La sanction est tombée le 5 août et, depuis, Jean-Christophe Colombo se dit abattu. « Je n’ai pas eu le courage de lire les 5 pages du courrier mais j’ai compris que j’étais mis à pied 15 jours en allant à la dernière page », raconte le conducteur de bus TBM de Keolis Bordeaux.
Cette décision fait suite à un conseil de discipline qui s’est tenu le 23 juillet. Motif : il avait quitté son poste dans son véhicule pour en découdre avec un passager agressif à Villenave-d’Ornon.
L’homme d’une cinquantaine d’années, qui assure ce métier depuis 1997, avait alors reçu plusieurs coups, entraînant une interruption temporaire de travail (ITT) de 45 jours.
« Je me rappelle encore ce que j’ai entendu devant le conseil. Des personnes que je ne connaissais même pas et qui ne me connaissaient pas me disaient : “Ça fait 28 ans que vous faites ce métier et le monde a changé, est ce que vous êtes toujours fait pour ce métier ?”, ou encore “est-ce que c’est pas votre ego qui vous a poussé à aller à l’affrontement ?”… », rapporte-t-il.
« Double peine inacceptable »
Ayant pris connaissance de la décision, le Syndicat national des transports urbains-CFDT publie le 15 août un communiqué de presse pour dénoncer la sanction disciplinaire infligée, « une double peine inacceptable », « alors même que la justice a formellement reconnu son absence totale de responsabilité dans les faits ».
« Nous appelons également l’entreprise et le groupe Keolis à cesser les pratiques disciplinaires abusives et à engager un véritable dialogue social, respectueux des droits fondamentaux et de la dignité des salariés et de tenir ses engagements RSE qui prétend vouloir “créer un climat de confiance où chacun se sent soutenu” et faire de la sécurité et du bien-être de ses équipes une priorité absolue. Une entreprise responsable protège ses salariés. Elle ne les punit pas. »
Jean-Christophe Colombo annonce son intention de saisir les prud’hommes, ainsi que de déposer plainte au pénal contre Keolis pour « mise en danger de la vie d’autrui », confirmant à Rue89 Bordeaux l’information révélée par Sud Ouest. Le conseil disciplinaire, réuni en juillet, lui a reproché d’avoir quitté son poste de conduite et de ne pas avoir alerté le poste de sécurité. Il risquait alors un licenciement.
« Les règles de sécurité »
Toujours en arrêt de travail, Jean-Christophe Colombo dit souffrir de séquelles psychologiques et réfléchit à demander « une hospitalisation programmée ».
Selon Sud Ouest, Keolis Bordeaux a condamné « avec la plus grande fermeté l’agression dont a été victime » Jean-Christophe Colombo, mais insiste sur ses consignes « claires » :
« En cas d’agression ou de violence, ne pas quitter son poste, alerter immédiatement le PC sécurité et ne jamais intervenir physiquement. Malheureusement, M. Colombo a quitté son poste de conduite sans prévenir les équipés de sécurité, puis a expulsé l’agresseur du bus par la force, un geste formellement interdit qui l’a exposé, lui comme les passagers. »
Le conflit devrait désormais se poursuivre devant les juridictions prud’homales et pénales. Un feuilleton judiciaire s’ouvre donc, sur fond de malaise social et de débats récurrents autour de la sécurité des chauffeurs de bus.
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