« – Ah bon ? En travaux ? Mais jusqu’à quand ?
– Jusqu’à la fin du mois, monsieur. »
Jérémy, la quarantaine, soupire, remercie son interlocuteur puis tourne les talons, manifestement agacé. Interrogé, il réagit à chaud :
« Je rentre de congés en fait, j’avais laissé Bordeaux il y a mois sur une énième perturbation de la ligne et là je reviens et c’est carrément la ligne qui est à l’arrêt, donc, ouais, c’est vraiment lourd… », peste cet usager régulier de la ligne, « notamment pour me rendre à mon travail du côté de Bergonié ».
Aujourd’hui, il marchera donc depuis le cours de l’Argonne, arrêt Saint-Nicolas, terminus provisoire du tram B.
Terminus provisoire
En effet, depuis le 15 juillet dernier, le tram fait ses allers-retours en cette station et celle de Pessac Centre. La raison : la pose inédite jusqu’au 30 août d’un aiguillage au niveau de la station de la Barrière Saint-Genès, située au milieu du tronçon Peixotto – Saint-Nicolas, bien connu des usagers pour être régulièrement au cœur des coupures de la ligne.
Dorénavant, ces pannes pourront être réduites à l’une ou l’autre extrémité de la portion grâce à ce nouvel embranchement qui permettra au tram de repartir sur le rail opposé. Un mal pour un bien selon TBM, qui profite également de la période pour d’autres travaux de maintenance, un peu partout sur la partie de ligne fermée. Le tout suscite autant la compréhension que l’agacement chez les usagers rencontrés sur le parcours du bus relais déployé en alternative.
Au départ de celui-ci, place de la Victoire donc, une vingtaine de voyageurs l’attend sur les coups de midi. « De pied ferme » pour Camille, 25 ans, résidente sur le campus à Pessac :
« Même si ça reste pénible car ça rallonge le temps de trajet, je comprends. Par contre, il faudrait un peu plus de clarté sur le bus relais qui change un peu trop souvent d’endroit pour un même arrêt et a des passages un peu aléatoires. En soirée, je l’attends longtemps quand même… »
Pas le temps de finir la phrase, voilà le précieux transport qui s’amène et avec lui son mouvement de foule pour rentrer en premier. Dedans, les conversations fusent à tout va mais rien sur les travaux et le bus relais. Seul un « vivement le retour du tram » se fera brièvement entendre après un énième branlement assourdissant du bus.
A Talence-Forum, le débat est ouvert
Dix arrêts suivants, nouvelle commune et autres opinions à Talence-Forum. Sous l’abri-bus, Thomas, 32 ans, attend la navette dans le sens inverse, première étape pour pouvoir embaucher à 14h aux Chartrons. Lui se questionne sur la pertinence du nouvel aiguillage :
« Quitte à bloquer la ligne plusieurs semaines, ne serait-il pas plus judicieux de refaire tout ce fameux tronçon souvent sujet à des “pannes d’alimentations” ? [guillemets d’agacements mimés avec les mains]. Là, j’ai l’impression que c’est la politique du sparadrap puisque ça veut dire que TBM s’attend toujours à des interruptions donc…. »
L’oreille visiblement tendue, Clémence, 71 ans, ne peut s’empêcher de réagir à côté :
« On peut quand même reconnaître pour une fois que TBM fait quelque chose dans le sens d’une amélioration du service. »
Si la retraitée, qui a vu naître la ligne il y a vingt ans, « avoue ne plus compter les coupures depuis le temps », elle estime toutefois que « les usagers râlent trop facilement » :
« Ils n’ont pas connu Bordeaux sans TBM, c’est pour ça. »
Sarah (pseudonyme), chasuble rose sur le dos, fait partie de la dizaine d’agents et agentes déployés par TBM aux stations non-desservies, chargés de renseigner les usagers, « au moins une trentaine de fois par jour » :
« Même si la plupart comprend, une partie non-négligeable est perdue ou gueule car les gens n’ont pas la patience de lire les panneaux, de regarder l’application ou ne cherchent pas à comprendre. J’ai même des insultes parfois car on nous pense personnellement responsable de la situation. »
Bougnard, l’autre terminus
Au bout de la ligne, après une quarantaine d’usagers au plus fort du trajet, ils ne sont plus que deux à descendre à l’arrêt Bougnard, reconverti terminus de ce bus relais – d’autres poursuivent jusqu’à France Alouette. Il aura mis 40 minutes depuis le centre-ville bordelais, contre 30 en temps normal en tram.
« C’est parce que beaucoup à Pessac-Centre [le terminus de cette branche du tram B, NDLR] se rabattent sur la ligne de bus 4 qui rallie aussi Bordeaux puisque le bus-relais ne vas pas jusque-là, décrypte Rachid, résident du quartier. Ceci dit, j’ai des potes qui habitent vers l’arrêt de la médiathèque [Campognac-Médiathèque] et qui sont eux embêtés car il n’y a pas le bus relais entre Bougnard et Centre. Donc, forcément, moins de monde aussi. »
Une baisse de fréquentation confirmée et reconnue par TBM, contacté par Rue89 Bordeaux, mais qui n’effraie nullement l’entreprise de transports.
« Oui, on note bien une évasion des usagers sur d’autres lignes ou moyens de transports mais on sait pourquoi et cela reviendra à la normale à la rentrée », soutient un responsable.
Celui-ci rappelle que la pose du nouvel aiguillage représente un investissement lourd mais nécessaire pour améliorer le service. Et d’assurer que la circulation du tramway reprendra comme prévue le 31 août.
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