Un verdict à rebours de la relaxe obtenue en première instance. Ce jeudi 12 juin, la cour d’appel de Bordeaux a reconnu coupable Myriam Eckert, conseillère municipale de l’opposition pour le collectif Bordeaux en Luttes, de refus d’obtempérer et d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Elle est condamnée à trois mois de prison avec sursis, à 300 euros d’amende, ainsi qu’au paiement de 600 euros au titre des frais d’avocat et 300 euros au titre du préjudice moral.
Une décision vivement contestée par son avocat, Maître Bruno Bouyer, qui dénonce une procédure marquée par son caractère politique :
« C’est en tout cas l’impression que j’ai. Dans ce dossier, la police est à la manœuvre, et le parquet vient soutenir son action en reprenant ses accusations : outrage, refus d’obtempérer, refus de signalisation… Le texte de l’arrêt est extrêmement décevant, tout comme la décision elle-même, qui méritera d’être contestée. »
Un délai de traitement judiciaire « surprenant »
Les faits concernés remontent au 22 septembre 2023. Myriam Eckert est alors interpellée et placée en garde à vue pour outrage et refus d’obtempérer, selon la version policière.
Lors de l’audience du 13 mai dernier, bien que l’appel du ministère public ne porte que sur les faits d’outrage, les magistrats ont choisi de réexaminer l’ensemble des infractions qui lui étaient reprochées. Une décision prise malgré les objections de Maître Bruno Bouyer qui avait soulevé deux exceptions de nullité en raison d’irrégularités de procédure, toutes rejetées au motif qu’il n’était pas appelant :
« C’est ridicule, parce qu’en première instance, en tant qu’avocat de la défense, j’avais obtenu tout ce que je souhaitais. Par conséquent, quel intérêt aurais-je eu à faire appel ? […] Or, sur les convocations, tant pour le refus d’obtempérer que pour le refus de se soumettre aux relevés signalétiques, les mentions n’étaient pas suffisamment précises. »
« Le code de procédure pénale exige pourtant qu’elles soient claires », insiste l’avocat, afin de permettre à la personne poursuivie de connaître précisément les faits qui lui sont reprochés. Plus largement, Bruno Bouyer souligne des incohérences entre l’arrêt rendu le 12 juin par la cour et le déroulement réel de l’audience du 13 mai – avec notamment le refus de laisser la défense plaider en premier, ainsi que de multiples incidents avec le conseiller rapporteur. Il précise par ailleurs que les notes d’audience seront sollicitées auprès du greffe de la cour d’appel de Bordeaux.
« Le délai avec lequel cette affaire a été jugée est particulièrement surprenant. D’ordinaire, en formation collégiale, les audiences ont lieu deux à trois ans après la première instance. Là, en dix mois à peine, une première audience était fixée. Pris isolément, ce n’est pas un élément rédhibitoire, mais replacé dans le contexte cela renforce l’impression d’un dossier suivi de très près par la hiérarchie policière, avec un parquet qui accompagne le mouvement. »
Cassation
Par la voix de son avocat, Myriam Eckert annonce se pourvoir en cassation. La démarche n’a pas encore été enclenchée, mais le sera « en début de semaine prochaine », précise-t-il, en indiquant s’appuyer sur trois éléments principaux pouvant, selon lui, justifier des moyens de cassation : l’excès de pouvoir du juge d’appel qui a réexaminé l’ensemble des faits, le non-respect des exigences de précision dans les convocations ainsi que la contradiction entre le jugement de première instance et l’arrêt d’appel sans élément nouveau.
Une cagnotte solidaire a été mise en ligne par la conseillère municipale – et candidate aux prochaines élections locales, afin de lui permettre de payer les frais engagés dans la procédure. À ce jour, 3 265 € ont été récoltés sur les 3 500 escomptés. « Tout le surplus sera reversé au collectif Contre Les Abus Policiers », précise l’élue, qui a également mis en ligne une pétition dénonçant un « harcèlement par l’État » depuis 19 ans.
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