L’anniversaire des 40 ans de l’apparition du VIH est l’occasion de rendre hommage aux soignants, militants, associations et surtout aux personnes concernées qui ont façonné l’histoire locale de la lutte contre la maladie en Gironde. Comme l’a rappelé lors d’un récent point presse Sylvie Justome, adjointe au maire de Bordeaux en charge de la santé, cet anniversaire est une manière de « se souvenir, célébrer et reconnaître tous ceux qui ont accompagné les avancées ».
À cette occasion, la Ville lance, aux côtés de l’association Bordeaux ville sans sida (BVSS), une vaste programmation culturelle de novembre 2025 à juin 2026. La démarche entend à la fois commémorer quatre décennies de lutte et rappeler que l’épidémie reste une réalité bien vivante, nécessitant plus que jamais prévention, dépistage et mobilisation collective.
Se souvenir pour mieux guérir
L’événement est placé sous le parrainage de la professeure Françoise Barré Sinoussi, prix Nobel de médecine en 2008 et présidente de Sidaction depuis 2017. Bien que souffrante, elle « accompagne le projet au quotidien », comme l’a précisé Maryse Tourne, fondatrice du collectif Sida 33.
La programmation s’ouvrira avec l’exposition « Du cancer gay au SIDA, Histoire des mobilisations contre le Sida à Bordeaux », du 28 novembre au 3 décembre à l’espace Mably. Conçue sous forme de bandes dessinées, elle retrace de manière chronologique les débuts de la crise et l’engagement des communautés. Philippe Vinsonneau, sociologue lui-même militant, insiste sur la nécessité de ne pas laisser cette mémoire s’effacer.
« On peut parler de guerre », rappelle-t-il, évoquant les années 1980 où « chaque semaine quelqu’un décédait, et la communauté vivait dans une situation de violence terrible. C’est notre histoire, année après année, avec nos combats, nos deuils et nos victoires.»
Il souligne aussi la portée symbolique du travail artistique : « Les patchworks, les dessins, c’est de la résilience et de la résistance. C’est une manière d’aimer et de ne pas oublier. »

Culture, jeunesse et mémoire : un axe fort
La culture joue en effet un rôle essentiel pour toucher un public large, et en particulier les plus jeunes, chez qui la banalisation du VIH inquiète les acteurs de terrain. Tous les lieux culturels bordelais sont donc mobilisés.
Parmi les rendez-vous marquants, un Patchwork des Noms sera déployé au CAPC le 29 janvier 2026 : un geste artistique et mémoriel réunissant plus de 180 pièces textiles réalisées à la mémoire des personnes disparues.
La Journée mondiale du 1er décembre retrouvera également sa dimension symbolique forte avec du dépistage gratuit place de la Victoire, une parade autour d’un ruban rouge géant et une grande soupe solidaire préparée avec des personnes vivant avec le VIH.
Le cinéma tiendra lui aussi une place importante : la projection du film « Il a suffi d’une nuit », qui donne la parole aux femmes, souvent oubliées, contaminées par le virus, aura lieu le 5 décembre à l’Utopia. La jeunesse sera au centre de plusieurs actions, notamment un grand jeu-rallye éducatif organisé dans toute la ville en mai 2026 pour sensibiliser les collégiens, ainsi qu’un colloque universitaire en mars 2026.
Une nécessité sanitaire bien actuelle
L’objectif est de toucher le public le plus large possible. Car malgré les progrès scientifiques majeurs, les chiffres rappellent que l’épidémie n’est pas terminée. En France, on estime à 170 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH, dont 24 000 ignorent leur séropositivité, soit 14 % des personnes concernées. Dans le département de la Gironde, plus de 500 malades l’ignorerait.
Cette méconnaissance contribue à la poursuite des transmissions et à des diagnostics tardifs : 41 % des nouvelles découvertes sont encore faites à un stade avancé de la maladie. En moyenne, 5 000 personnes sont contaminées par le virus en France. En 2024, la Nouvelle-Aquitaine a recensé 139 nouvelles contaminations, principalement chez les hommes ayant des rapports homosexuels.
Si une personne séropositive sous traitement efficace ne transmet pas le virus, il faut pour que cette avancée bénéficie à tous, intensifier le dépistage, notamment via des actions « hors les murs » et l’accès facilité à la PREP (prophylaxie pré-exposition, un médicament pris par les personnes non infectées par le VIH mais ayant un risque de l’être).
Aussi, le conseil départemental de la Gironde organise du 1er au 5 décembre, des opérations de dépistage gratuites et confidentielles à Bordeaux, Bègles et Pessac. Le programme détaillé des actions est à retrouver sur le site du département.
Comme l’a souligné le docteur Denis Lacoste, « il n’existe toujours pas de vaccin, mais les progrès sont aujourd’hui de l’ordre de la prévention ». Qu’il s’agisse de dépistage, de traitement post-exposition, de PREP ou d’information, celle-ci demeure donc le pilier central pour faire reculer durablement l’épidémie. Le meilleur moyen demeurant encore et toujours l’usage du préservatif.

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