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Huit condamnés par la justice sur la scène de l’Opéra de Bordeaux : « Très peu de gens nous donneraient une deuxième chance »

Huit personnes placées sous main de justice ont participé à une adaptation de l’unique opéra de Beethoven, Fidelio. Une expérience à la fois artistique et de réinsertion, portée par l’Opéra National de Bordeaux en partenariat avec le SPIP. Deux condamnés témoignent et y voient « une marche vers un avenir meilleur ».

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Huit condamnés par la justice sur la scène de l’Opéra de Bordeaux : « Très peu de gens nous donneraient une deuxième chance »
« Pour nous qui nous sentons exclus, rejetés, les applaudissements à la fin c’est d’une force ! »

« On a eu une première réunion de 10 minutes. Quand on est revenus une semaine après, on nous a accueilli chacun par nos prénoms. J’ai trouvé ça incroyablement attentionné… », raconte d’une voix rauque Pacha, un quinquagénaire condamné par la justice et suivi en milieu libre.

« Je pense que très peu de gens nous donneraient une deuxième chance pareille, quel que soit le crime qu’on a commis », ajoute d’une voix éprouvée Ima, un autre condamné en milieu libre, la quarantaine passée.

Pacha et Ima (pseudonymes) font partie d’un groupe de huit condamnés, une femme et sept hommes, participant à l’opéra Fidelio, production de l’Opéra de Bordeaux mise en scène par Valentine Carrasco. Outre l’audace de transposer l’unique opéra de Beethoven à la période de l’Occupation allemande, cette création signe une première collaboration de ce genre avec le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation).

Le regard des autres

« Je n’étais pas spécialement motivé pour y participer parce que j’étais dans les tréfonds de la dépression. Me lever, bouger, aller faire quelque chose comme ça tous les jours, c’était au dessus de mes forces », poursuit Ima.

Ima craint « le regard des autres », qu’il évite depuis sa condamnation. La réticence principale de ce père de famille « était de voir des gens qui savent, ils vous regardent et même s’ils sourient, vous êtes à nouveau jugé ». Des situations qu’il a « fuies pendant 5-6 ans ».

C’est finalement ses enfants, 13 et 15 ans, qui parviennent à le convaincre. Ils savent son intérêt pour l’Histoire, le poids de son enfermement, et « ce serait justement pas mal de se bouger un peu ».

Pacha, lui, est preneur de ces occasions qui « allègent les travaux d’intérêt général ». Pour ce natif de Cannes, « le cinéma, l’art, la comédie, les artistes, tout ça, il a toujours connu depuis tout gamin ». Ce « lien » l’a suivi au fil du temps, depuis « les quartiers où on faisait des pièces avec des rôles et des imitations ».

« Mon frère a joué dans une série pour France 3 et j’ai joué dans un court-métrage en 1995 à Londres », ajoute-t-il. Et « cette occasion à l’Opéra m’a permis de lever des barrières ».

« J’avais le trac, dit-il. Plusieurs fois je me suis dis mais qu’est-ce que tu fous là ? Comment je vais faire face au public ? Pourquoi j’ai accepté ça ? Mais ça n’a pas duré longtemps. On a été aussitôt embarqués dans un programme très bien fait pour nous mettre à l’aise. »

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