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A Bordeaux, « les personnes à la rue le sont depuis longtemps, et pour longtemps »

Le bilan de la 2e Nuit de la Solidarité a été présenté ce mardi 16 mai. Bénévoles, associations, sociologues et agents municipaux ont contribué à cette opération de grande ampleur, éclairante sur la situation des personnes sans-abri de Bordeaux. Les enquêtes révèlent que sur les 554 personnes sans-abri ou vivant en bidonvilles à Bordeaux, plus 182 autres en squat, la majorité est dans cette situation depuis plus d’un an faute de dispositifs adaptés. 

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A Bordeaux, « les personnes à la rue le sont depuis longtemps, et pour longtemps »

Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a présenté le compte-rendu de la 2e Nuit de la Solidarité en rappelant ces chiffres essentiels : à Bordeaux, 554 personnes vivent sans abri, dont 128 mineurs. Parmi ces personnes, 213 vivent en ville et 273 vivent en bidonvilles ou en campements.

Clément Reversé, sociologue du cabinet ARESVI co-chargé de l’analyse des données avec Johanna Dagorn, est également intervenu pour préciser que, le terme « sans-abri » pouvant être abusif au regard de la situation des personnes enquêtées, il est plus pertinent d’évoquer des personnes sans « chez-soi ». 

Malheureusement, pour les deux tiers des interrogés, cette situation de « sans chez-soi » dure depuis plus d’un an, et un quart des enquêtés est à la rue depuis plus de 5 ans.

« Les personnes qui sont à la rue le sont depuis longtemps, et le sont pour longtemps », résume Harmonie Lecerf Meunier, adjointe au maire chargée de l’accès aux droits, de la solidarité et des seniors.

Majorité de non-recours aux aides 

Le bilan fait en effet état d’une absence d’accompagnement social et de recours aux aides pour la majorité des personnes « sans chez-soi » : 72% des personnes enquêtées en ville ne fréquentent pas d’accueil de jour, chiffre qui grimpe à 90% pour les personnes vivant en bidonville. Cette problématique souligne la nécessité de renforcer les dispositifs de « l’aller-vers », pour toucher les personnes qui n’ont pas recours aux aides auxquelles elles ont droit. 

Par ailleurs, 30% des sans domicile ne connaissent pas le 115. Seul un tiers des personnes sans-abri contacte ce numéro, censé donner accès à un hébergement d’urgence. Tous les autres sont découragés : si plus de la moitié des personnes connaissant le 115 ne l’appellent plus, c’est parce que pour 25% d’entre eux il n’y a pas de réponse, 17% expliquent qu’aucune solution n’a été apportée lors de précédents appels, et 12% déclarent  que le numéro sonne occupé à chaque appel. 

Femmes nombreuses mais invisibles 

Si un tiers des personnes « sans chez-soi » à Bordeaux sont des femmes, l’étude démontre une visibilité masculine nettement supérieure. Car les femmes à la rue « tendent à avoir moins recours aux dispositifs » d’aides sociales auxquelles elles ont droit, mais également aux maraudes. Elles reprochent notamment aux administrations leur manque d’humanité et leur côté « machine ».

Les hommes s’attacheraient davantage à conserver des repères permettant une (ré)insertion socio-économique, et continuent donc de fréquenter de nombreux services et endroits publics. 

Après avoir rappelé les initiatives municipales en faveur des personnes sans-abri, comme la mise à disposition du patrimoine municipal permettant de loger 150 personnes dont 70 enfants, Harmonie Lecerf a évoqué une volonté d’offrir davantage de services – wifi et prises publiques, casiers solidaires, potentielle gratuité des piscines bordelaises – pour que les personnes « sans chez-soi » bénéficient d’un droit au répit. 

Trois groupes de travail seront également créés par la ville, le premier centré sur les femmes et le sans-abrisme, le deuxième cherchant à identifier les besoins et désirs des personnes sans-abri, et le troisième autour de la recherche de nouvelles solutions de logement innovantes. La Ville regrette cependant que ces élans de solidarité ne soient pas plus généraux, et critique à demi-mot le caractère contre-productif qu’auraient certaines mesures gouvernementales, comme le contrôle renforcé des bénéficiaires du RSA.


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