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Qui est Casimir Fidèle, l’esclave affranchi qui a donné son nom au collège du Grand Parc ?

Jeudi 13 mars, le collège du Grand Parc a été rebaptisé collège Casimir-Fidèle. Le choix des élèves s’est en effet porté sur cet esclave affranchi en 1778 par une famille bordelaise, après avoir été capturé à l’âge de 8 ans sur les côtes de Guinée. Une fois libre, il est devenu un cuisinier émérite et le propriétaire d’un hôtel-restaurant prestigieux à Bordeaux.

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Qui est Casimir Fidèle, l’esclave affranchi qui a donné son nom au collège du Grand Parc ?
Montage avec un registre des Archives de Bordeaux Métropole, aucune représentation existe de Casimir Fidèle

Le collège du Grand Parc porte le nom de son quartier depuis sa création, en 1965 ! Depuis ce jeudi 13 mars, il a un nouveau nom choisi parmi « les grandes figures bordelaises issues de la diversité », précise un communiqué du Conseil départemental.

« Le nom de Casimir Fidèle avait été leur choix, aujourd’hui approuvé par la Ville de Bordeaux et le Département de la Gironde », poursuit le communiqué.

Le choix de Casimir Fidèle a en réalité été fait en 2021, à l’occasion d’une participation à un dispositif « Migrations, citoyenneté et vidéo » mené par le groupe de recherche Achac. Deux enseignantes d’Histoire-géographie avaient proposé à une classe de 4e d’y participer en produisant d’un court métrage :

« Nous avons proposé une dizaine de noms de personnalités en lien avec le territoire de Bordeaux : Modeste Testas, Aristides de Sousa Mendes, Joseph Fenwick… et Casimir Fidèle. Le choix des élèves s’est porté rapidement sur ce dernier, découvert grâce aux recherches de Julie Dupart. La directrice de l’époque, Murielle Marius-Bertille, a été également séduite par son histoire et avait envie de le proposer comme nom pour le collège. L’idée a ensuite fait son chemin… »

Affranchi et cuisinier

C’est donc aux travaux de Julie Duprat, dont son ouvrage Bordeaux Métisse, qu’on doit la révélation de l’histoire de cet esclave affranchi. Elle a pu reconstituer son parcours à partir de nombreuses sources consultées dans les archives de Bordeaux Métropole, en particulier les extraits du registre de la paroisse Saint-Seurin.

Casimir Fidèle est né en 1748 sur la côte de Guinée. Capturé à l’âge de huit ans, il fait partie de l’expédition qui prend la mer vers les Antilles, plus précisément Saint-Domingue, mais il est amené en France métropolitaine.

« C’était une sorte de privilège pour les capitaines de choisir un esclave après les longues expéditions, explique Julie Duprat. A bord du bateau négrier Le Saint-Julien de Nantes, Nicolas Mary, le second du capitaine Gaurou, a choisi de garder Casimir Fidèle pour lui. »

Nicolas Mary fait baptiser son esclave à Nantes en 1756 et le garde sept ans avant de le vendre à une famille parisienne. Celle-ci lui offre un apprentissage auprès des maîtres traiteurs-­pâtissiers-rôtisseurs de la capitale, avant de le revendre à son tour à la famille Soissons-Lamontaigne à Bordeaux en 1777, pour occuper un poste de cuisinier.

Ascension sociale

A Bordeaux, il est aussitôt affranchi et, un an plus tard, il épouse Ursule Lachèze, une veuve aisée originaire de Brive-la-Gaillarde. Ce mariage lui offre un statut social qui a facilité son intégration dans la bourgeoisie locale de l’époque. Un fils naît de cette union la même année.

Ses talents culinaires et son ambition contribuent également à sa renommée. Il devient propriétaire de l’hôtel-restaurant de l’Empereur à Bordeaux cours Tourny, (actuellement le 13 du cours Georges-Clemenceau). L’établissement devient un lieu prisé par les notables bordelais. Le sens des affaires et ses investissements dans l’immobilier renforcent sa position sociale dans la bourgeoisie locale.

Sur le registre du mariage, Cazimir Fidelle (autre orthographe de son nom) est mentionné comme « nègre libre » Photo : détail d’un document des archives Bordeaux Métropole

« Un ancêtre noir de peau »

Après avoir lâché les affaires et mis son restaurant aux enchères, Casimir Fidèle s’engage pour la cause des Noirs affranchis, les « libres de couleur ». En 1794, il participe à une délégation de la communauté noire bordelaise laquelle, dans un discours prononcé devant la Convention nationale à Paris, félicite les députés d’avoir aboli l’esclavage dans toutes ses colonies. La France était alors l’un des premiers pays à le faire, avant que Napoléon ne fasse machine arrière en 1802. L’abolition sera définitivement promulguée en 1848.

Après une notoriété exceptionnelle et un engagement fort pour voir établir une société plus égalitaire, le « nègre libre » bordelais décède en 1796 à Paris.

En 2021, le nom de Casimir Fidèle refait surface dans des recherches généalogiques menées par une famille dans la région parisienne. Le journal Le Monde rencontre ses descendants, Isabelle Desforges et Patrice Friou, qui venaient de percer un vieux « secret de famille », celui d’ « un ancêtre noir de peau » dans une lignée qui avait les cheveux « blonds et raides ».


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