Fort de ses 28,74% au premier tour, et surtout d’une concurrence atomisée à droite, Alain Rousset avait prévenu ce dimanche soir qu’il ne serait « otage de personne ». Alors que des négociations étaient en cours avec Nicolas Thierry (12,1%), le président sortant a annoncé ce lundi dans un communiqué qu’ »aucun accord n’a pu être signé » avec la liste écologiste.
» Je ne conçois pas la politique régionale comme une simple question de partage de postes, estime le président socialiste. C’est une relation politique, pas une question comptable. (…) Il n’y avait manifestement aucune volonté d’accord tant les exigences et le ton employé étaient incompatibles avec une possibilité de négociation. »
Joint par Rue89 Bordeaux, le staff du PS met entièrement sur le dos des écolos l’échec des négociations, conduites par des « boute-feu » présentant des « exigences extravagantes en termes d’élus ». EELV aurait ainsi demandé d’avoir le tiers des conseillers régionaux de la majorité, soit une trentaine d’élus, deux fois plus que les 16 actuels (pour un score deux fois plus important qu’en 2015 côté Verts). La liste PS-PC-PRG n’était disposée à leur en accorder que 22. L’équipe Rousset souligne en outre qu’ »aucune discussion n’a eu lieu sur le fond ».
« Pas des marchands de tapis »
La liste de Nicolas Thierry dément totalement ces affirmations, livrant une version contraire des évènements. « Nous ne sommes pas des marchands de tapis », assure la direction de campagne écolo dans un communiqué publié ce lundi. Elle évoque des discussions engagées dimanche soir « dans un climat de défiance et de fermeture totale » :
« Avec obstination les amis d’Alain Rousset ont refusé de prendre le moindre engagement ferme en faveur de la transition écologique, s’en tenant à de très vagues déclarations d’intention. Ils ont refusé de discuter de la sortie des pesticides, de la LGV ou encore des bassines, préférant nous balader sur des propositions de postes aussi floues qu’insultantes. »
Pour l’équipe verte, « la réalité, c’est qu’ils veulent gouverner seuls, pour pouvoir continuer à tourner le dos à l’écologie ».
« Leur attitude est une forme de violence symbolique : ils nous demandent de céder sur nos convictions et nos valeurs pour nous faire payer le crime de lèse-majesté d’avoir osé défendre une politique autrement ambitieuse que la leur ».
« Face à la fermeture et la brutalité d’Alain Rousset, nous défendrons les couleurs de l’écologie au second tour », conclut l’équipe Thierry. Celle-ci avait aussi entamé des discussions avec Clémence Guetté et la liste On est là ! (France insoumise/NPA), interrompues car cette dernière ne souhaitait pas s’associer à la majorité d’Alain Rousset. L’hypothèse d’une alliance EELV-extrême gauche n’est aujourd’hui plus d’actualité.
Un Vert, ça va…
La position de la liste PS-PCF néo-aquitaine n’est pas sans rappeler celle de son homologue bretonne, qui a décliné la main tendue par EELV, ou de Carole Delga, qui préfère là aussi se passer d’encombrants alliés également hostile à la LGV.
Il faut sans doute y lire un nouvel épisode dans la course au leadership à gauche à une an an de la présidentielle. Mais peut-être aussi aussi deux visions du monde radicalement différente entre les écologistes d’un côté, et de l’autre une certaine gauche productiviste s’accommodant davantage des intérêts en place, malgré les algues vertes en Bretagne ou l’utilisation des pesticides en viticulture dans le Sud Ouest.
« La feuille de route Néo Terra de transition environnementale, écologique et énergétique sera poursuivie, approfondie, accompagnée par les 450 scientifiques qui ont réalisé un travail énorme, unique en France et en Europe, veut toutefois rassurer Alain Rousset dans son communiqué. L’écologie gagnera par la confiance et l’accompagnement. »
Après avoir ouvert sa liste en 2015 aux écologistes, et bâti Néo Terra avec Nicolas Thierry, son vice-président à l’environnement, Alain Rousset estime donc ne plus avoir besoin des Verts. Électoralement, le président sortant parie sur la faiblesse et la division de ses adversaires – quand en 2015 il devait affronter Virginie Calmels et le RN, qui le talonnaient au premier tour avec respectivement 27% et 23%, son staff considère que ni Edwige Diaz, ni Geneviève Darrieussecq, ni Nicolas Florian, qui ont fait entre 12 et 19% des voix, ne sont en mesure de rattraper seuls leur retard.
Le jeu des cinq familles
L’ancien maire de Bordeaux a en effet annoncé ce lundi lors d’une conférence de presse qu’il renonçait à s’allier avec Eddie Puyjalon (Mouvement de la ruralité), d’un commun accord et « par souci de clarté » envers leurs électeurs. Au Monde, le leader du Mouvement de la ruralité, soutenu par Jean Lassalle, avance un autre son de cloche :
« Le but du jeu pour moi était qu’il y ait un groupe autonome à la région. J’ai demandé six places, ce qui était largement acceptable. Mais Nicolas Florian m’a proposé deux places, pour moi et Julien Lassalle [frère du député béarnais, NDLR]. J’ai dit non. Je ne vais pas appeler à voter pour lui au second tour, je vais laisser les électeurs décider de leur choix »
Nicolas Florian a par ailleurs renouvelé son refus de toute alliance avec la candidate LREM-MoDem.
« Les deux premières personnes de sa liste en Gironde sont deux anciens PS qui ont voté tous les budgets et toutes les délibération d’Alain Rousset, rappelle-t-il [NDLR : en fait, il ne s’agit que de Florent Boudié, député LREM, la seconde, Véronique Hammerer n’étant ni conseillère régionale sortante ni ex PS]. Nous avons voté contre, c’est aussi ça la cohérence. »
« Lucide », Nicolas Florian sait qu’il est trop loin de Rousset, mais a voulu « s’épargner une nouvelle tambouille politicienne » (à l’image de celle qui a précipité sa défaite à Bordeaux…) :
« On nous présentait comme les supplétifs dans le face à face annoncé entre Alain Rousset et Geneviève Darrieussecq alors que nous sommes dans un mouchoir de poche avec cette dernière. On a eu à subir la recomposition politique du président de la République, et on a y a apporté un coup d’arrêt. On va pouvoir reconstruire notre famille républicaine de centre droit. »
Dès dimanche, les électeurs pourront jouer aux cinq familles, une configuration inédite pour un second tour dans la Région.
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