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Une marche blanche contre la violence entre jeunes des quartiers de Bordeaux

Après l’agression d’un collégien jeudi dernier au collège Edouard-Vaillant, 150 à 200 personnes ont manifesté des Aubiers à la préfecture pour réclamer « paix et éducation » dans les quartiers de Bordeaux. Les parents et la mairie demandent une présence policière plus marquée devant l’établissement.

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« Parents pour nos enfants, non à la violence », scandent les manifestants en traversant le centre de Bordeaux. Ils sont environ 150 à marcher depuis les Aubiers, après être passés devant le collège Edouard-Vaillant. C’est là qu’il y a une semaine exactement Osé, 14 ans, a reçu un coup de couteau, simplement parce qu’il vit aux Aubiers.

Dernier épisode de la rivalité entre ce quartier et la cité Chantecrit, cet acte inédit devant un établissement scolaire avait entraîné le retrait de la totalité du personnel vendredi dernier, et l’appel à une marche blanche ce jeudi 8 avril. De nombreux enseignants et personnels de l’éducation nationale, des dizaines de parents et quelques collégiens, surtout des filles, ont répondu présent.

« Se faire poignarder devant son école, c’est pas normal, lâche San, une maman de 34 ans. On a peur pour nos enfants, mais cela aurait pu arriver à n’importe qui, un prof ou un parent. Il faut dire stop. On a aussi notre part de responsabilité en tant que parents, on doit communiquer avec nos enfant, mettre des interdits. »

Police partout

San, comme d’autres parents avec lesquels nous avons échangé, réclament davantage de mesures de sécurité.

« Cela fait trois ans qu’on vit la peur au ventre et qu’on a pas envie d’envoyer nos enfants à l’école, témoigne Ramatoulaye, représentante des parents d’élève d’Edouard-Vaillant. Après la mort de Lionel (ancien élève de cet établissement, abattu le 2 janvier dernier aux Aubiers, NDLR), on avait demandé la présence de policiers devant le collège. En vain, et les violences continuent, on va donc redemander cela à la préfecture ».

Cette habitante des Aubiers a en effet été reçue ce jeudi par la directrice de cabinet de la préfète, avec un parent d’élève vivant à Chantecrit, le directeur du centre social Bordeaux Nord, et un représentant des enseignants du collège, Aurélien Grelaud (SNES).

La marche blanche s’est arrêtée un instant devant le collège Edouard-Vaillant Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Selon ce dernier, joint à l’issue de la réunion, leurs interlocuteurs leur ont parlé de démantèlement des trafics et de vidéosurveillance. « Cela semblait une solution importante pour eux », souligne ce professeur d’histoire-géo, « alors que nous n’avions jamais abordé ce sujet, mais plutôt celui de la crainte de voir partir les services publics des quartiers, notamment la Poste des Aubiers ».

La préfecture leur aurait indiqué que s’il n’était pas possible de « mettre un policier devant chaque établissement scolaire », elle regarderait de près la situation d’Edouard-Vaillant avec les services concernés. La Ville pousse en tous cas en ce sens, comme l’indique Vincent Maurin, maire adjoint du quartier Bordeaux Maritime, présent à la Marche blanche :

« Ce n’est pas normal qu’après des évènements aussi graves que ceux de janvier il n’y ait pas eu une présence policière plus soutenue à la sortie des établissements scolaires sachant que couvaient encore cette colère, cet esprit de revanche, ces défiances entre quartiers, entre jeunes. C’est ce que demandent la population. Ce n’est pas normal que les parents déscolarisent leurs enfants parce que l’enfant a peur d’aller à l’école. »

Cycle infernal

Selon l’adjoint, le maire de Bordeaux a écrit à la préfecture pour que se tienne une table ronde, voulue par les acteurs associatifs des quartiers, pour établir « un plan d’action permettant d’enrayer ce cycle infernal de violence ».

Les professeurs du collège et les familles s’inquiètent en effet d’une violence « jusqu’alors contenue aux portes du collège, mais qui commence à y pénétrer », recensant 47 actes de violence depuis début 2018 devant l’établissement.

« On savait que ça allait arriver, à cause des tensions montant graduellement, jusqu’au décès de Lionel, rapporte Mathilde, qui travaille à la vie scolaire du collège. Ce qui s’est passé jeudi dernier devant le collège, c’était presque inévitable. »

Emmanuel Fradet, professeur d’EPS, vient parfois prêter renfort aux surveillants à la sortie des classes et s’inquiète du pourrissement de la situation.

« Je suis ici depuis 6 ans et j’étais avant à Stains, en Seine Saint-Denis, et c’était moins grave qu’ici, car il n’y avait qu’une cité représentée dans le collège. Par exemple, les élèves des options foot ou basket ne se sentent plus en sécurité lorsqu’il faut aller sur des sites extérieurs comme le stade Charles Martin ou l’un des gymnases du Grand Parc. Une bonne moitié des 70 enfants en foot ont des mots d’absence ou ne viennent plus car leurs parents ne peuvent plus venir les chercher après le cours, et ne veulent pas les laisser rentrer seuls. »

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Départ de la marche blanche aux Aubiers Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Guéguerre entre quartiers

Les enseignants demandent notamment des moyens humains supplémentaires. Alors que le collège dispose d’1,5 poste de CPE (conseillers principaux d’éducation), une des deux personnes étant partagée entre deux établissements, ils souhaiteraient disposer d’un deuxième plein temps. Les enseignants redoutent en outre que le collège classé en REP sortent de cette catégorie au lieu de passer comme ils le réclament en REP+.

« Cela voudrait dire plus d’élèves par classe et donc moins d’adultes pour encadrer tout le monde », résume Emmanuel Fradet.

Les professeurs ont demandé une audience au rectorat, et attendent toujours d’être reçu. Mais ils soulignent aussi les côtés positifs portés par l’équipe éducative et qui permettent d’améliorer l’image du collège, à l’instar de la multiplication des options (japonais, portugais bilangue…). Au delà, ils souhaitaient avec cette marche lutter contre certains clichés.

« Même s’il y a une guéguerre entre quelques uns, on a 550 enfants au collège qui sont très loin de ces questions de délinquance et se retrouvent pris en otage, assignés à leur quartier, explique Aurélien Grelaud. Beaucoup sont des exemples de volonté et d’intégration, comme Osé, qui est super et travaille pour s’en sortir. Ce qui m’inquiète avant tout c’est la ségrégation sociale qui fait qu’on concentre les enfant en situation difficile dans certains établissements ».

Vincent Maurin assure que la mairie travaille sur la mixité dans les quartiers, en créant des PLAI (programmes locatifs d’aide à l’intégration pour très faibles revenus) dans d’autres quartiers que les sites non politique de la ville et laissant la possibilité pour quartiers 100% PLAI comme les Aubiers d’accueillir d’autres classes sociales.

« Il faut travailler aussi à déconstruire le fait que l’on ne peut exister dans un quartier qu’à travers la possibilité de se mesurer au quartier d’à côté il faut retravailler des projets qui peuvent avoir du sens du point de vue éducatif et d’insertion par par exemple des séjours construits sur une thématique sportive ou culturelle en étant mélangé inter-quartiers à la mer ou à la montagne, et que les jeunes des quartiers se mélangent à ceux du centre-ville. »

Une idée que portent aussi les enseignants d’Edouard-Vaillant, mais que la crise sanitaire n’aide pas à se concrétiser.


#violences inter-quartiers

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