La justice a donné raison à celle qui a toujours contesté les faits. Ce mercredi 10 avril, Myriam Eckert, conseillère municipale Gilets jaunes pour le collectif Bordeaux en Luttes, comparaissait devant le tribunal correctionnel pour refus d’obtempérer, outrage et refus de se soumettre à des relevés signalétiques.
Myriam Eckert avait été interpellée le 22 septembre dernier, dans le quartier des Capucins. En début d’après-midi, cours Victor-Hugo, un équipage de police verbalise une personne. L’élue passe en vélo à proximité du contrôle et, selon ses dires, prononce cette phrase : « Vous n’avez que ça à faire, c’est bon. » En face, les policiers entendent : « Vous n’avez que ça à foutre, bande de cons. »
S’engage une « course-poursuite » dans les ruelles de Saint-Michel. Myriam Eckert passe 27 heures en garde en vue. Des heures durant lesquelles elle a exercé son droit au silence.
« Acharnement »
« J’ai dit à voix haute ce que j’aurais dû garder pour moi », se justifie Myriam Eckert devant le tribunal :
« J’étais en retard. Je devais me rendre à la Halle des Douves pour la préparation d’un spectacle, puis j’étais attendue par un journaliste. À partir du moment où je n’ai pas commis d’infraction, je ne pouvais pas supposer que l’on me poursuivrait. »
Passée à tabac en 2009 lors d’une interpellation, la militante bordelaise a fait condamner l’État pour faute lourde. Une dénonciation du système des violences policières qui l’a conduite à fonder le Collectif contre les abus policiers (Clap 33). Lors des Gilets jaunes, elle a écopé d’une vingtaine d’amende.
« Lors de ma garde à vue, des policiers m’ont prise en photo alors que j’étais en position de faiblesse. Dans les couloirs, on parlait de moi comme étant la “vedette”. Il y a un acharnement. Quand j’ai récupéré mon vélo après ma garde à vue, mes pneus étaient crevés », décrit-elle devant les magistrats.
Exception de nullité
En face, l’avocat du policier, constitué partie civile, Maître Guillaume Sapata, demande 700 euros d’amende au titre du préjudice moral :
« Madame Eckert a un problème avec la police, mais la police n’a aucun problème avec elle. Il y a des agents qui ne la connaissent même pas. »
Une position partagée par le procureur, Olivier Etienne, pour qui, l’élue a une « curieuse tendance à se victimiser » :
« Elle n’est pas victime d’un harcèlement. Elle vient interrompre des policiers qui sont en train de verbaliser. »
Le parquet requiert 700 à 800 euros d’amende pour l’outrage et le refus d’obtempérer. Sur le refus de se soumettre à des relevés signalétiques (photographies, empreintes et état civil), le procureur s’aligne sur l’exception de nullité présentée par Maître Bruno Bouyer, l’avocat de Myriam Eckert. Aucun procès-verbal ne mentionne la demande de ce relevé.
Dépôt de plainte pour faux
Quelques jours après son interpellation, Myriam Eckert a reçu un avis de contravention pour avoir grillé un feu rouge à vélo. Or, au croisement de la rue Pilet et du cours Victor-Hugo, il n’y a aucun feu de signalisation.
« Hormis à un carrefour, tous les feux du cours Victor-Hugo ont été supprimés en 2015. Nous avons déposé plainte pour faux en écriture publique », indique Maître Bruno Bouyer.
L’avocat de Myriam Eckert, qui a plaidé la relaxe, a tenu à replacer l’interpellation de sa cliente dans son contexte :
« Ce jour-là marquait la visite du roi Charles à Bordeaux. Le lendemain se déroulait une manifestation contre le racisme et les violences policières. Quel intérêt avait-elle à invectiver les policiers ? J’ai des doutes sur la parole des policiers. À aucun moment elle n’a entendu l’ordre de s’arrêter, je n’ai pas l’impression que c’était une fuyarde. L’histoire a été reconstruite par les services de police. »
Dans son délibéré, le tribunal a retenu la nullité pour le délit de fuite et le refus de prélèvements signalétiques. La relaxe a été prononcée pour l’outrage.
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