Tristan Liehr, premier violon soliste au sein de l’Orchestre national de Bordeaux Aquitaine (ONBA), aurait aimé se joindre au mouvement de grève. Mais jeudi 19 janvier, jour de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, marquait aussi la répétition générale du Requiem de Mozart.
Sollicitation du corps
Tristan Liehr travaille depuis 2015 au sein de l’orchestre national de Bordeaux, après être passé par celui de Lyon. « On ne rentre pas très jeune dans un orchestre », précise le musicien âgé aujourd’hui de 33 ans, qui décrit une voie d’accès exigeante par des concours. Avec l’augmentation des annuités, contractuel de la fonction publique, il devrait partir à la retraite à 67 ans.
Chef de pupitre, il gagne 2 800 euros nets par mois. La grille salariale des musiciens d’orchestres permanents évolue en fonction du poste occupé et de l’ancienneté.
Le violoniste est soumis à un rythme particulier, largement occupé par du travail personnel. Les répétitions sont entrecoupées par les représentations le soir. Le musicien soulève l’aspect physique du métier, qui peut se traduire par des douleurs musculaires. « À partir d’un certain âge, il peut être difficile de garder un bon niveau instrumental », détaille t-il :
« C’est bien sûr différent des personnes qui portent des charges lourdes, mais nous faisons un métier où le corps est beaucoup sollicité. Avec l’âge et la perte des souplesse, il est courant d’avoir des tendinites. J’ai moi-même déjà eu des problèmes de dos. »
« Problème de société »
Tristan Liehr se projette dans la retraite de manière « peu rassurante » :
« J’imagine la retraite comme un petit moment de repos, où l’on puisse profiter après toute une vie de travail. Mais tant que des réformes passeront, l’âge de départ ne cessera de reculer. J’ai l’impression que le but est de mettre l’âge de la retraite le plus proche possible de l’âge de la mort. Plus on part tard, moins nous avons de chances de pouvoir voir grandir nos petits-enfants et être en bonne santé. »
« Dans la musique, ça veut dire qu’on va avoir des personnes de plus en plus âgées au sein des orchestres », abonde le violoniste. Ce qui n’est, professionnellement et socialement, « pas une bonne chose » selon ce dernier :
« Il y a aussi un problème de société : on considère que les retraités ne sont pas utiles d’un point de vue économique, alors que c’est complètement faux. Dans notre secteur, ce sont les retraités qui font vivre l’opéra. Le fond de notre public, ce sont les abonnés. Quand on est actif, et qu’on a des enfants, ça peut être compliqué de se libérer le soir pour aller assister à une représentation. »
Les reconversions pour les musiciens se révèlent, elles, difficiles. L’une des seules reconversions envisageable dans le domaine est l’enseignement. Là encore, il faut être « prêt à repasser des concours » et voir son salaire diviser par deux pour toucher 1 400 euros nets par mois. « On consacre sa vie, dès l’enfance, à travailler un instrument. Tout lâcher, ça paraît inconcevable », résume Tristan Liehr.
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