Il y a sept ans, le soir du 11 mars 2017, Charlotte (prénom modifié) sort boire un verre dans un pub de Bordeaux avec deux amies. Sur place, elles rencontrent des joueurs du FC Grenoble, venus se remettre de leur défaite face à l’UBB qui scellait alors leur relégation en ProD2.
La soirée se poursuit pour le petit groupe en boîte, avant que les jeunes femmes ne se séparent et que les rugbymen montent dans un taxi avec Charlotte, particulièrement ivre, en direction de leur hôtel à Mérignac.
À partir de ce moment-là, l’étudiante originaire de Bayonne dit ne plus se souvenir de rien ; les expertises toxicologiques révèleront qu’elle avait alors près de trois grammes d’alcool par litre de sang.
Elle se réveille quelques heures plus tard, nue, dans une chambre inconnue et entourée d’hommes. Elle fuit la scène en pleurs, comprenant rapidement qu’elle vient d’être victime d’un viol en réunion, et dépose plainte le jour même. Elle apprendra plus tard que l’un des joueurs présent a filmé les scènes de sexe et les a partagé sur Snapchat.
Après Mazan et Mendoza
Après avoir épuisé toutes les voies de recours, ils sont cinq à être jugés à partir de ce lundi : trois pour pour viol en réunion – l’Irlandais Denis Coulson (retraité), le Français Loïck Jammes (Provence Rugby) et le Néo-Zélandais Rory Grice (Oyonnax) -, deux pour non assistance à personne en danger – l’Irlandais Chris Farrell (Oyonnax) et le Néo-Zélandais Dylan Hayes (retraité). Les accusés sont tous présents à l’audience.
Pour la victime, « faire face à ses agresseurs pendant quinze jours, sept ans après les faits » constitue forcément une source de « stress » et de « crainte », explique Maître Gaessy Gros, l’un de ses quatre conseils. L’audience va se dérouler à huis-clos comme elle le souhaitait, pour garder d’une part son anonymat et se préserver de l’attention portée sur elle au moment d’évoquer des souvenirs douloureux, peut-on lire chez Midi Olympique.
Mais ce huis-clos ne l’est pas totalement, lit-on toujours chez nos confrères. À la demande de son avocate, Denis Coulson peut compter sur la présence de son père et de sa sœur. Les avocats de la victime ont quant à eux fait la demande qu’un de ses proches puisse rester avec elle, ainsi que deux membres d’une association d’aide aux victimes, Vict’aid. Des requêtes que la présidente Marie-Noelle Billaud a accepté.
Un procès reporté
D’autant que l’attente fut rallongée avec le report du procès en juin dernier. Denis Coulson était victime d’un accident de la route en Irlande, alors qu’il conduisait ivre, cinq jours seulement avant le début des audiences. Impossible pour le procès de se dérouler sans l’un des principaux accusés ; celui-ci est alors ajourné, rallongeant de six mois l’attente du dénouement pour la victime.
Depuis, d’autres affaires ont quelque peu remobilisé l’opinion publique sur la question du consentement et des excès de la troisième mi-temps, entraînant une (timide) réaction des instances du rugby, comme l’a observé Rue89 Bordeaux en Gironde :
« Il y a une vraie sensibilisation du public, avec le procès de Mazan et le cas de Gisèle Pélicot, et plus particulièrement avec l’affaire de Mendoza parce que ça touche le monde du rugby, estime Maître Gaessy Gros. Je ne sais pas s’il y aura un avant et un après comme c’est le cas pour Mazan, mais ce qui est sûr c’est qu’il y aura des leçons à tirer et plus particulièrement pour le monde du rugby. »
Le consentement au cœur du dossier
Côté défense, les joueurs clament toujours que la victime était consentante. « Dans la vidéo, on voit qu’elle est active, qu’elle agit, elle n’était pas dans un état comateux », affirme à nos confrères de France Bleu Gironde Maitre Corinne Dreyfus-Schmidt, l’avocate de Denis Coulson. Pour les avocats de la victime, la question ne se pose même pas :
« Notre droit dit que quand on est dans un état d’alcoolémie très avancé, on n’est pas en capacité de donner son consentement, rappelle Maître Gaessy Gros. Là, il y a des vidéos, et particulièrement celle de l’arrivée à l’hôtel qui est absolument non-équivoque où on voit que Madame n’est absolument pas en état de donner son consentement puisque les rugbymen doivent la porter pour qu’elle marche. »
La consommation excessive d’alcool est également pointée du doigt par les deux parties :
« Ce procès, c’est avant tout le procès de l’alcoolisation chez les jeunes qui se mettent dans des états pas possibles », soutenait Maitre Corinne Dreyfus-Schmidt à France Bleue Gironde.
Le verdict sera rendu le 13 décembre prochain.
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