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Au CHU de Bordeaux, les urgences en crise accueillent les patients sous la tente

La saturation des urgences en Gironde et le manque de lits et de soignants ont poussé le CHU de Bordeaux à installer à Pellegrin un poste médical avancé et faire appel à des secouristes de la Protection civile. Pour justifier ce dispositif de médecine de catastrophe, la direction invoque une pression liée à l’épidémie de Covid. Le Collectif des urgences de Bordeaux met lui en cause les problèmes structurels.

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Au CHU de Bordeaux, les urgences en crise accueillent les patients sous la tente

Pour la première fois depuis la première vague de Covid-19, un poste médical d’urgence contenant plusieurs lits a été installé sur le parking des urgences adultes du CHU à Pellegrin mardi soir. Ce dispositif, habituellement réservé aux situations de catastrophes et de guerres, est « destiné à accueillir les patients se présentant aux urgences et à les orienter, avec présence permanente d’un admissionniste et de deux secouristes » de la Protection civile, indique la direction de l’hôpital dans un communiqué.

« Alors que le CHU de Bordeaux prend en charge un nombre inégalé de patients atteints de Covid-19, un afflux massif de patients aux urgences adultes dans la journée du mardi 1er février a créé une situation inédite de fréquentation. Cette hausse soudaine s’explique notamment par la saturation de tous les services d’urgences du territoire, qui a entraîné une réorientation de patients vers les urgences du CHU. »

« Hémorragie de personnel »

La direction évoque un dispositif mis en place pour au moins 48h pour faire face à des hospitalisations liées à l’épidémie [lire l’encadré]. Pour Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste et délégué Sud du personnel du CHU, « le Covid vient certainement aggraver la situation » :

« La direction s’attend à un augmentation des hospitalisations au moment où tous les services d’urgence sont saturés. Que la protection civile vienne travailler montre bien qu’on est dans une situation très dégradée. Notre système s’engorge est vite débordé tous les jours. Et nous avons une hémorragie de personnel, avec des médecins qui démissionnent ou vont le faire. Quand les effectifs sont insuffisants, si un ou deux collègues manquent, tout est mis à mal. »

Aude, médecin membre du collectif des urgences de Bordeaux, fort de 200 soignants, estime qu’il ne s’agit pas là d’une « crise passagère liée au Covid » :

« Sur les 45 patients en attente, il y avait très peu de cas de Covid cette nuit, et ce n’est en tous cas pas ça qui bloque et fait que le système s’effondre. La situation d’hier soir était catastrophique, mais pas plus que plein d’autres nuits précédentes. La direction la rend juste ainsi visible, et fait ce qu’on aurait du faire depuis des mois : du pré tri en amont des admissions aux urgences, pour prendre correctement en charge les patients en situation critique, et se donner les moyens de sauver des vies. »

200 patients par jour aux urgences de Pellegrin

Rappelant que les personnels hospitaliers s’étaient mobilisés dès 2019 pour dénoncer la dégradation de ce service public, la jeune urgentiste évoque des passages par les urgences toujours plus nombreux – jusqu’à 200 par jour à Pellegrin -, pour des moyens humains et matériels identiques, voire en baisse :

« Nous n’avons que deux médecins et deux infirmiers pour prendre en charge jusqu’à 50 patients lors des pics d’affluence. Nous avons 8 box pour les recevoir, et, hier, zéro lit pour les hospitalisées, alors que la moitié de ceux qui viennent aux urgences auraient besoin de l’être. 600 lits sont actuellement fermés faute de personnels malades du Covid, en burn out ou qui ont démissionné. Résultat, on entasse des personnes qui ont fait des décompensations cardiaques ou des AVC, dans les couloirs où elles attendent jusqu’à trois jours, le temps qu’on leur trouve une place quelque part. »

Selon Aude, cela va jusqu’à entraîner des décès, et « des complications pour 20 à 30% des patients » – ce que la direction du CHU, jointe par Rue89 Bordeaux, n’a pas confirmé.

Plusieurs lits installés sous la tente sur le parking des urgences du CHU de Bordeaux (DR) 

« Pas possible d’être complice »

« Des patients jeunes repartent avec des séquelles à vie, parce qu’ils sont passés aux urgence à un moment où c’était blindé, précise la médecin. Cela arrive tous les jours, et ce n’est pas possible d’être complice de ça. Il y a 5 ans quand j’ai commencé, on n’avait pas des morts dans le couloir et on ne disait pas à des gens de 30 ans qu’ils ne marcheraient plus car ils ont attendu 14h. C’est ce dont on a peur tous les jours et qui pousse des collègues à la démission, voire au suicide. »

Pour la représentante du collectif des urgences, la direction a répondu négativement aux demandes de renfort, promettant seulement un poste d’assistant médical supplémentaire, plus une aide au placement d’ici quelques mois.

« C’est bien d’avoir un assistant supplémentaire car certains jours on passe 5 heures au téléphone pour trouver un lit de libre. Mais on réclamait un binôme de plus de en réanimation qui n’a pas été accordé au motif que le CHU ne veut pas acter un dysfonctionnement, et qu’on en aura plus besoin un jour. Nous on pense au contraire que la situation ne va faire que s’empirer. Des travaux vont commencer cet été et pendant un an on ne pourra accueillir que 120 patients par jour. »

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