Les couloirs sentent encore la peinture fraîche. Au 1, rue de la Benauge, les bénévoles du Diaconat de Bordeaux s’activent pour terminer l’aménagement des locaux ; ils doivent également gérer l’accueil des premiers bénéficiaires de ce dispositif d’hébergement d’urgence. Point d’accueil, salle à manger, cuisine, bureaux, chambres… Le lieu dispose déjà du nécessaire pour « accueillir les sans-abris dans de bonnes conditions ».
« C’est sport, certains espaces ont vraiment du vécu, mais on y arrive petit à petit ! L’État nous accompagne avec des crédits pour couvrir les dépenses liées à la remise en état, à l’aménagement et à l’installation, avec des coûts importants de gros ménage, peinture aussi… pour que ce soit mieux visuellement et en termes de confort », explique Uriel Thollas, directeur du Pôle Urgence au Diaconat de Bordeaux, l’association qui gère le lieu.
Sur place, plusieurs sans-abris qui y ont trouvé refuge prennent leur repas au chaud, dans le réfectoire. C’est le cas de Shahram, jeune Afghan de 19 ans, arrivé en France il y a seulement deux mois. Le jeune homme veut rester à Bordeaux, terre d’asile qu’il apprécie.
« J’étais étudiant en physique-chimie. Aujourd’hui, j’ai pas de travail, je voudrais étudier à Bordeaux. Ma famille a dû rester en Afghanistan. Il y a encore mes parents et mes 6 frères et sœurs là-bas. »
Avec l’accueil d’une vingtaine de premiers arrivants mercredi 20 novembre, les bénévoles du Diaconat prévoient une « montée en charge progressive », jusqu’à atteindre une capacité totale de 72 places.
Le 115 attribue les places
Pour bénéficier d’une prise en charge, les demandeurs doivent d’abord passer par le 115 (renforcé cette année de 8 postes supplémentaires), afin de se voir attribuer une place. La durée de séjour est de 15 jours, renouvelable une fois. Ce fonctionnement doit permettre un « roulement » et donner un accès au centre au « maximum de personnes, car la demande est forte » : la plateforme du 115 reçoit, en moyenne, 300 demandes par jour.
Sur place, les arrivants sont informés « du fonctionnement du centre, de leurs droits et des obligations qu’ils doivent respecter ». Après avoir reçu un repas à l’arrivée, un kit hygiène et une serviette de bain pour leur séjour, ils sont amenés à leurs chambres pour prendre connaissance des lieux : à chaque étage, deux chambres doubles et deux salles de bain. Des horaires réglementent l’accès au site pour faire cohabiter les différents rythmes de vie :
« Les personnes peuvent arriver à partir de 16h30. Généralement, on demande qu’elles rentrent avant 22h, par respect pour les gens qui dorment et qui sont dans les chambres. Sauf, bien sûr, pour ceux qui sont en emploi ou qui ont d’autres contraintes », détaille Uriel Thollas.
Les personnes bénéficient également d’un dîner complet le soir, et d’un petit-déjeuner le matin. L’organisation des espaces est également pensée en amont, toujours pour permettre la vie commune dans des conditions optimales pour toutes et tous :
« On a priorisé des couples avec le 115, pour qu’ils aient une intimité plus renforcée. Les femmes sont dans le même pôle d’appartements que les couples, afin d’être un peu à l’écart des hommes seuls. Ça leur permet d’être dans leur bulle à elles, ça marche plutôt bien », explique Uriel Thollas.
L’État met la main à la poche
À 8h30, la structure ferme jusqu’à 16h30. Des exceptions peuvent être convenues au cas par cas, « notamment pendant les périodes de grand froid », précise le Diaconat.
Pour le réseau d’entraide protestante, ce lieu d’accueil provisoire s’insère dans la continuité des actions menées durant l’hiver dernier, avec la mise à disposition d’un ancien bateau de croisière comme centre d’hébergement d’urgence. Une « expérience qui s’est très bien passée, avec le soutien des acteurs du quartier comme l’Iboat » ajoute le responsable du Diaconat .
Le centre d’hébergement d’urgence ans l’ancienne caserne devrait rester ouvert jusqu’au 31 mars 2025. Il complète « l’offre d’hébergement en Gironde, qui atteindra 2 150 places cet hiver », avec l’allocation d’une « enveloppe de plus de 1 million d’euros durant la période hivernale ». Un contexte dans lequel la troisième édition de la Nuit des solidarités a recensé près de 466 personnes vivant à la rue, dont 374 dans des bidonvilles.
« Au cours des cinq dernières années, les moyens consacrés par l’État à l’hébergement, à l’accompagnement et à l’insertion de ces publics sont passés de près de 28 millions d’euros à plus de 38 millions d’euros en Gironde », précise le communiqué de la préfecture de la Gironde du 20 novembre 2024.
Un lieu aux multiples facettes
Les volontaires sont assistés par l’entreprise Eiffage, qui a été retenue pour le réaménagement de ce bâtiment. Achevé en 1954 et utilisé pendant 70 ans par les pompiers bordelais, il nécessite encore une profonde réfection.
En plus du centre d’accueil d’urgence géré par le Diaconat et de la partie déjà investie pour les bureaux d’Eiffage, l’ancien parking est réhabilité pour la création d’un lieu festif.
« Ici, ce sera un tiers-lieu où l’on pourra prendre un verre, échanger… On veut garder l’âme de la caserne, avec des jeunes, des vieux, pas un truc élitiste. Hormis ce côté transitoire, l’idée, c’est de fédérer le quartier autour d’un lieu convivial », détaille Frédéric Schueller, gérant du foodtruck « Truck de Chef », à l’origine du projet avec quatre amis.
Baptisé la « Caserne B », le lieu devrait ouvrir courant décembre 2024. Bière locale, mobilier de récup, bornes d’arcades, flippers, espace de concert… Petit à petit, le lieu prend forme. Mais pas question de dénaturer l’endroit : un vieux camion incendie trône dans le hall, comme la barre de traction des pompiers. « Tout va rester, on veut garder cette histoire », souligne Frédéric.
Le bâtiment qui donne sur la rue de la Benauge sera complètement réhabilité pour accueillir 26 logements. Un nouveau édifice de 5 800 m² doit voir le jour, avec l’ajout de 77 habitations en supplément des logements rénovés. Sur l’ensemble, 50% correspondra à des logements libres, 40% à des logements sociaux et 10% à du locatif intermédiaire.
L’ancienne caserne sera quant à elle destinée à l’installation d’un hôtel. « Les discussions sont en cours avec plusieurs opérateurs, mais rien n’est définitivement arrêté » relate Pierre Bonnecarrere, directeur de projet au sein de Bordeaux Euratlantique, pour le média Placéco Gironde. Avec un coût estimatif de 54 millions d’euros pour la réhabilitation des lieux pris en charge par l’actuel propriétaire (Eiffage Immobilier), la fin du chantier est fixée pour 2028.
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