« On ne peut pas dire que l’administration pénitentiaire n’a rien fait, mais il reste encore des choses à faire. » Voilà comment le bâtonnier du barreau de Bordeaux, Caroline Laveissière, a résumé la situation de la Maison d’arrêt de Gradignan. Elle s’exprimait lors d’un point presse suite à sa visite de lieux de privation de liberté, faite chaque année depuis trois ans.
« Nous contrôlons les conditions d’enfermement et la manière dont les êtres humains sont reçus, précise-t-elle. Les sanitaires, l’hygiène, la lumière, l’accès aux soins, les repas et le respect des régimes de certains, le parloir avocat, le parloir visiteur, la confidentialité avec les familles, l’utilisation du téléphone du service… »
Surtout, poursuit Caroline Laveissière, « la surpopulation reste un fléau » :
« On retrouve toujours des matelas au sol : donc trois détenus dans une cellule, avec un détenu au sol qui est enjambé par les autres. Ces conditions ne nous semblent pas acceptables pour la détention ».
Surpopulation toujours
Suite au rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté publié en juillet 2022, et l’ordonnance en octobre de la même année prononcée par le tribunal administratif de Bordeaux qui avait ordonné neuf injonctions pour améliorer les conditions de détention, la situation reste dans le rouge.
« Il y a eu une baisse de la surpopulation avant l’été 2024, sans doute due à l’ouverture du nouveau bâtiment [inauguré début septembre, NDLR]. Mais celle-ci augmente à nouveau et les syndicats de surveillance pénitentiaire le confirment », poursuit le bâtonnier.
Les chiffres du barreau « illustrent l’ampleur de la crise des conditions de détention ». Le nouveau bâtiment avec ses 602 places, n’a ainsi pas pu résorber la surpopulation de l’ancien où des cellules sont toujours occupées alors qu’il attend un programme de réhabilitation. Sur les 1412 écrous de la prison, 315 sont en placement extérieur et les 1062 restants sont répartis au point de devoir installer 134 matelas au sol, 83 dans l’ancien et 51 dans le nouveau.
Caroline Laveissière était accompagnée du vice-bâtonnier Jérôme Delas, qui rappelle que « la France a été condamnée il y a plusieurs années par la Cour européenne des droits de l’homme »
« Alors on attend quand même le dernier bâtiment en 2027. Et on espère que cette surpopulation va pouvoir baisser définitivement. Mais force est de constater, et ça a été dénoncé par les syndicats du personnel, que ce n’est pas le cas pour le moment », complète Caroline Laveissière.
La santé, « c’est compliqué »
Les deux avocats insistent cependant : « Nous ne sommes pas là pour dire qu’il ne faut pas condamner. » Ils relèvent que « l’enfermement entraîne un nombre de détenus qui n’est pas gérable ».
« On a à peu près la certitude que le nombre de détenus en France, de façon générale, va frôler en fin d’année probablement les 80 000, ajoute Jérôme Delas. Ce qui est énorme et ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de peines qui sont prononcées. Certaines sont courtes et peut-être faut-il envisager de leur donner un autre format – bracelet électronique, mesures d’aménagement de peines… »
S’ajoute également, « des questions en matière de santé » :
« On a des détenus qui ont des cancers, des problèmes cardiaques, du diabète, des problèmes moins graves aussi, mais qui ont besoin d’être vus par des médecins. C’est compliqué. […] Le travail des médecins, en prison, est absolument remarquable, comme celui des surveillants d’ailleurs. Mais la surpopulation ne rend pas les choses aisées. »
« Dénoncer cette situation »
À côté de la maison d’arrêt de Gradignan, « 44 sites de détention ont été visités ce mardi 10 septembre » par 22 membres du conseil de l’ordre : des cellules de garde-à-vue des commissariats et gendarmeries, les geôles et les dépôts du ressort du tribunal de Bordeaux, les centres éducatifs fermés et le centre de rétention administratif (CRA).
Sans « dysfonctionnements » constatés « pour le moment », si ce n’est le « manque de moyens criant de ces administrations, et du service public de la justice », constate Caroline Laveissière.
Le bâtonnier souligne, par ailleurs, les conditions inchangées au CRA de Bordeaux, « toujours en sous-sol, sans lumière naturelle, avec un espace très petit pour une capacité de plus de 20 détenus ». Dix étaient présents lors de la visite.
« On peut constater, on peut faire dresser un rapport, demander les observations à l’administration pénitentiaire, essayer de l’inciter à trouver des solutions. Bien évidemment, nous n’avons pas une baguette magique, mais c’est notre devoir au moins de dénoncer cette situation et d’inciter l’administration à trouver des solutions. »
Aucun recours n’est à ce stade envisagé : « Nous allons analyser le bilan de la journée et nous prendrons nos responsabilités ».
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