La mobilisation étudiante ne cesse de prendre de l’ampleur. Lancé fin février, le mouvement contre les restrictions budgétaires imposées aux universités par le gouvernement Bayrou semble s’ancrer dans la durée sur les campus bordelais.
En une seule journée, trois assemblées générales successives se sont tenues à Bordeaux Montaigne, réunissant étudiants, personnel et syndicats enseignants. En milieu d’après-midi, le blocage du campus est devenu effectif, après une première tentative avortée dans la matinée en raison de l’intervention des forces de l’ordre.
Un programme hors les murs
En amphithéâtre ou sur le parvis, les débats et les votes ont ponctué cette journée de mobilisation. Une première assemblée générale du personnel, réunissant plus de 400 personnes, s’est tenue dans la matinée, en présence du président de l’université, Alexandre Péraud.
Soulignant son « soutien aux revendications sur les financements », le président de l’université salue un « dialogue constructif entre les étudiants et le personnel ». Il affirme toutefois que « le blocage n’est pas un moyen efficace » et plaide en faveur d’actions d’envergure nationale.
Avec une intersyndicale très large (Ferc-Sup CGT, FO ESR 33, SGEN-CFDT, Snasub-FSU, Snesup-FSU, Sup-Recherche UNSA, UNSA-IRTF Bio), les échanges ont notamment souligné l’importance d’une grève, jugée « indispensable pour instaurer un véritable rapport de force ». Sous quelle forme ?
« On pourrait imaginer faire des cours hors les murs. Ça permettrait de se mobiliser, de continuer à donner des enseignements aux étudiants et, surtout, d’aller vers les autres. Il faut que l’on sorte de la faculté et que l’on réfléchisse à notre manière de sensibiliser la société à ce qu’il s’y passe », déclare un intervenant au micro.
Après près d’une heure et demie de débat, l’assemblée a adopté plusieurs motions : appel à rejoindre la mobilisation nationale du 27 mars avec une grève « pour ceux qui le peuvent », organisation d’un rassemblement devant le rectorat le même jour, instauration d’une journée de mobilisation hebdomadaire « mobile », participation au mouvement Stand Up for Science, ainsi que la construction d’un mouvement commun entre le personnel et les étudiants. Une nouvelle assemblée générale du personnel est prévue le 27 mars à 9h.
Un parvis plein à craquer
Côté étudiants, le parvis de la faculté est plein à craquer. Les débats sont suivis avec attention, y compris depuis les bâtiments administratifs, où des membres du personnel de l’université observent les échanges depuis leurs fenêtres. À la tribune, des « compteurs » sont désignés pour les votes, afin de dissiper « les accusations de triche lors des précédentes assemblées ».
La convergence des luttes s’impose rapidement au centre des débats. Un objectif que vient défendre au micro Marie-Laure, buandière au CHU de Bordeaux et militante CGT, qui appelle à rejoindre la mobilisation des techniciens de laboratoire en grève depuis ce lundi 24 mars. :
« Contre l’extrême droite, contre l’austérité, on doit s’unir face à ces problématiques qu’on subit tous. On va rentrer dans une crise politique et sociale qui va être très violente. La convergence, c’est le seul moyen de parvenir à lutter, ensemble. »

« Un exemple »
Les étudiants, ainsi qu’une partie du personnel, s’accordent sur un panel de propositions : mobilisation unie et élargie, maintien du blocage sans déserter la fac, opposition aux réductions des budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, et refus d’une guerre « qui ne sera pas faite pour défendre le droit des peuples mais pour les intérêts capitalistes »…
Beaucoup misent sur l’extension du mouvement au sein des autres campus bordelais, dont Sciences Po, théâtre d’une mobilisation régulière autour de la cause palestinienne. « On peut faire de notre université un exemple », soutient l’un d’entre eux à la tribune. Après un vote express, la majorité de l’assemblée s’en va mettre en œuvre le blocage effectif du campus.
Dans un communiqué publié dans la foulée, Alexandre Péraud a « pris la décision d’une fermeture administrative avec suspension de toute activité à l’exception des opérations de paie, de sécurité et de sûreté pour les journées du 25 et 26 mars ».
Revendications
« On cherche à se structurer, à ce que l’occupation se passe le mieux possible. Le but, c’est que la faculté soit ouverte aux étudiants, qu’ils puissent venir se politiser, se rencontrer et se mobiliser sans la pression des cours. Différentes commissions sont mises en place pour organiser la vie quotidienne, de la communication à la nourriture, en passant par la sécurité et le lien avec les travailleurs et les professeurs de l’université », explique Maya, étudiante en L3 Histoire et élue Poing Levé au conseil d’administration.
À l’issue d’une dernière « assemblée générale d’occupation », les étudiants de l’université Bordeaux Montaigne ont voté une liste de revendications. Ils exigent l’ouverture totale des enveloppes de fonctionnement et d’investissement, considérées comme des « coupes budgétaires déguisées mises en place par la présidence ».
Ils réclament également le recrutement de professeurs, basé sur les demandes des départements en 2024, ainsi que la banalisation d’une heure commune hebdomadaire permettant aux étudiants et personnels de se réunir pour tenir des assemblées générales politiques. Le renvoi de la sécurité privée Atalian figure aussi parmi leurs revendications, tout comme le refus des cours et contrôles en distanciel ou délocalisés pouvant être mis en place pour pallier à l’occupation.

Les flics à la fac
Tôt dans la matinée, une vingtaine d’étudiants a tenté de bloquer les accès de l’université Bordeaux Montaigne, une action votée à une large majorité lors de l’assemblée générale du 19 mars. Vers 5h du matin, la petite équipe est alors abordée par un équipage de la police nationale, présent sur les lieux, qui déclenche un contrôle d’identité ainsi qu’une fouille des sacs.
« Ils nous mettaient leurs lampes dans les yeux et nous ont un peu menacés », témoigne Louise* (* pseudonyme), qui souligne une « volonté d’intimidation ». « On ne nous a pas donné de motif de contrôle », ajoute Michel*. Les étudiants affirment que certaines pièces d’identité ont été prises en photo par les agents de police.
Alors qu’AG Montaigne accuse la présidence de Bordeaux Montaigne d’avoir appelé les forces de l’ordre pour « éviter le blocage », Alexandre Péraud, président de l’université, réfute ces allégations. Le responsable évoque un « droit de suite » autorisant les policiers à pénétrer à l’intérieur du campus afin de poursuivre un individu en flagrant délit. Les étudiants contrôlés quant à eux disent n’avoir commis aucune infraction ni fait l’objet de verbalisation.
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