Les forêts seront-elles nos radeaux de sauvetage face aux conséquences du dérèglement climatique ? Leur importance pour limiter la hausse des températures, leur rôle de « puits de carbone » pour stocker le CO2 émis par l’homme, sont des données connues et reconnues, comme en attestent le dernier rapport du GIEC sur les terres émergées ou les premiers travaux d’Ecobiose, comité d’experts sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine.
Dans un article au site The Conversation, Hervé Jactel, spécialiste de la forêt et directeur de recherche à l’INRA de Cestas-Pierroton souligne que « 30 % environ des émissions de gaz à effet de serre de la planète sont compensées par la croissance des forêts ».
Déforestation en Amazonie, en Indonésie, en Afrique, pratique du brûlis, incendies ravageurs aux Etats-Unis et en Russie… « les forêts n’ont jamais été autant menacées », alerte le scientifique que nous avons interrogé dans ce dossier.
Tiers état de bois
Mais les dangers du réchauffement planétaire – multiplication des tempêtes et des sècheresses ou migrations d’espèces invasives… – guettent aussi les bois de Nouvelle-Aquitaine, plus grande région forestière française : les forêts couvrent le tiers de son territoire, soit 2,8 millions d’hectares.
A lui seul, le massif des Landes de Gascogne, le plus grand massif artificiel d’Europe, constitué à plus de 80% de pins maritimes, s’étend sur plus d’un million d’hectares et trois départements : les Landes, le Lot-et-Garonne et la Gironde.
Ce qui a longtemps été la botte secrète de la Gascogne pourrait se retourner contre elle. La plantation massive au XIXe siècle de pins maritimes (une essence locale) a permis de rendre hospitalière des régions marécageuses, de faire vivre ses habitants et une filière dynamique, riche de plus de 50000 emplois en Nouvelle-Aquitaine.
« Malforestation »
Mais la monoculture du pin fragilise la forêt landaise face aux tempêtes, et l’expose aux maladies et au parasite. Les forestiers guettent ainsi avec inquiétude l’arrivée possible du nematode, un vers venu du sud de l’Europe
Si aujourd’hui, la région est plus boisée qu’à l’époque des Gaulois, certains sylviculteurs, associations et élus écologistes dénoncent sa « malforestation » et son exploitation trop intensive, marquée notamment par le recours aux coupe-rases.
Une sylviculture intensive également critiquée par des citoyens et des riverains, qui dénoncent la transformation du paysage par une sylviculture industrialisée. « On plante des pins comme on plante des carottes ! » déplore un habitant de Saint-Symphorien. Ce dernier a rejoint à Uzeste ces citoyens qui rachètent la forêt pour mieux la protéger, comme vous le raconte un reportage de ce dossier.
Ce groupement forestier recueille les avis éclairés de Jacques Hazera. Rue89 Bordeaux s’est aussi entretenu avec ce propriétaire et expert forestier à Hostens. Vice-président de l’association Pro Silva, il prône une sylviculture respectueuse des processus naturels, à l’opposé du mode d’exploitation dominant du pin maritime.
Une forêt aux abois ?
La Nouvelle-Aquitaine compte aussi quelques forêts primaires, elles aussi menacées : nous avons observé comment le syndicat mixte du Ciron œuvre pour tenter d’enrayer la disparition de la hêtraie du Ciron, une forêt fossile de plus de 40 000 ans, écrin exceptionnel mais fragile de biodiversité.
Dans ce dossier, Rue89 Bordeaux vous emmène ainsi à la rencontre de ceux qui remettent en question les pratiques actuelles et s’engagent pour agir autrement.
Ces forestiers militants et amoureux des arbres ne sont plus seuls : dans un avis récent sur le programme régional bois-forêt de Nouvelle-Aquitaine, l’autorité environnementale s’inquiète de l’augmentation envisagée des prélèvements de bois. Nous tenterons donc de comprendre si, entre les pressions économiques et les périls climatiques, la forêt aquitaine est aux abois.
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