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Le Refuge de Gironde intensifie l’accueil des personnes brimées pour leur orientation sexuelle

La délégation départementale de la fondation du Refuge a fait peau neuve avec une nouvelle équipe. Elle a notamment renforcé l’hébergement et la mise à disposition de logements pour des jeunes en situation de rupture familiale due à leur orientation sexuelle.

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Le Refuge de Gironde intensifie l’accueil des personnes brimées pour leur orientation sexuelle
Le délégué départemental du Refuge, Adrien Aupetit (à gauche), avec Linou et Stéphane Hillion, deux bénévoles

À seulement 24 ans, Mustapha est un rescapé. Ayant laissé derrière lui en 2022 sa terre natale, la Sierra Léone, le jeune homme a renoué avec la joie de vivre en France, grâce à son courage et l’aide d’une structure bien justement nommée, Le Refuge.

Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest de 8,6 millions d’habitants, être un homme homosexuel est passible de la prison à vie. Nombreux sont les exemples de lynchages ou de traques de la part des familles et autorités locales dans sa société largement influencée par les communautés religieuses chrétiennes et musulmanes comme le rappelle le média Concord Times.

« Les gens sont arrêtés et envoyés en prison »

Ces violences, Mustapha les a vécues et constatées :

« Je me souviens de la première fois que j’en ai parlé à ma mère, elle m’a battu et m’a dit que c’était une mauvaise chose, un péché, et que c’était un crime punissable. Elle m’a emmené chez un médecin local qui m’a lancé des sorts pour ne plus avoir ce genre de rêves. »

Il poursuit :

« Les gens sont arrêtés et envoyés en prison, et il n’y a personne pour les soutenir. On ne peut pas manifester, on ne peut pas en parler. On peut juste fermer les yeux, car si on essaie de dire ou faire quelque chose, on serait impliqué. J’ai dû quitter tout le monde pour sauver ma vie. »

Mustapha fuit son pays à l’âge de 22 ans par avion. Il reste cependant bloqué en Turquie pendant un mois et demi avant de passer la frontière grecque par bateau pour finalement rejoindre la France où il trouve de l’aide auprès du Refuge.

« Je pensais qu’il n’était pas autorisé d’être ce que nous sommes, comme dans mon pays. Quand j’ai rencontré Le Refuge, j’ai commencé à croire que oui, nous sommes les bienvenus ici, nous sommes de bonnes personnes. Avant, j’étais désespéré, j’avais perdu mes espoirs et ma confiance. Ici, nous avons la liberté d’être ce que nous sommes et de l’exprimer », confie le jeune homme.

Le Refuge sur le pont depuis 20 ans

Née à Montpellier en 2003, Le Refuge s’est d’abord donné pour mission de redonner un toit à des jeunes LGBTQIA+ en situation de rupture familiale. Du rejet de leur orientation sexuelle aux violences psychologiques et physiques intra-familliales, ces jeunes sont mis à la porte par leurs parents. Ou, pour leur sécurité, ils n’ont d’autres choix que de partir.

Aujourd’hui, les missions du Refuge comprennent l’insertion pour favoriser l’autonomie, le soutien psychologique et administratif, ou encore l’organisation de rencontres pour des jeunes âgés de 18 à 25 ans, souvent débarqués dans une ville qui leur est inconnue.

Dans son rapport de 2024, l’association SOS Homophobie révèle que plus d’une personne LGBTQIA+ sur trois était « en proie à du mal-être dans un contexte de LGBTIphobie familiale ».

« Les cas signalés sont très largement le fait de la famille proche : le père ou la mère (49 % des cas), ou un frère ou une sœur (18 %). Dans trois quarts des cas, les victimes ont subi du rejet et de l’ignorance, et dans près de la moitié des cas des insultes », peut-on lire dans ce rapport.

Le renouveau de l’antenne bordelaise

À Bordeaux, l’antenne girondine ouverte en 2013 a fait peau neuve. Adrien Aupetit, a intégré l’équipe fin 2022 avant le départ de tous les autres bénévoles au printemps 2023 pour cause de désaccord avec la direction nationale. Celle-ci venait d’être renouvelée quelques mois plus tôt suite au scandale de la mise en examen de son ancien président Nicolas Noguier faisant alors l’objet de plusieurs plaintes, dont une pour viol. Pour Pacôme Rupin, le nouveau directeur national, hors de question d’abandonner l’antenne bordelaise.

« Pacôme Rupin est venu à Bordeaux, relate Adrien Aupetit. Il m’a dit : “soit tu acceptes d’être délégué départemental, soit, en l’absence de bénévoles, nous devrons fermer la délégation”. Pour moi, la question de continuer ne s’est même pas posée 30 secondes. La seule condition était d’avoir un travailleur social. »

Depuis ce jour, plus d’une vingtaine de bénévoles se sont impliqués dans la structure, ainsi qu’un travailleur social à temps plein. Stéphane Hillion, bénévole, a quant à lui rejoint l’équipe en février 2024.

« On consolide avec les personnes présentes et après, on pourra encore grandir et aller chercher d’autres bénévoles, d’autres appartements ou d’autres subventions. Ce n’est que le début d’un nouveau chapitre. »

Pour Linou, qui s’est ralliée à l’association il y a deux mois, explique avoir enfin trouvé l’endroit idéal pour mener à bien son engagement.

« Étant une survivante de violences intra-familiales, j’ai senti que c’était là où il fallait que j’aille. Et pour l’instant, je ne me trompe pas parce que je me sens très bien, dans une très bonne équipe, où justement chacun peut trouver sa place chacun peut donner et partager ses idées. »

De nouvelles places d’hébergement

Le Refuge de Gironde accueille actuellement à ses frais sept personnes dans des appartements meublés et loués spécialement pour mettre à l’abri ces jeunes en difficulté. Cela est notamment rendu possible grâce aux financements de la fondation nationale du Refuge. En 2023, cette dernière avait pu réunir plus de 7 millions d’euros dont 22 % proviennent de subventions de collectivités locales, le reste par le biais de dons, de legs ou encore de mécénat.

Suivant la volonté de la fondation nationale du Refuge de doubler le nombre de places d’hébergement en France, à la rentrée 2024, le nombre de chambres fonctionnelles s’élèvera à une dizaine pour l’antenne girondine, puis, à l’horizon 2025, cette dernière espère atteindre les 13 chambres. L’aménagement de ces logements se fait grâce aux dons en nature de particuliers ou d’entreprises, telles que Conforama ou IKEA.

Dans son quotidien, Mustapha vit avec deux autres bénéficiaires, sa « nouvelle famille ». Il espère intégrer l’université de Bordeaux pour continuer sa formation dans la cyber-sécurité, entamée au Sierra Léone, tout en maintenant la pratique du sport en salle qu’il affectionne tout particulièrement. Soucieux de maîtriser la langue, il se rend à des cours de français.

« Toutes les langues sont difficiles à apprendre, mais j’aime le français », admet-il.

Pour contacter le Refuge de Gironde, un numéro de téléphone est ouvert 24h/24 et 7j/7, 06 31 59 69 50, ou l’adresse mail bordeaux@le-refuge.org.


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