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Un copilote pour les collégiens en situation de handicap en Gironde

L’expérimentation « Mon copilote » offre à sept élèves en situation de handicap un service de transport accompagné entre leur domicile et le collège. Cette initiative d’une association nationale, financée et lancée au printemps par le Département de la Gironde, a déjà permis à quatre jeunes de prendre confiance et d’utiliser désormais seuls les transports en commun.

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Un copilote pour les collégiens en situation de handicap en Gironde

Noé avait beaucoup de difficultés à se mêler à la foule, et l’angoisse pouvait provoquer des tics problématiques en société. Aussi, pour se rendre au collège Léonard-Lenoir, à Bordeaux, depuis le domicile de sa famille d’accueil à Cenon, le jeune garçon prenait un taxi. Jusqu’à ce que le Département de la Gironde lui propose d’être accompagné dans le tram par un « copilote ».

« Ça m’a rassuré car j’étais un peu stressé de prendre le tram, indique Noé qui rentre en classe de 3e. Il y a neuf arrêts. Maintenant, je prends le tram tout seul depuis un mois. »

Désormais, Noé se rend au domicile de sa mère sans être accompagné, ou va au ciné avec des copains. Il dispose d’un portable en cas de problème. « Il n’y a que du positif à cette expérience », explique Hafida Hannouz, chez qui vit le collégien :

« Le copilote a pu gérer toutes ses émotions et travailler sur sa posture. Il a fait beaucoup de prévention, dans la bienveillance, pour lui apprendre à ne pas trop bouger et parler à tue-tête. Cela l’a sécurisé, il a pu gagner en autonomie, et ne pas vivre tout le temps à huis-clos. Jusqu’ici il n’avait aucune liberté. »

La mobilité, « clé de l’inclusion »

Des sept élèves girondins en situation de handicap qui ont bénéficié d’un copilote au printemps, quatre, dont Noé, effectuent désormais leurs déplacements seuls. Le Département de la Gironde, qui finance entièrement l’opération, poursuit donc cette expérimentation lancée en mars dernier. Quatre nouveaux enfants vont entrer dans ce dispositif créé par l’association « Mon copilote ».

« J’ai lancé ce projet pour répondre au besoin de ma sœur, en situation de handicap mental, explique sa présidente, Anne Keisser. C’est compliqué pour les personnes handicapées d’aller à l’école, au travail, à leurs loisirs, chez des amis… Or la mobilité est un droit, et si on veut améliorer l’inclusion, c’est la clé. »

Noé en compagnie de Hafida, de sa mère et d’Anne Keisser Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Depuis 3 ans, « Mon copilote » propose un service de transport scolaire, notamment à Paris et Nantes. Entre mars et juin dernier, 355 trajets ont été réalisés en Gironde, permettant d’accompagner les collégiennes et collégiens volontaires pour participer à cet expérience. En amont, « Mon copilote » a effectué 44 entretiens avec les familles de ces jeunes, tous résidant la métropole bordelaise.

« Car l’autonomie ne se fait pas du jour au lendemain, il faut définir des axes à travailler, et ce n’est pas forcément facile pour des parents de laisser partir leurs enfants en transports en commun », poursuit Anne Keisser.

« Envie de se déplacer seule »

Olivier et Carole ont pleinement adhéré à ce dispositif, justement car ils n’étaient pas satisfaits des taxis collectifs transportant leur fille Claire entre leur domicile de Talence et le collège Alain-Fournier, à Bordeaux.

« Il y avait un manque de rigueur des chauffeurs, qui étaient parfois en retard, ou se déclaraient indisponibles au dernier moment, raconte sa maman. Outre ce problème d’anticipation, on notait aussi un gros turn-over, et cela ne correspondait pas à Claire, qui a besoin d’une certaine stabilité. Elle rentrait parfois avec des conducteurs qu’on avait jamais vu avant, alors qu’on lui apprend à ne pas suivre des gens qu’elle ne connaît pas. »

« Ça m’a aidé à prendre le tram toute seule », se réjouit Claire, et à regagner ensuite sa maison depuis la station. « Elle a plus envie de s’éloigner et de faire des choses toute seule », appuie Carole.

Après un mois et demi de copilotage en mai et juin, la jeune fille, dont le taux d’incapacité lié à son handicap mental est de plus de 80%, va reprendre l’expérience à la rentrée.  

« Ça lui permet d’évoluer dans un environnement différent, se félicite son papa. Elle a pu repérer les arrêts, et s’est faite contrôler une fois, lui montrant que cela pouvait exister. L’objectif est de continuer en faisant des simulations, pour savoir par exemple utiliser l’appli TBM, et voir comment rentrer à pied toute seule si le tram est en panne, ce qui arrive souvent sur la ligne B. »

Claire va continuer l’expérience avec Mon copilote à la rentrée Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Apprentissage mutuel

« Le temps du trajet, c’est du temps d’apprentissage », estime Anne Keisser, qui a recruté comme copilotes 15 étudiants rémunérés, tous issus de formation hors du champ du handicap.

« Pour eux, ces missions flexibles sont plus enrichissantes que de distribuer des flyers. Et cela répond à une volonté de sensibiliser la population au handicap, en apprenant des choses à des accompagnateurs qui n’y ont pas été confrontés, et qu’ils se sentent plus à l’aise pour les intégrer. »

Etudiante en BTS, Maïssa, qui fait des accompagnements depuis quatre mois, avait « peur que ça ne se passe pas bien au début ».

« Cela finalement été très fluide. Les enfants ont des troubles de l’attention, ils ont du mal à se concentrer, mais ils sont hyper gentils, on s’attache beaucoup à eux et c’est agréable de travailler en leur compagnie. J’ai l’impression de plus ressentir leur point de vue au sein de la société, et de faire plus attention au monde autour de moi. »

1600 élèves girondins

Le Département de la Gironde consacre 40000€ à cette expérience en 2023. Il estime que 200 à 300 collégiennes et collégiens pourraient potentiellement être accompagné.e.s d’un.e copilote, pour 1600 élèves ou étudiants ne pouvant se déplacer seul et qui bénéficient actuellement d’un transport adapté par un tiers professionnel.

Par ailleurs, le conseil départemental souligne avoir augmenté – de 11 à 60 centimes du kilomètre – l’indemnité kilométrique permettant de défrayer les 89 familles qui utilisent leur véhicule personnel pour transporter un proche invalide à au moins 50%.


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