« Les lieux de rétention administrative (LRA) sont beaucoup moins connus que les centres de rétention administrative (CRA), qui sont eux aussi très méconnus. La rétention administrative concerne les étrangers en situation irrégulière, qui sont enfermés dans des lieux de privation de liberté sur décision préfectorale au simple motif qu’ils sont sans papiers, afin qu’ils soient expulsés vers leur pays d’origine où un autre pays désigné par les autorités », indique Émilie-Charlotte Caron, intervenante juridique en rétention pour la Cimade.
Ouvert en octobre 2021 pour pallier à la saturation du CRA de Bordeaux, le LRA est situé au sein de la direction zonale des CRS du Sud-Ouest. Il peut accueillir jusqu’à 12 personnes en attente d’expulsion du territoire français. Ce dispositif permet l’enfermement de femmes et d’enfants précise Jean-Christophe Parceiller, membre du collectif Anti-CRA 33 :
« La seule raison qui motive cet enfermement est la situation irrégulière de la personne concernée, ce qui ne constitue pas un délit pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette instance a d’ailleurs condamné la France pour l’enfermement administratif de femmes et d’enfants. »
Si le LRA situé à Cenon a été officialisé par la préfecture de Gironde, des lieux similaires peuvent perdurer sans qu’aucune communication officielle ne soit effectuée à ce sujet. La Cimade souligne l’absence de statistiques publiques sur ces rétentions et l’opacité du processus, dans des lieux qu’elle qualifie de « zone de non-droit ».
48h chrono
Contrairement aux CRA, les individus n’y « bénéficient pas d’assistance juridique ni de présence médicale ». Ces LRA permettent aux autorités préfectorales d’effectuer des expulsions dans un délai de 48h, sans que la Cimade ne puisse accéder aux locaux.
« Nous avons même eu des cas de personnes où l’on leur disait qu’ils pouvaient contacter la Cimade qui intervient au LRA. Dans les faits, pas du tout : on leur donne même une fausse information sur la possibilité d’une assistance », pointe Émilie-Charlotte Caron.
Le témoignage d’un père de famille retenu au CRA de Cenon à la fin de l’année 2022 permet d’apporter un éclairage sur le fonctionnement de ces lieux de privation de liberté, également fermés à la presse. Alors en pleine procédure administrative afin de régulariser sa situation, il est arrêté le 20 novembre 2022 à la préfecture de Gironde, avec son épouse et son bébé.
« Ce jour-là, mon épouse avait rendez-vous à 16h à l’Hôpital Pellegrin, pour notre enfant, qui était malade », a-t-il raconté en novembre dernier à la Cimade. « On leur a expliqué, ils ne nous ont pas écouté. On a été transférés à Cenon, dans un centre de rétention. L’enfant n’avait pas de couches, ni de lait. On est arrivés là-bas et on nous a expliqué qu’on devait partir à Malte le lendemain. Ils nous ont dit qu’ils n’avaient pas à manger pour nous, et que je pouvais appeler un avocat si je le voulais, mais ils ont aussi confisqué mon téléphone. »
Un rassemblement prévu le 1er juin
Le père de famille pointe le traitement inhumain infligé à épouse et lui-même, ainsi que le traumatisme de son enfant, qui « a pleuré pendant deux jours sans pouvoir manger ni changer sa couche ». Transférée à Malte par un vol spécial depuis Bordeaux, la famille est à nouveau retenue pendant trois jours, mise en quarantaine, puis renvoyée vers la France sous motif que l’enfant y est né, et doit donc le prendre en charge.
De retour dans l’Hexagone fin 2023, la famille a pu bénéficié de la protection maternelle et infantile (PMI) et d’une prise en charge par la Cimade.
Sollicitée, la Préfecture a répondu ce vendredi :
« Un LRA est une solution d’hébergement et de rétention épisodique (1 nuit généralement) et n’accueille pas de mineur. En effet, la loi CIAI, loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration et entrée en vigueur en janvier 2024, dispose qu’il n’est pas possible de placer un parent accompagné d’un mineur. »
Le collectif Anti-Cra 33 et l’AG de lutte s’associent afin d’organiser un rassemblement sur le parvis de la mairie de Cenon, ce samedi 1er juin à 10h30, pour dénoncer la rétention, « l’instrument privilégié d’une politique migratoire toujours plus répressive à l’égard des personnes en exil ». Ils présenteront des expos faites par la Cimade, et martèleront leur opposition au LRA de Cenon comme au projet de méga CRA à Mérignac. Avec 140 places, cette structure devrait devenir un des plus grands lieux de rétention administrative en France.
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