Dans le quartier populaire La Benauge, le Secours populaire est plus qu’actif. Outre la distribution alimentaire, la rue Fleming aligne, tous les dix mètres, une vitrine de l’association.
Sur cette véritable « rue de la solidarité », chaque échoppe associative a sa spécialité. En venant de Stalingrad, on tombe d’abord sur la brocante animée par les inséparables et railleurs Joël et Paul. Un peu plus loin, avant d’atteindre la librairie solidaire, on découvre le vestiaire : une boutique de vêtements tenue par des bénévoles surnommées les « pom-pom girls ». Le mardi, ce sont Marie et Dany, toutes deux retraitées qui accueillent les clients.
Dany Godart, du haut de ses 80 ans, est la doyenne du Secours populaire de La Benauge. Le 25 juin, l’octogénaire a soufflé ses bougies en présence des autres bénévoles de la rue. Comme elle aime à le dire, elle est « dans les petits papiers de tout le monde ».
Une vie à aider
Née dans les Ardennes, Dany est arrivée à l’âge de 15 ans à Bordeaux. Un poste de chef de rail avait été proposé à son père. Passer de la « neige à la plage », le changement lui a plu.
En âge de travailler, elle décide de s’occuper des personnes âgées et faire leur toilette. Quand juste avant sa retraite, sa mère tombe malade, Dany arrête son activité pour l’accompagner durant 2 ans. Retraitée, pour s’occuper et penser à autre chose, elle s’engage au Secours populaire.
« Nous on est une famille habituée à aider. Il faut aider tout le monde, tous ceux qu’on peut », sourit Dany.
Aujourd’hui, cela fait douze ans que la sénior est bénévole, douze ans qu’elle vient toutes les semaines, tous les jours d’ouverture du lundi au vendredi, et « même le samedi ». Il y a 5 ans pourtant, à cause d’un grave maladie, elle a été contrainte de faire une pause.
« Même quand j’avais mon cancer et que je ne pouvais pas y aller, je les appelais, je ne les ai jamais quittés. »
À peine rentrée de l’hospitalisation, elle appelait déjà un bénévole – François – pour venir la chercher et l’amener rue Fleming. Elle a besoin de bouger et surtout de ne pas arrêter le Secours populaire.
« Si je pouvais faire davantage, je le ferais. Mais le médecin m’a interdit. Avec mes opérations, je ne peux rien porter », râle Dany.
Malgré son optimisme radical et sa volonté de maintenir ses activités inchangées, ses neveux et nièces girondins se relaient pour lui faire ses courses et lui donner un coup de main quotidien. Elle qui vit seule et n’a jamais eu d’enfants est donc loin d’être isolée.

Un sacré caractère
Assise sur son fauteuil, Dany ne perd pourtant rien de son allure. Coquette et taquine, elle continue de mener la boutique du bout de sa canne. « Elle a son caractère comme tous les mamies », sourit Marie Sabourdy, bénévole avec elle le mardi. En Gironde, le Secours populaire peut compter sur 1600 bénévoles à l’année. Aucune obligation de régularité n’astreint les bénévoles, mais beaucoup d’entre eux retraités comme Dany et Marie, s’investissent sans compter les heures.
Pendant que Marie fait le tri dans les stocks, guide et conseille les clients. Dany prend des nouvelles, discute, blague. Une mission tout autant essentielle.
« On apporte aux personnes ce dont ils ont besoin : de la chaleur », rappelle Paul Barranse, bénévole depuis 2012 à la brocante du Secours populaire La Benauge.
Chaque bénévole a conscience de cette double mission : nourrir les corps et les cœurs. Une mission qui a construit le maillage associatif présent dans le quartier. Dany fait partie de ces figures qui ont le contact facile et la main tendue.
« Elle reçoit bien les gens, elle est accueillante, toujours vivante … dans le sens de dynamique bien sûr », rit Paul.
Un petit village
Bien que modeste la boutique est pensée pour attirer les plus réticents. La nièce de Dany a accroché des papillons de couleur au mur, « c’est plus gai et les enfants aiment bien ». Alors pendant que les plus grands farfouillent pour trouver des vêtements pour la famille, les plus petits ont un espace pour jouer au pied des portants.
La porte en baie vitrée de la boutique est toujours ouverte. Les passants sont nombreux dans la rue, certains plus démunis que d’autres. Les bénévoles voient celles et ceux qui n’osent pas ou ne peuvent pas entrer dans le magasin, faute d’argent.
La canne de Dany ne l’empêche jamais d’aller les voir et de leur proposer de l’aide. Dernièrement, ce sont une jeune femme avec deux petites filles en pleurs qui l’ont fait se lever de son fauteuil. Elle est ressortie dix minutes plus tard du supermarché en face avec des courses pour les trois avant de les rediriger vers des points de distribution alimentaire.
Depuis le temps, Dany est connue dans ce quartier où elle vit et travaille. Si elle vit seule dans son appartement, elle ne s’ennuie jamais. Dans son immeuble, les enfants d’une famille venue d’Ukraine l’appellent mamie. Dans la boutique, même ceux qui ne veulent rien acheter s’arrêtent un moment échanger avec le doyenne.
Conviviale et la main sur le cœur, elle se laisse des fois emporter par des élans de générosité et baisse – souvent – les prix annoncés. Quitte à se faire taper sur les doigts par les voisins de la brocante Paul et Joël. Des chamailleries qui ne durent jamais très longtemps pour la doyenne qui a pu fêter, en juin, ses 80 ans avec les quatorze membres de sa famille ainsi que les bénévoles de La Benauge.
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