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PFAS : une lutte contre les polluants éternels amorcée depuis la Gironde

Ce vendredi 29 mars, Nicolas Thierry, député écologiste de Gironde, a présenté les résultats d’une campagne de prélèvements capillaires concernant les PFAS, menée sur 154 personnes à travers la France. L’occasion pour l’élu d’appuyer sa proposition de loi pour lutter contre ces « polluants éternels », qui sera mise au vote à l’Assemblée nationale le 4 avril prochain.

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PFAS : une lutte contre les polluants éternels amorcée depuis la Gironde
Présentation des résultats de la campagne de prélèvements menée par le député Nicolas Thierry

Engagée à la fin de l’année 2023, la campagne de prélèvements capillaires menée par le député Nicolas Thierry arrive à terme. Elle a permis de mesurer le taux de contamination aux PFAS des 152 personnes qui se sont fait testées à travers le pays, parmi lesquelles des célébrités comme Nagui, Mélanie Laurent ou Camille Etienne. 94% ont présenté les résidus d’au moins une substance appartenant aux perfluoroalkylés et aux polyfluoroalkylés, aussi appelés « polluants éternels ».

Cette famille de substances chimiques – entre 4000 et 14 000 suivant les estimations – a été entièrement créée par l’homme et est prisée pour ses propriétés de résistance. Aussi, on retrouve ces « polluants éternels » dans une quantité importante de produits de la vie courante depuis les années 1950.

Des polluants volatiles

Des équipements de protection aux emballages alimentaires, de la mousse anti-incendie utilisée par le pompiers aux cathéters des hôpitaux : les PFAS sont donc partout, posant aujourd’hui un véritable problème de santé publique. Car les PFAS sont des substances extrêmement volatiles. Des études démontrent même leur présence dans des zones pourtant éloignées de toute forme de civilisation, telles que le cercle Arctique, et certaines sont classées cancérogènes.

« Aujourd’hui, la littérature scientifique a clairement établi un lien entre l’exposition aux PFAS et certaines pathologies, comme le cancer du rein, des testicules, l’augmentation du taux de cholestérol ou encore la baisse de l’efficacité des vaccinations », déclare Nicolas Thierry, député écologiste de la 2e circonscription de Gironde.

Ce dernier a tenu une conférence de presse ce vendredi 29 mars, en présence des 10 personnes testées à Bordeaux. Deux ont trois PFAS, trois en ont deux, et trois en ont un. La substance la plus détectée est le PFOS, pourtant interdit depuis 2009. Deux de ces « cobayes » présentent des taux parmi les plus élevés à l’échelle nationale, dont Jérôme Cordoba, sapeur-pompier bordelais depuis une vingtaine d’années, actuellement en disponibilité.

« Avec mon métier, je pensais bien être touché par cette contamination aux PFAS. Ils sont très présents dans les mousses anti-incendie utilisées pour éteindre les incendies. Mais je n’imaginais avoir un tel taux, qui est jusqu’à trois fois supérieur à la moyenne observée. En tant que pompier, j’accepte les risques inhérents à mon métier, mais pas celui d’une telle exposition à des substances nocives pour la santé », explique Jérôme Cordoba.

« Une dose d’éternité »

Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, a également fait l’objet de prélèvements. Il souligne la nécessité de prendre en compte cet enjeu d’envergure nationale.

« Avec ces résultats, j’ai découvert que la seule dose d’éternité dans mon corps, ce sont les polluants !, ironise le maire de Bordeaux. Plus sérieusement, je veux dire que ces produits polluants sont un fléau que l’on doit combattre selon le principe du pollueur-payeur. »

Localement, la contamination de l’environnement aux PFAS est une problématique qui apparaît dans la région bordelaise. Dans un rapport datant de 2021, le Bureau de recherches géologiques minières (BRGM) pointe la présence de ces substances nocives dans certains points de captage d’eau potable, dont la concentration, après mesure, se révèle supérieure aux normes européennes en vigueur.

Pierre Labadie, chercheur au CNRS et à l’université Bordeaux-Montaigne, alerte quant à lui les pouvoirs publics depuis de nombreuses années sur les problématiques de santé publique liées au PFAS.

Un vote le 4 avril

Nicolas Thierry soumettra le 4 avril une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour demander notamment l’interdiction de la fabrication, de l’importation et de la mise sur le marché des produits contenants des PFAS.

« Dans ce projet de loi, le but est de raisonner en terme d’usage et non par catégorie (il y en a près de 12 000) afin d’établir les types de PFAS superflus dont on peut se passer, indique le député bordelais. On distingue donc quatre usages principaux qui seront encadrés si le projet de loi est adopté : les cosmétiques, l’habillement, les ustensiles de cuisine et le fart utilisé pour la protection des skis. »

Le texte initial prévoyait une interdiction générale des PFAS à l’horizon 2027. Mais l’élu a dû revoir sa copie et espère l’adoption d’une nouvelle mouture par le parlement.

« Dans cette version, nous avons mis l’accent sur les PFAS dont l’usage apparaît comme superflu, afin d’obtenir une majorité permettant l’adoption du texte. On connait déjà les arguments qui seront opposés par les lobbies : la France ne devrait pas agir seule en la matière, il faudrait se focaliser sur certains types de PFAS et non sur leur usage… Et enfin le chantage à l’emploi, avec de possibles délocalisation d’activités. »

Nicolas Thierry dénonce le caractère fallacieux des procédés commerciaux employés par certains industriels, tout en soulignant le poids que représente cette dépollution sur les finances publiques.

« Ces substances sont largement utilisées dans la fabrication des ustensiles de cuisine, notamment dans leurs revêtements. Certains fabricants mentionnent l’absence de PFCA sur leur emballage, une sous-branche des PFSA. Pourtant ce composant est interdit depuis 2020 : on présente le simple respect de la loi comme un argument commercial. Sur les types de PFSA qui sont encore autorisés aujourd’hui, un des volets principaux de ce projet de loi réside dans le concept pollueur-payeur : les industriels qui rejettent des PFAS seront soumis à une taxe. »


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