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William Theviot, pianiste et autiste : « Les artistes handicapés sont sous-représentés »

Le Bordelais William Theviot est pianiste professionnel, diagnostiqué autiste de haut niveau. Ce jeudi 17 novembre, il rencontre la ministre de la Culture, Rima Adbul-Malak, pour évoquer la place des travailleurs atteints de handicaps dans le milieu artistique.

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William Theviot, pianiste et autiste : « Les artistes handicapés sont sous-représentés »

La scène se déroule rue Vital-Carles, le 9 juin dernier. Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, en visite à Bordeaux à l’aune des législatives, s’apprête à se rendre à la librairie Mollat. Elle est alors interpellée par William Theviot, 29 ans, pianiste professionnel, diagnostiqué à l’âge de 20 ans autiste de haut niveau (anciennement nommé syndrome d’Asperger).

Six mois plus tard, le pianiste bordelais est invité par Rima Abdul-Malak au ministère de la Culture. Après une entrevue avec la ministre pour évoquer la situation des personnes atteintes de troubles autistiques dans le milieu de la culture, William Theviot livrera un concert dans le salon des Maréchaux à l’École militaire.

« Handicap invisible »

William Theviot apprend le piano à l’âge de 7 ans, intègre le conservatoire à 12 ans. Une rencontre salvatrice, une « planche de salut » pour celui qui se définit « en décalage » et qui vit, encore aujourd’hui, avec le « syndrome de l’imposteur » :

« Je ne viens pas d’une famille de pianistes. Ma mère, d’origine kabyle, a toujours été mélomane, elle nous a poussés à en faire. Mes soeurs font aussi du piano et du chant lyrique. La scolarité a été difficile, les professeurs ne savaient pas toujours comment faire avec moi. Le piano est pour moi comme une prothèse. »

Le pianiste définit l’autisme de haut niveau comme une « façon de considérer l’environnement avec une hyperémotivité et une hypersensibilité » :

« Tous les éléments de l’environnement vous arrivent dessus, comme un camion qui fonce. Cette force peut être génératrice d’une créativité et d’une analyse fine, tout comme elle peut être invalidante. »

William Theviot à Bordeaux Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Régulièrement, dans les rues de la ville, William Theviot va à la rencontre des bordelais pour évoquer l’autisme et déconstruire les idées reçues sur le trouble. Des rencontres filmées, qu’il poste ensuite sur sa chaîne Youtube. Plus récemment, en octobre dernier, il est intervenu à Cracovie, au 13e Congrès international d’Autisme-Europe. Dans un discours, en anglais, il a rappelé les difficultés de ce « handicap invisible » :

« Seulement 2% des personnes atteintes d’autisme ont un métier. On en parle peu, mais il y a aussi des suicides. On peut être lassé des discriminations, de ne pas rentrer dans les codes. La moyenne de vie des personnes autistes est de 54 ans. »

Résilience

William Theviot se dit inspiré par des compositeurs qui ont eux-mêmes été dans des « situations de vulnérabilité » à l’instar de Rachmaninov ou de Schumann, mais aussi Bruckner, Satie, Bartok et Glenn Gould, eux-mêmes autistes de haut niveau :

« Ces musiciens ont transcendé leur mal-être et fait résilience avec leur travail musical. Il y a un effet boule de neige vertueux, ce sont des exemples. »

Lors de sa rencontre avec la ministre, William Theviot espère mettre sur la table la question des travailleurs handicapés dans le monde de la culture, encore trop « fermé à ces profils » :

« Les travailleurs handicapés sont souvent confinés aux métiers manuels. Ils sont sous-représentés dans les métiers de la culture. Par exemple, il n’y a pas vraiment d’agents artistiques pour eux. Il pourrait aussi y avoir des aides à la création à destination des personnes atteintes de handicap et des quotas dans les commandes. »

Le pianiste a également le projet de réaliser un documentaire sur les artistes autistes, inlassablement dans la perspective de « dépasser la fatalité et le rejet ».


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