Média local avec zéro milliardaire dedans

La Région Nouvelle-Aquitaine défend sa filière foie gras face au « mauvais procès » de l’ObSAF

Jean-Pierre Raynaud, vice-président en charge de l’agriculture, reconnaît l’importance des aides, mais insiste sur leur rôle dans la biosécurité et la mise en conformité sanitaire, rejetant l’idée d’un soutien massif à la production elle-même.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

La Région Nouvelle-Aquitaine défend sa filière foie gras face au « mauvais procès » de l’ObSAF
Elevage de canards

« Un modèle agricole sous perfusion publique », « porosité » entre soutien agricole et soutien agro-industriel, « manque de coopération de certaines administrations »… Le rapport de l’Observatoire des Subventions et Aides Agricoles (ObSAF), publié le 12 décembre dernier, n’a pas été d’une grande tendresse avec la filière foie gras en Nouvelle-Aquitaine.

Dans ce rapport, la Région a été pointée du doigt pour avoir « explicitement refusé de répondre à [la] première demande » de l’observatoire qui réclamait les détails des aides et subventions. Ce qui aurait valu à celui-ci de faire appel à un avocat pour « une nouvelle demande plus précise » et saisir la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) pour obtenir des éléments.

« Grande imprécision »

La Région, par la voix de son vice-président en charge de l’agriculture, Jean-Pierre Raynaud, a tenu à réagir, affirmant avoir « répondu officiellement par courrier » à la requête de l’ObSAF. « Les documents sont publics et à la disposition de l’ensemble des demandeurs », précise l’élu.

Dans une lettre adressée le 20 novembre que Rue89 Bordeaux a consultée, la Région dit relever dans les deux demandes faite par l’ObSAF « une grande imprécision ».

« La demande qui porte sur un nombre excessif de documents ne doit pas perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée, notamment si elle a pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose », peut-on lire.

« Tous les liens vers les documents publics ont été fournis », affirment les services. Jean-Pierre Raynaud conteste les accusations de refus ou d’absence de coopération avec l’ObSAF et précise toutefois qu’aucune communication de la CADA ne lui a été adressée par ailleurs.

Tout pour la biosécurité

Le rapport de l’ObSAF indique que la filière foie gras, avec plus de 1 600 exploitations en Nouvelle-Aquitaine, aurait reçu 13,8 millions d’euros de subventions sur la période 2022-2025, dont près de 60% provenant de fonds européens, et que la Région aurait contribué à hauteur de 35,8%. Il souligne également la difficulté d’obtenir des informations précises sur les bénéficiaires et sur l’utilisation réelle de ces aides.

Pour Jean-Pierre Raynaud, l’interprétation de ces chiffres est trompeuse : les aides ne financent pas la production elle-même mais la mise en conformité sanitaire et technique des exploitations explique-t-il. Entre 2022 et 2025, 8,4 millions d’euros ont été investis par près de 200 producteurs pour renforcer la biosécurité et adapter les élevages aux normes sanitaires souligne le vice-président.

Il nuance alors fortement la dépendance structurelle aux subventions soulevée dans le rapport :

« Je n’ai pas du tout cette vision. La filière a vécu des moments particuliers, avec l’influenza aviaire et la crise Covid, et elle s’adapte aux obligations sanitaires et aux normes de bien-être animal. »

Budgets maintenus

Le rapport de l’ObSAF met également en avant le soutien aux grandes entreprises agroalimentaires, comme Delpeyrat ou Labeyrie, qui concentreraient une part importante des aides. Jean-Pierre Raynaud affirme en réponse que « les grosses entreprises sont plafonnées ; les TPE et exploitations artisanales ont les mêmes droits et peuvent bénéficier de dispositifs adaptés à leurs projets de transformation à la ferme ».

Selon le vice-président, la Région privilégie les projets les plus vertueux, notamment ceux qui améliorent le bien-être animal et favorisent la transition agroécologique, en conformité avec la feuille de route Néo Terra. Il insiste également sur l’accompagnement de l’innovation :

« Nous avons soutenu des projets d’engraissement des canards sans gavage. Aujourd’hui, les résultats ne sont pas concluants, mais les travaux vont se poursuivre. Nous avons aussi accompagné l’ovosexage des œufs [qui consiste à déterminer le sexe du canard, NDLR] pour éviter d’éliminer les femelles. »

Malgré les efforts budgétaires demandés aux collectivités, Jean-Pierre Raynaud assure que l’accompagnement des agriculteurs et des filières reste stable dans le budget régional – revu à la baisse pour 2026 – malgré un effort global de réduction des dépenses :

« Les crédits de la Région et les fonds européens permettent de maintenir un niveau d’investissement stable. Les engagements pris en 2024 pour une politique agricole transparente et tournée vers la transition agroécologique sont tenus. »

« Mauvais procès »

Ainsi, la Région se défend d’un soutien excessif ou opaque.

« Quand la demande d’aide est instruite, il y a le paiement d’un acompte et le solde est payé après justificatif de toutes les dépenses qui sont liées à l’investissement soutenu. Si les dépenses ne sont pas justifiées, l’aide est adaptée celles qui le sont. »

Selon Jean-Pierre Raynaud, ce suivi strict est confié à des organismes partenaires, « la Région n’ayant pas de pouvoir réglementaire ». Ces contrôles – « très tatillons » – peuvent aller jusqu’au remboursement des aides en cas de manquement affirme l’élu, sans citer des exemples abusifs.

Pour l’élu en charge de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, la mer et la montagne, le rapport de l’ObSAF est « un mauvais procès fait à une filière qui a fait des efforts importants ». Il renvoie alors au rapport de CIWF France (Compassion in World Farming), publié à l’occasion du salon de l’agriculture en mai 2025.

« La Nouvelle-Aquitaine est la mieux placée par son engagement agroécologique et son niveau d’investissement sur le bien-être animal, sur l’accompagnement pour une agriculture bio et, d’autres signes officiels de qualité. »

Consultée, cette étude sur « les financements régionaux et la transition de l’élevage » n’englobe pas la filière foie gras. « Nous sommes opposés au gavage et notre position est très claire sur les souffrances que ça implique », tient à préciser Agathe Gignoux, responsable des affaires publiques et juridiques de CIWF France.


#Gastronomie

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options