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Sylvie Violan du Carré-Colonnes : « Après la crise, on a besoin de plus de convivialité et de partage »

Les saisons culturelles repartent comme si de rien n’était, après une crise qui a marqué les esprits et pesé lourd sur le secteur culturel. Durant toute cette semaine, une rubrique quotidienne « Un jour / Une saison » présente un programme culturel à venir, et interroge leurs directrices et directeurs sur cette relance. Ce lundi, trois questions à Sylvie Violan, directrice de la scène nationale Carré-Colonnes.

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Sylvie Violan du Carré-Colonnes : « Après la crise, on a besoin de plus de convivialité et de partage »

Quelles ont été les difficultés pour relancer une nouvelle saison après la crise sanitaire ?

On ne va pas parler de difficulté au moment où on repart enfin. C’est l’heure de retrouver avec bonheur les spectacles et les artistes, et le public de tous les horizons. Nous ne nous sommes en réalité jamais vraiment arrêtés de travailler. Nous avons mis en place des balades et un jardin en fin de saison dernière. Nous avons cultivé notre potager et proposé récemment de partager une soupe avec les légumes du jardin. Il me semble qu’on a surtout besoin de plus de convivialité et de partage. Ce que je souhaite impulser après cette crise, c’est plus d’hospitalité et de générosité.

Dans l’esprit partage, nous avons baissé les tarifs de nos spectacles et prévu un système pour avoir des tarifs plus flexibles. Au lieu des abonnements, nous proposons des carnets avec des réductions pour assister à plusieurs événements et spectacles. Ils ne sont pas nominatifs, on peut donc les partager et les utiliser soit avec la famille, soit avec des amis. C’est un vecteur pour ceux qui fréquentent nos lieux d’inviter d’autres personnes et partager des moments. Sans compter aussi qu’il y a plus de spectacles gratuits dans l’espace public [en plus de la soirée d’ouverture, « La coulée douce », « Panique olympique/Quatrième », NDLR].

Nous avons tiré une leçon de cette crise, celle de ne plus reproduire systématiquement les mêmes schémas, de réfléchir sur ce dont nous avons besoin : être ensemble dans quelque chose de doux, individualiser les rapports, ne pas être dans des grosses masses. La façon dont on envisage cette rentrée et cette nouvelle saison est la conséquence de ce qu’on a vécu, et de ces temps difficiles.

Quelles sont les précautions prises en cas d’une nouvelle crise ?

Cette période difficile que nous avons traversée nous a appris qu’on doit toujours être prêt à réagir avec beaucoup plus de spontanéité qu’avant. Aujourd’hui, on est prêt à tout moment à faire face à un contexte difficile.

Un autre enseignement à tirer de cette période, c’est à quel point la complicité et le dialogue avec nos artistes sont nécessaires. Ils permettent à tout moment d’inventer des solutions, des créations in situ, des créations contextuelles, ou du moins adaptées à la situation. Si on peut faire ça aujourd’hui, c’est parce qu’on a travaillé main dans la main depuis longtemps avec les artistes. C’est une façon de réaffirmer la place des artistes dans les lieux qui les accueillent et leur implication pour créer les projets d’une saison.

Y a-t-il du « monde d’après » dans cette saison 2021-2022 ?

J’aime beaucoup cette question. Alors oui, je dis oui tout de suite. D’abord, nous avons dorénavant un jardin potager. Ce jardin a permis l’arrivée d’un « public d’après ». Ce sont nos 1200 semeurs qui ont participé au projet inclusif de ce jardin et ils reçoivent toujours notre « newslaitue ». Ils font partie de notre « monde d’après », nous avons créé des liens avec eux et ils ont contribué à des projets artistiques.

Pour notre jardin, nous avons recruté une maraîchère qui fait partie de notre équipe. Nous avons transformé nos spectacles jeune public en journées jeune public pour que les enfants soient accueillis sur une journée complète pour un atelier, une exposition, un film…

Nous avons aussi dans notre programmation des artistes qui parlent du vivant, comme Philippe Quesne et sa « Farm Fatale », ou Frédéric Ferrer et « Le problème lapin ». On peut citer aussi « Où atterrir ? » de Bruno Latour, sociologue et philosophe, une expérimentation nationale qui a déjà débuté et qui donne un prochain rendez-vous en juin 2022. Bruno Latour pose la question : qu’est-ce qu’on est prêt à abandonner et qu’est-ce qu’on veut absolument garder ? C’est une expérience originale qui prend la forme de quête personnelle.

Ce qu’on peut dire enfin de cette nouvelle saison, c’est qu’il y a beaucoup plus de projets inclusifs. Les artistes développent des esthétiques relationnelles et sortent du plateau. Pour moi, cette crise, elle n’a pas forcément changé des choses, mais elle a permis de les accélérer d’une manière importante, en particulier les processus en lien avec la transition écologique et sociétale. Les artistes s’inscrivent naturellement au cœur de ces projets.

« Symphonie pour klaxons et essuie-glaces » lancera la saison 2021-2022 Photo : Anne Lacaud et de une


#un jour/une saison

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