Ce vendredi 11 avril à 6h, après trois semaines consécutives de blocage, le site de l’Université de Bordeaux Montaigne à Pessac a été évacué par les forces de l’ordre. Sur demande du président de l’université, « l’opération a été conduite par les services de la direction interdépartementale de la police nationale (DIPN) [et] s’est déroulée sans incident » affirme un communiqué de l’université de ce jour.
Celui-ci ajoute que, « dans le cadre d’une réquisition prise par le Procureur de la République, les identités ont été relevées et les constatations réalisées ». Il précise également que, suite à de nombreuses dégradations constatées, l’université a porté plainte.
« Une crise qui s’est éternisée »
Joints par Rue89 Bordeaux, des représentants étudiants confirment que l’opération s’est faite dans le calme, tout en la critiquant :
« Nous étions contre le blocage comme mode d’action, car cela vide l’université et fait qu’on peut sensibiliser moins d’étudiants, indique une élue de l’Unef. Mais si la crise s’est à ce point éternisée, avec l’intervention policière comme dernier épisode, c’est aussi en raison des discours de la présidence qui ont cristallisé les tensions au lieu de les apaiser, des échanges verrouillés et des décisions unilatérales, comme la réouverture d’un bâtiment alors que d’autres étaient bloqués, ce qui a relancé le mouvement. »
Après huit jours d’un premier blocage en février, le site de Pessac était bloqué depuis le 24 mars par des groupes d’étudiants et d’étudiantes mobilisés contre les restrictions budgétaires imposées aux universités françaises. Depuis, « l’université était dans l’impossibilité de fonctionner normalement, entrainant, par ailleurs, de graves problèmes de sécurité pour les biens et les personnes » selon le communiqué de Bordeaux Montaigne, présidée depuis l’an dernier par Alexandre Péraud.
Dégradations et exaspérations
Outre les problèmes de sécurité avec la fermeture des accès en cas de secours d’urgence, et l’état d’épuisement des agents et personnels « mis à contribution jour et nuit depuis trois semaines », l’université mentionne « des actes malveillants » :
« Individus cagoulés et menaçants qui se déplacent à l’intérieur et à l’extérieur de nos locaux ; dégradations extérieures ; mise hors service des équipements de sécurité (extincteurs hors d’usage, portes coupe-feu dégradées ou entravées, ascenseurs mis hors service…) ; intrusions et effractions. »
L’université précise également que « des locaux sensibles ont été ainsi fracturés et des jeux de clefs ont été dérobés » et que « nombre de bâtiments ont été recouverts d’inscriptions et de slogans alors qu’ils venaient d’être rénovés ». Celle-ci s’inquiète « des coûts que ce blocage aura engendrés, alors même que les moyens de l’université, que nous jugeons insuffisants, devraient être consacrés à financer ses missions principales d’enseignement, de recherche et de vie étudiante ».
« Nous n’avons pas constaté de dégradations de cette ampleur, et on trouve grave et hypocrite la manière dont cet argument est utilisé pour justifier répression et décrédibiliser l’ensemble de la mobilisation, s’indigne Ulysse Pabœuf, élu étudiant Poing Levé. Nous ne sommes pas responsables de la situation initiale de casse de l’université, de la vétusté des bâtiments, des accès PMR qui ne sont plus dans les normes. C’est aussi ça qu’on veut dénoncer, la dégradation de l’université par manque de moyens. »
« Un précédent grave »
Le communiqué de l’université évoque d’ailleurs l’image et de la réputation de l’université faisant état d’ « exaspération, inquiétude, épuisement, incompréhension, mais surtout division au sein de la communauté universitaire ». La reprise des activités sera annoncée et les consignes détaillées dans les meilleurs délais, indique la présidence, avant de prévenir : « Chacun devra désormais comprendre que toute occupation illégale des locaux engendrera une intervention policière. »
« Ce qui s’est passé crée un précédent grave pour la répression des prochaines mobilisations, estime Ulysse Pabœuf. C’était un acquis du mouvement étudiant que les forces de l’ordre n’aient pas accès à l’université. »
D’autant que rien n’a avancé dans les discussions entre les organisations étudiantes et la présidence de l’université, pointe l’élue Unef :
« A la commission formation et vie universitaire, une des trois instances de dialogue, nous avons voté contre le plan de continuité pédagogique, qui a été adopté par 15 voix pour et 10 contre. Il est pourtant très problématique, en laissant carte blanche aux enseignants sur les modalités d’évaluation lors des partiels, et en permettant de le faire sur l’intégralité du programme alors que pendant les 4 semaines de blocage, des professeurs ont refusé de faire cours à distance, et des étudiants n’ont pas eu accès à ces cours en distanciel. Ce vote est une forme de sabotage de l’avenir de milliers d’étudiants. »
Pas d’avancée sur les VSS
Sur les revendications ayant entraîné le blocage, les représentants des étudiants ne voient pas non plus d’avancée.
« La baisse de 15% du budget de fonctionnement et de 30% du budget d’investissement ou la fin de la sélection dans certains filières nous ont été présentées soit comme impossibles, soit discutables par des groupes de travail, sans garanties sur leur création », affirme l’élu Poing Levé.
La demande que des étudiants intègrent la cellule de signalement des violences sexistes et sexuelles est aussi rejetée par la présidence, « arguant ce que ce serait trop dur pour eux en termes de santé psychologique », déplore-t-on côté Unef :
« Le contexte particulier à l’UBM justifiait pourtant cette demande pour restaurer la confiance des étudiants dans la gestion des VSS par l’université. On aurait pu imaginer un accompagnement, et partir sur une expérimentation pendant 6 mois ou 1 an, plutôt que de dire non par principe. »
Ce vendredi, une AG des étudiants se tient pour débattre de l’avenir du mouvement.
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