Devant l’hôpital Saint-André, à 13 h, plusieurs dizaines de personnes ont répondu à l’appel des syndicats (CGT Gironde, FO santé 33, Sud Santé Sociaux, UNSA) pour exprimer leurs craintes à l’approche de la période estivale.
L’année dernière, « un plan de continuité des soins » avait été mis en place pour soulager les services hospitaliers en tension entre les congés des soignants et l’afflux de vacanciers. Les urgences de Libourne, Langon et Robert-Picqué, ainsi que celles des cliniques de Pessac et Lesparre, avaient donc réservé leur accès de nuit aux cas les plus graves.
« Maltraitance »
Drapeaux et sandwichs en main, les soignants présents se disent inquiets. Pour la plupart, déjà à bout, ne pas craquer devient mission impossible :
« Avec le manque de personnel, on se demande comment les patients vont être soignés », confie Laurence Lagoubie, secrétaire générale de l’union départementale des syndicats Gironde CGT et aide soignante à l’hôpital de Libourne depuis 15 ans.
Ses inquiétudes s’inscrivent dans un contexte général de manque de moyens alloués au domaine de la santé. Le départ d’une partie du personnel soignant pèse sur ceux qui restent :
« On nous appelle parfois sur nos jours de repos pour combler le manque de personnel, poursuit la cégétiste. Sauf que quand on a déjà fait trois jours en 12 heures, revenir une quatrième fois c’est épuisant. On a mal au dos, quand on rentre nos enfants sont déjà couchés et le lendemain matin, on repart avant qu’ils soient levés. Franchement c’est dur. »
Des conséquences pour les soignants mais aussi pour les patients. Séverine Ader, aide soignante à l’EHPAD de Podensac parle de maltraitance. Dans son établissement, le taux d’absentéisme est d’environ 24% sur 200 agents.
« Normalement, une personne âgée doit être mise debout tous les jours. On doit l’inciter à être autonome, à avoir un lien social et à poursuivre des activités. Mais là, on n’a pas le temps ni les moyens d’assurer ces soins. Donc il y a des dépressions, des formes de glissements. Les gens se laissent mourir. Tout ça mène à leur mort précoce », déplore-t-elle.
Postes vacants et lits supprimés
À l’hôpital psychiatrique de Cadillac, 50 postes d’infirmiers sont par exemple vacants. Le manque de moyens et la fuite du personnel soignant ont entraîné la fermeture de 400 lits au CHU de Bordeaux et 100 au CH Libourne. Un véritable casse-tête pour les professionnels de santé, sur lequel ils planchent pourtant depuis plusieurs années :
« On est capable d’identifier les moments où la population va croître à Bordeaux. C’est notamment le cas en été. Fréquemment, on demande des effectifs supplémentaires pendant cette période, mais ils ne sont pas accordés », explique David Vasseur, secrétaire départemental FO santé Gironde et ancien infirmier en EHPAD.
D’après lui, le problème n’est pas seulement aux urgences. Il concerne l’ensemble des services hospitaliers.
« Normalement, les urgences ont une fonction d’accueil à l’hôpital. Les patients n’ont pas vocation à y rester. Sauf que les autres services sont en souffrance et mal dimensionnés. Cela crée donc une surcharge, avec les conséquences que nous connaissons. À cause de ça, à Charles-Perrens, ils vont fermer les urgences à partir du 1er juillet et pendant tout l’été, de 20h à 8h », indique-t-il.
Rendre les professions attractives
Pour sortir de ces difficultés, les soignants mobilisés demandent d’arrêter les « rafistolages » et « augmenter les budgets ». Laurence Lagoubie réclame « plus de moyen » pour « une profession plus attractive et des patients mieux pris en charge ». De meilleures conditions de travail permettront selon elle notamment d’attirer les jeunes dans le métier.
Selon nos confrères de France Info, la formation d’études en soins infirmiers est pourtant la deuxième la plus demandée sur Parcoursup, avec 658 000 vœux en 2023. Cependant, l’article souligne qu’une fois l’école intégrée, « le taux d’abandon des élèves infirmiers en première année est de 10%, soit trois fois plus qu’il y a dix ans ». Un enjeu que David Vasseur explique notamment par le manque de personnel soignants pour former convenablement les étudiants.
Pour anticiper la surcharge des services hospitaliers cet été, le CHU de Bordeaux avait annoncé en mai dernier une réorganisation de l’orientation des patients. Depuis le 16 mai 2023, les urgences de l’hôpital de Pellegrin accueillent seulement les cas les plus graves, orientés par le 15 (traumatologie, urgence AVC, etc). Les patients qui souhaitent se rendre directement aux urgences adultes du CHU de Bordeaux devront le faire sur le site de l’Hôpital Saint André.
Il est cependant recommandé d’appeler le 15 ou son médecin traitant avant de se déplacer. Le CHU indique par ailleurs que de nouveaux ajustements pourraient survenir dans des situations de tensions ponctuelles.
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