Média local avec zéro milliardaire dedans

Malgré la trêve hivernale, des familles privées d’électricité dans un squat à Bordeaux

Depuis deux semaines, sept familles, avec des enfants scolarisés, occupent un immeuble situé près de la gare Saint-Jean où l’électricité a été coupée. Alors que le propriétaire évoque un branchement sauvage défectueux, les pouvoirs publics se renvoient la balle.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Malgré la trêve hivernale, des familles privées d’électricité dans un squat à Bordeaux
Le 10 bis rue Charles Domercq, propriété d’Apsys, est voué à la démolition

Comme d’autres familles ici, Flora, 57 ans, est originaire d’Albanie. Son mari a été assassiné, elle a fui le pays pour des raisons politiques. Arrivée seule en France, elle a connu l’enchaînement des nuits partagées entre les chambres d’hôtels et les squats.

Au 10 bis rue Charles-Domercq, dans le quartier de la gare à Bordeaux, les premières familles sont arrivées au premier semestre 2023 selon des associations. Depuis le 8 février, l’électricité a été coupée. Pour la vingtaine d’occupants, dont sept enfants et un bébé de trois mois, c’est la « débrouille ». Du pain et du fromage ont remplacé les repas chauds. Quand c’est possible et compatible avec les horaires d’école des enfants, les douches sont prises à la halte de jour située à Stalingrad.

Flora, dans l’une des chambres de l’immeuble Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Qui a coupé l’électricité ?

La parcelle du bâtiment se trouve dans le périmètre de l’EPA Bordeaux Euratlantique et s’intègre au projet Canopia (ex Rue bordelaise). Elle a été vendue au promoteur privé Apsys, qui doit démolir l’immeuble. A Rue89 Bordeaux, le promoteur affirme que « le courant alimentant cet immeuble avait été coupé avant qu’il ne soit squatté illégalement » :

« La remise sous tension a été faite depuis un branchement sauvage par les squatteurs eux-mêmes et indépendamment de toute démarche réglementaire. »

Apsys indique, par ailleurs, respecter une ordonnance d’expulsion en date du 24 novembre 2023. Dans cette dernière, le tribunal judiciaire de Bordeaux fait valoir l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution. Ce dernier, relatif à la procédure d’expulsion et à la trêve hivernale [qui prend fin au 31 mars 2024 NDLR], accorde un sursis.

Mais pour les associations de soutien aux familles, l’électricité a été coupée intentionnellement pour « inciter les occupants à partir ». « Nous demandons le rebranchement électrique immédiat et le respect de la trêve hivernale, prononcée par un juge », insiste Gérard Clabé, de Réseau éducation sans frontières (RESF).

Solution provisoire

« Ces familles sont en France depuis plusieurs années, poursuit Gérard Clabé. Elles appellent le 115 tous les jours. Et tous les jours, le 115 n’a pas de solution. L’immeuble est une solution provisoire, un refuge. Ce n’est pas un hébergement. »

De son côté, la Préfecture a missionné le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Bordeaux pour réaliser une enquête sociale. Contactée, la municipalité confirme connaître la situation et dit avoir pris contact avec Apsys, le propriétaire des lieux :

« La Ville a alerté la semaine dernière avec son CCAS les parties-prenantes concernées par la résorption du squat à savoir l’Etat pour la résorption du squat et l’hébergement d’urgence, et le Conseil départemental de la Gironde pour la prise en charge sociale des familles avec enfants. »

Les enfants ont entre 3 et 13 ans et sont scolarisés dans différents établissements de Bordeaux.

Mobilisation de RESF et de la Piraterie, rue Charles-Domercq Photo : VB/Rue89 Bordeaux

« Droits de l’enfant bafoués »

« Rien que dans l’école primaire des Menuts, 20 adresses sont renseignées au CCAS, ça veut dire autant d’enfants qui n’ont pas de logement », alerte Céline Avcu, membre d’un collectif de soutien formé par des parents d’élèves.

Pour Rachid Belhamri, président du collectif de La Piraterie, « les droits de l’enfant sont bafoués ».

« Un enfant expulsé en pleine année scolaire, c’est un problème », assène-t-il.

Parmi les occupants rue Charles-Domercq, deux familles sont passées par la gare de la Médoquine à Talence. Grâce à la mobilisation d’associations et d’élus, la procédure d’expulsion avait été suspendue à quelques jours de Noël. « Un an plus tard, les travaux n’ont pas commencé à la Médoquine », relève Rachid Belhamri, pour qui l’histoire se répète.


#sans toit ni loi

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options