d’ouvriers répétant inlassablement des tâches millénaires. Chantal, Sylvie, Miguel, Giulia, Ghislaine… on voit défiler des vies dévouées à cette filière au-delà des frontières (certains travailleurs saisonniers venant d’Italie ou du Portugal…) et des âges (de 17 à 69 ans).

Soutenu par une campagne de financement participatif, « Les petites mains de l’ombre » est disponible dans certaines librairies et il est possible de le commander directement à l’auteure : marie-lys.bibeyran@orange.fr

Les petites mains de l’ombre, textes et photos : Marie-Lys Bibeyrans
Site de l’éditeur

La ville est morte, vive les villes !

Le dernier livre de Michel Pétuaud-Létang, architecte bordelais bien connu, commence par un constat lucide et cruel. Les villes contemporaines risquent de mourir de thrombose. La surpopulation, la pollution, la crise climatique déjà à l’œuvre, la gentrification des quartiers due à l’augmentation des prix de l’immobilier, l’expulsion hors zone urbaine des travailleurs qui viennent pourtant y travailler, la désertification agricole des territoires suburbains sont autant de signes d’une situation mortifère. La vie y est devenue impossible et génère toute sorte de pathologies et de violences.

Il y a donc urgence à repenser la ville et son rapport à ce qui l’entoure, et à sortir des schémas dans lesquels nous sommes enfermés.

C’est la tâche à quoi Michel Pétuaud-Létang s’attelle. Sa solution porte le joli nom d’AMIE (pour Aire Métropolitaine Intégrale Elargie), c’est à ses yeux la seule manière de retisser des liens entre la métropole et son territoire. Cette nouvelle organisation territoriale a pour préalable une réorganisation du mille-feuilles institutionnel qui paralyse, en France, toute innovation.

« La gouvernance de l’AMIE sera démocratique et participative. A la présidence et à son équipe sera associé un comité technique et éthique. »

Utopie ? Celle-ci est nécessaire pour faire bouger les lignes. Il conviendra, sur le plan de l’urbanisme, d’apporter des changements radicaux à l’organisation actuelle des villes : retour des hyper-marchés dans le centre ville, suppression de la voiture, transports en commun par petits véhicules électriques, développement de l’agro-écologie autour de la ville et développement des espaces verts dans la ville même (y a un maire qui va être content !), amélioration de l’habitat tant dans sa conception que dans ses matériaux (on se souvient que Pétuaud-Létang avait, avec sa maison Boulon à faire soi-même, en bois et autonome du point de vue énergétique, quelques décennies d’avance – c’était en 1968! – dommage qu’il n’y en ait pas eu davantage de réalisées).

Ce livre, documenté par des photos, croquis et aquarelles, prend tout naturellement pour laboratoire la ville que Michel Pétuaud-Létang connait le mieux : Bordeaux.

La ville est morte, vive les villes ! Ou comment éviter de disparaître en 2050, textes, photos et croquis : Michel Pétuaud-Létang, aquarelles : Catherine Theveneau-Delvallé
Site de l’éditeur


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